Gérer la sous-traitance dans les marchés publics
Capacités. Un opérateur économique peut se prévaloir des capacités techniques et professionnelles d’un sous-traitant dans le cadre de sa candidature. Identification. L’offre doit permettre d’identifier le sous-traitant ainsi que la nature et le montant des prestations sous-traitées. Paiement direct. Seuls les sous-traitants acceptés et dont les conditions de paiement ont été agréées peuvent bénéficier du paiement direct.
En cours d’exécution du marché, le titulaire peut recourir à de nouveaux sous-traitants à condition de les avoir préalablement déclarés à l’acheteur.
1 – Maîtriser le cadre juridique et le périmètre de la sous-traitance
D’une réforme à l’autre, le droit pour les opérateurs économiques, candidats et soumissionnaires, d’invoquer la sous-traitance et d’y recourir n’a jamais été remis en cause. Le droit à la sous-traitance et son encadrement ne trouvent pas directement leur origine dans les textes spécifiquement consacrés à la commande publique. En la matière c’est d’abord dans loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance qu’il faut se plonger. Les dispositions propres au droit des marchés publics ne font, pour l’essentiel, que reprendre ces dispositions.
L’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, au même niveau que la loi de 1975 dans la hiérarchie des textes, a cependant apporté quelques compléments non négligeables en la matière. Son article 62 étend désormais explicitement le recours à la sous-traitance aux marchés de fournitures pour des prestations de services et les travaux accessoires.
De plus, ce même article permet à présent à l’acheteur d’interdire le recours à la sous-traitance pour des « tâches essentielles » du marché. Ces tâches, qui peuvent être précisées par l’acheteur dans les documents de la consultation, devront être exécutées directement par le titulaire du marché
2 – Analyser la capacité des candidats en prenant en compte les sous-traitants
Au stade du dépôt de sa candidature, l’opérateur doit produire les documents requis par l’acheteur afin de prouver ses capacités à pouvoir exécuter le marché. Aux termes de la réforme, le candidat peut bien évidemment se prévaloir des capacités d’un ou plusieurs sous-traitant(s) comme le prévoit l’article 48 du décret du 25 mars 2016. Par exemple, un candidat peut s’appuyer sur les capacités d’un sous-traitant disposant des certificats professionnels ou des références exigées par le règlement de la consultation.
Il lui appartient alors de prouver que le sous-traitant sera effectivement à sa disposition pour exécuter la partie du marché qui lui sera confiée. Pour ce faire, il pourra produire un contrat le liant au sous-traitant ou tout autre engagement écrit et juridiquement contraignant, comme une lettre d’engagement, dans son dossier de candidature. En revanche, il n’est pas tenu de renseigner, à ce stade, c’est-à-dire au titre des pièces de la candidature, la nature ou le montant des prestations qu’il entend sous-traiter. Si ces éléments sont produits, la candidature doit être considérée comme complète.
Lors de l’analyse des candidatures, l’acheteur devra vérifier les conditions de participation du candidat lui-même mais également celles du sous-traitant, le cas échéant, dans le respect des dispositions de l’article 55 du décret du 25 mars 2016.
Au demeurant, le candidat reste cependant l’unique interlocuteur de l’acheteur. Les éventuelles demandes d’explications sur les documents justificatifs et moyens de preuves fournis relatifs au sous-traitant devront être adressées au candidat et non au(x) sous-traitant(s) présenté(s).
A noter que rien ne semble s’opposer à ce que le sous-traitant bénéficie des dispositions de l’article 53 du décret du 25 mars 2016 : un candidat n’apparaît pas tenu de fournir les justificatifs et moyens de preuves relatifs à ses sous-traitants dès lors que l’acheteur peut les obtenir directement par le biais d’un système électronique de mise à disposition d’informations administré par un organisme officiel ou d’un espace de stockage numérique. De la même manière, l’acheteur doit être en mesure de réexploiter les documents d’un sous-traitant déjà transmis lors d’une précédente consultation, à la condition évidemment qu’ils soient toujours valides.
Au terme de la procédure de passation, si l’attributaire pressenti s’appuie sur un sous-traitant, alors l’acheteur est tenu de contrôler que celui-ci n’est pas sous le coup d’une interdiction de soumissionner à un marché public prévue à l’article 45 de l’ordonnance du 23 juillet 2015.
3 – S’assurer de la présence dans l’offre des éléments relatifs à une sous-traitance annoncée
Au stade de l’offre, le soumissionnaire qui souhaite confier l’exécution d’une partie du marché à un sous-traitant est tenu de respecter les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, et notamment son article 5.
Concrètement, l’offre du soumissionnaire doit contenir des précisions relatives à l’identité du ou des sous-traitant(s) pressenti(s), la nature des prestations qu’il entend sous-traiter ainsi que le montant de ces prestations. L’opérateur économique ne peut donc se contenter d’annoncer un ou
plusieurs sous-traitant(s) dans sa candidature (afin de s’appuyer sur ces derniers pour justifier de ses capacités) et ne pas apporter ces précisions dans son offre. Le non-respect de cette formalité doit conduire l’acheteur à considérer l’offre comme irrégulière en l’état de la méconnaissance des dispositions de la loi de 1975.
