Un fonctionnaire, bien qu’atteint de troubles mentaux, peut être révoqué
C’est ce qu’a retenu le Conseil d’Etat dans une décision du 17 février 2023 (Conseil d’Etat, 17 février 2023, n° 450852).
Dans cette affaire, l’agent sanctionné avait tenu, à de très nombreuses reprises, tant à l’oral qu’à l’écrit, des propos extrêmement agressifs et dégradants, dont plusieurs à caractère sexuel et comportant des menaces physiques, à l’égard d’une de ses collègues, de sa supérieure hiérarchique ainsi que d’une élue, lesquelles avaient toutes trois porté plainte pour harcèlement moral.
Cet agent avait encore adressé à cette même collègue un nombre important de courriels comportant des ordres comminatoires, alors même qu’il était dépourvu de tout pouvoir hiérarchique à son égard, perturbant le bon fonctionnement du service.
Au regard de la gravité des manquements en cause et de leur impact sur les personnes concernées ainsi que sur le service, l’autorité territoriale avait décidé de révoquer cet agent.
Contestant cette décision, ce dernier s’était alors prévalu de son irresponsabilité à raison des troubles mentaux dont il était atteint, irresponsabilité qui avait déjà été retenue dans le cadre d’une précédente procédure disciplinaire de révocation engagée à son encontre en 2008.
Une telle argumentation s’inscrivait dans la ligne de la jurisprudence rendue en la matière, en vertu de laquelle aucune sanction ne peut être infligée à un agent si son discernement est aboli lors de la commission de la faute. Ou, s’il souffre d’une pathologie altérant – mais n’abolissant pas – son discernement, la sanction doit être adaptée dans son quantum (voir par exemple en ce sens : CE 15 octobre 2020, M. Brunel, n° 438488 ; CE, 27 mai 2019, n°s 422899, 426363).
Dans la présente affaire, le Conseil d’Etat n’a retenu aucune de ces solutions, estimant que « si M. D… soutient que son état de santé mentale le rendait irresponsable de ses actes, à l’instar de ce qui avait été déjà constaté à l’occasion de la précédente procédure de révocation engagée par la région Languedoc-Roussillon en 2008, lors de laquelle un rapport d’expertise psychiatrique avait conclu à son irresponsabilité au moment des faits qui lui étaient alors reprochés, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des documents fournis par l’intéressé, que son état de santé mentale, pour la période d’avril à septembre 2016, faisait obstacle à ce qu’une sanction soit prononcée en raison de ses manquements en cause » et que « dans ses conditions, eu égard à la gravité des faits reprochés, (…) et compte tenu de ce que l’état de santé mentale de M. D… n’était pas de nature à altérer son discernement au moments des faits en cause, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer la révocation de l’intéressé ».
La Haute Juridiction s’est ainsi livrée à une appréciation minutieuse des pièces du dossier, rappelant que les troubles mentaux invoqués par l’agent sanctionné doivent, pour entrainer son irresponsabilité ou, à tout le moins, le prononcé d’une sanction moindre, être attestés par des éléments suffisamment probants et circonstanciés.
Or, au cas d’espèce, si l’agent avait fourni un rapport d’expertise psychiatrique lors de la procédure disciplinaire engagée à son encontre en 2008, attestant de son irresponsabilité au moment des faits reprochés, il s’était borné, dans le cadre de cette nouvelle procédure disciplinaire, à faire état d’un simple certificat médical ne permettant pas de considérer que son état mental était suffisamment altéré pour qu’il ne soit pas considéré responsable de ses actes au moment des faits ou que sa responsabilité soit atténuée.
Ainsi le fait, pour un agent, d’être atteint de troubles mentaux ou psychiques ne le rend-t-il pas automatiquement irresponsable des fautes disciplinaires qu’il commet.
Par ailleurs et d’importance, le Conseil d’Etat précise qu’« il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire que l’engagement d’une procédure disciplinaire par l’autorité territoriale serait, à peine d’irrégularité, subordonné à une formalité préalable destinée à vérifier l’état de santé mentale du fonctionnaire concerné ».
Il n’appartient donc pas à l’administration, lorsqu’elle entend engager une procédure disciplinaire à l’égard d’un agent, de rechercher en amont et en l’absence d’éléments communiqués par ce dernier, si son état de santé permet le prononcé d’une sanction, pas plus que de rechercher si une procédure non disciplinaire serait plus appropriée à son état de santé.