Expropriation : pas d’indemnisation de la perte de revenus locatifs pour le propriétaire d’un logement indécent
Par une décision du 11 janvier 2023, à publier au bulletin (n°21-23.792), la Cour de cassation, a jugé que ne peut être indemnisé au titre de la perte de revenus locatifs l’exproprié qui manque à son obligation de délivrance d’un logement décent.
En l’espèce, une société civile immobilière s’est vue expropriée d’un lot de copropriété, divisé en deux chambres de service mises en location, au profit de la Société de Requalification des quartiers anciens (SOREQA).
Cette dernière fait grief à l’arrêt attaqué de fixer une indemnité pour perte de revenus locatifs au profit de la SCI alors “[qu’il] résulte de propres constatations des juges que le lot exproprié, scindé en deux surfaces de moins de 9 m², constituait des logements non conformes aux règles de l’habitat décent ».
La cour d’appel de Paris avait, en effet, jugé pour allouer cette indemnité, que “si seul donne lieu à réparation le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation, la SCI justifie du droit de propriété et de la conclusion de baux, même s’ils concernent des logements indécents au regard de la superficie inférieure à 9 m².”
Ainsi saisie, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1719, 1° du Code civil,
“le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent.”
Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel de Paris a, en accordant cette indemnité à la SCI, alors qu’elle avait “constaté que les deux logements loués ne répondaient pas, au regard de leur superficie, aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son preneur”, violé les textes susvisés.
En effet, “la SCI ne pouvant prétendre à l’existence d’un droit juridiquement protégé au paiement des loyers, dont la perte serait susceptible d’être indemnisée, la demande formée à ce titre [devait] être rejetée.”
Ainsi, “lorsque l’expropriation porte sur une habitation principale ne répondant pas aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son preneur, le propriétaire exproprié ne peut se prévaloir d’un droit juridiquement protégé à l’indemnisation de la perte de revenus locatifs”.