Habitat indigne : les communes peuvent se substituer à l’Etat dans l’exécution des arrêtés préfectoraux d’insalubrité
La Cour administrative d’appel de Versailles vient de rendre un arrêt intéressant s’agissant de l’intervention des Communes dans le cadre de l’exécution des arrêtés préfectoraux édictés en matière d’habitat insalubre.
L’on rappellera d’abord, le cadre juridique dans lequel cette décision s’inscrit. Lorsqu’un arrêté de police pris sur le fondement des dispositions du Code de la santé publique (police de l’insalubrité), du Code de la construction et de l’habitation (police des édifices menaçant ruine ou des équipements communes des immeubles à usage d’habitation) interdit temporaire ou définitivement, il appartient au propriétaire d’assurer le relogement des occupants (qui s’entendent, à grands traits, comme toute personne titrée ou occupant les lieux de bonne foi).
En matière d’insalubrité, comme en l’espèce, « II. lorsqu’une déclaration d’insalubrité, une mise en demeure ou une injonction prise sur le fondement des articles L. 1331-22, (..)du code de la santé publique est assortie d’une interdiction temporaire ou définitive d’habiter et que le propriétaire ou l’exploitant n’a pas assuré l’hébergement ou le relogement des occupants, le préfet, ou le maire ou, le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale s’il est délégataire de tout ou partie des réservations de logements en application de l’article L. 441-1, prend les dispositions nécessaires pour héberger ou reloger les occupants, sous réserve des dispositions du III (…) V. Si la commune ou, le cas échéant, l’établissement public de coopération intercommunale assure, de façon occasionnelle ou en application d’une convention passée avec l’Etat, les obligations d’hébergement ou de relogement qui sont faites à celui-ci en cas de défaillance du propriétaire, elle est subrogée dans les droits de l’Etat pour le recouvrement de sa créance » (art. L. 521-3-2 du Code de la construction et de l’habitation).
Au cas d’espèce, le Préfet de la Seine-Saint-Denis avait édicté un arrêté préfectoral sur le fondement de l’article L. 1331-22 du Code de la santé publique assorti d’une interdiction définitive d’habiter la cave d’un pavillon mise en location par le propriétaire. Devant l’urgence de la situation, et en l’absence d’exécution de l’arrêté par le propriétaire, la Commune – qui n’était délégataire des réservations de logements – était intervenue pour assurer l’hébergement en hôtel social des occupants de la cave. Puis elle avait émis des titres exécutoires à l’encontre du propriétaire pour recouvrer les sommes exposées pour l’hébergement.
Le propriétaire avait toutefois contesté l’arrêté préfectoral devant le Tribunal administratif de Montreuil qui l’avait annulé en tant qu’il enjoignait au propriétaire d’assurer l’hébergement des occupants de la cave.
La Commune qui n’était pas partie à cette instance avait alors formé une tierce-opposition – procédure (rarement mise en œuvre) permettant à une personne intéressée non partie à l’instance de contester une décision de justice devant la Juridiction l’ayant rendue – contre ce jugement devant le même Tribunal administratif. Sa tierce-opposition avait été rejetée comme étant irrecevable au motif que l’intervention de la Commune ne trouvait pas son fondement dans les dispositions de l’article L. 531-3-2 précité de sorte que le jugement contesté n’avait pas préjudicié aux intérêts de la Commune.
La Commune avait alors relevé appel de ce jugement. Elle a obtenu gain de cause à hauteur d’appel.
La Cour administrative d’appel a d’abord estimé, dans une interprétation inédite à notre connaissance des dispositions de l’article L. 521-3-2 du Code de la construction et de l’habitation, qu’alors même qu’elle ne serait pas délégataire de toute ou partie des réservations de logements, une commune peut « de façon occasionnelle et même en l’absence de convention passée avec l’Etat, assurer les obligations d’hébergement ou de relogement qui sont faites à l’Etat en cas de défaillance du propriétaire. La commune est alors subrogée dans les droits de l’Etat pour le recouvrement de sa créance et peut, à cette fin, émettre des titres de perception » (§4 de l’arrêt).
Dans ces conditions, la Cour administrative d’appel de Versailles a estimé que la Ville avait bien un intérêt à former tierce-opposition contre le jugement annulant partiellement l’arrêté préfectoral puisqu’elle disposait d’un intérêt pécuniaire, distinct de celui de l’Etat, à voir cette dernière décision maintenue dans l’ordonnancement juridique.
Sur le fond du dossier, la Cour administrative d’appel a également donné raison à la Commune en jugeant que les occupants de la cave étaient « des occupants de bonne foi » envers qui le propriétaire de l’immeuble déclaré insalubre avait une obligation de relogement.
Cette décision, outre le fait qu’elle ait été rendue aux termes d’une procédure méconnue et rarement mise en œuvre, sécurise l’intervention – le plus souvent dans l’urgence – des Communes, au soutien de l’Etat, dans la lutte contre l’habitat indigne en leur garantissant la possibilité de recouvrer les frais d’hébergement qu’elles ont exposés.