La fourniture de ces éléments doit permettre à l’acheteur notamment de contrôler que le soumissionnaire ne sous-traite pas des tâches désignées comme essentielles dans les documents de la consultation, conformément à l’article 62 de l’ordonnance de 2015. En outre, c’est à l’appui de ces informations que l’acheteur pourra le cas échéant interroger le soumissionnaire dans le cadre d’une procédure d’offres anormalement basse, dans le respect des dispositions de l’article 60 du décret du 25 mars 2016. On rappellera en effet qu’aux termes de la réforme, le contrôle de l’acheteur est expressément étendu en la matière aux prix pratiqués par les sous-traitants éventuels.
4 – Faire preuve de vigilance dans les éventuelles régularisations candidature/offre
Le dossier de candidature déposé par un opérateur qui ne justifierait pas des éléments attestant de sa capacité à réaliser le marché peut (mais cela n’est jamais une obligation pour l’acheteur) faire l’objet d’une régularisation dans les conditions prévues à l’article 55 du décret de 2016.
En cas de régularisation du dossier de candidature conduisant le candidat à se prévaloir d’un ou plusieurs sous-traitant(s) bénéficiant des capacités qui lui faisaient initialement défaut, l’acheteur devra alors veiller à la mise en cohérence de l’offre du soumissionnaire concerné. En effet, si le candidat s’appuie sur les compétences d’un sous-traitant pour justifier de sa propre capacité, cela implique nécessairement qu’il n’est pas en mesure de prendre en charge lui-même la part de prestation correspondante. Par conséquent, l’offre devra mentionner l’identité du ou des sous-traitant(s) ainsi que la nature et le montant des prestations qu’il entend sous-traiter. A défaut, l’offre devra être considérée comme irrégulière puisque le candidat a l’intention de sous-traiter certaines parties du marché sans pour autant respecter les exigences de la loi du 31 décembre 1975.
Toutefois, à condition de respecter l’égalité de traitement entre les candidats, l’acheteur pourra, conformément à l’article 59 du décret, inviter le soumissionnaire à régulariser son offre incomplète à cet égard. Et rien n’interdit à un acheteur de solliciter un opérateur afin qu’il régularise dans un premier temps sa candidature puis dans un second temps son offre.
Dans le cadre d’une procédure ouverte, on peut aussi imaginer une régularisation en une seule fois dans laquelle le soumissionnaire présente son sous-traitant avec l’ensemble des pièces relatives aux capacités et les informations relatives à son identité, la nature des prestations sous-traitées et le montant correspondant.
5 – Payer directement uniquement les sous-traitants acceptés et déclarés
Une fois le sous-traitant accepté au regard de ses capacités, l’acheteur doit encore agréer ses conditions de paiement, conformément à l’article 133 du décret. En pratique, lorsque la demande d’agrément intervient au moment du dépôt de l’offre, l’opérateur doit mentionner, outre l’identité du sous-traitant, la nature et le montant des prestations sous-traitées, les conditions de paiement prévues par le projet de contrat de sous-traitance ainsi que, le cas échéant, les modalités de variation des prix (article 134 du décret.).
La notification du marché à son titulaire emporte acceptation du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement. Le sous-traitant pourra alors être directement payé par l’acheteur pour la partie dont il assure l’exécution si le montant du contrat de sous-traitance est égal ou supérieur à 600 euros (article 135 du décret).
Matériellement, la demande de paiement direct du sous-traitant se déroule en deux temps, évoqués à l’article 136 du décret. D’abord, une demande devra être adressée au titulaire du marché. Ce dernier dispose alors d’un délai de quinze jours à compter de sa réception pour donner son accord ou son refus sur la demande à ce sous-traitant mais également à l’acheteur. Ensuite, le sous-traitant devra envoyer une seconde demande de paiement à l’acheteur, comprenant les factures adressées au titulaire et la preuve que celui-ci a bien reçu la première demande de paiement (avis postal ou récépissé).
Une fois cette demande reçue, l’acheteur communique au titulaire une copie des factures transmises par le sous-traitant dans sa demande de paiement et informer le titulaire des paiements qu’il effectuera au sous-traitant.
On rappellera qu’un sous-traitant non déclaré ne peut bénéficier du droit au paiement direct et qu’une régularisation éventuelle n’a pour effet que de régler la difficulté pour l’avenir et jamais pour le passé (CE, 2 juin 1989, Ville de Boissy-Saint, req. no 65631). Avec les réformes successives on constate un renforcement des obligations de vigilance des acheteurs en la matière et avec lui une responsabilité susceptible d’être plus facilement engagée par les sous-traitants malheureux.
Références – Ordonnance n°2015-360 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ; Décret n°2016-899 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ; Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
Bastien DAVID – avocat collaborateur