Expropriation pour cause d’utilité publique : un même projet peut faire l’objet de plusieurs arrêtés successifs
Dans une décision du 25 janvier 2023 (n°458930), à mentionner aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a jugé que l’ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d’un projet déclaré d’utilité publique n’a pas à faire l’objet d’un unique arrêté de cessibilité.
En l’espèce, le préfet de l’Essonne avait, par un arrêté du 24 mars 2014, déclaré d’utilité publique au profit de l’établissement public d’aménagement de Paris-Saclay (EPAPS) le projet d’aménagement de la ZAC du quartier de l’école Polytechnique sur le territoire des communes de Palaiseau, Orsay et Saclay.
Pour la réalisation de ce projet, le préfet de l’Essonne a, par plusieurs arrêtés successifs, poursuivi l’expropriation de terrains appartenant conjointement aux sociétés Finamur et Nord Europe Lease, et qu’elles donnaient en crédit-bail à la SCI SL Saclay Lab.
Après une première enquête parcellaire conduite en février 2016, la préfète de l’Essonne a déclaré cessible, par un arrêté du 22 septembre 2016, une parcelle détenue par ces propriétaires et une fraction d’une autre.
Plus tard, il est apparu qu’il était nécessaire de réaliser une voie de circulation sur une bande de terrain complémentaire, non expropriée. Une seconde enquête parcellaire a été réalisée sur cette seule bande de terrain, puis a été pris un arrêté déclarant cessible cette seule bande.
L’ensemble des arrêtés de cessibilité a été contesté par les sociétés crédit-bailleuses et celle preneuse des terrains, devant le TA de Versailles qui a annulé certains d’entre eux. Les appels formés par l’Etat et l’EPAPS ont été rejetés par la CAA de Versailles.
Cette dernière avait jugé que “les dispositions de l’article L. 132-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique doivent s’entendre comme imposant à l’autorité administrative de faire figurer dans un même arrêté de cessibilité l’ensemble des parcelles appartenant à un même propriétaire, dont l’expropriation est poursuivie”,
Elle en avait déduit que “l’extension du périmètre à exproprier à une parcelle qui n’était pas incluse dans l’enquête parcellaire initiale concernant d’autres parcelles appartenant au même propriétaire aurait justifié qu’il soit procédé à une nouvelle enquête parcellaire portant sur l’ensemble des parcelles de ce propriétaire et non à une enquête parcellaire et un arrêté de cessibilité portant uniquement sur la nouvelle parcelle.”
L’EPAPS seul s’est pourvu en cassation.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler qu’aux termes de l’article L. 132-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, “l’autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l’expropriation est nécessaire à la réalisation de l’opération d’utilité publique. Elle en établit la liste, si celle- ci ne résulte pas de la déclaration d’utilité publique”.
Pour le Conseil d’Etat, “ni cette disposition ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’impose que l’ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d’un projet déclaré d’utilité publique fasse l’objet d’un unique arrêté de cessibilité.
Des arrêtés de cessibilité peuvent dès lors être pris successivement si l’expropriation de nouvelles parcelles se révèle nécessaire pour la réalisation de l’opération déclarée d’utilité publique.
La circonstance que des parcelles faisant l’objet de ces arrêtés successifs appartiennent à un même propriétaire est à cet égard sans incidence.”
Ainsi, des arrêtés de cessibilité peuvent être pris successivement si l’expropriation de nouvelles parcelles se révèle nécessaire pour la réalisation de l’opération déclarée d’utilité publique. La circonstance que ces parcelles faisant l’objet de ces arrêtés successifs appartiennent à un même propriétaire est à cet égard sans incidence.