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La conciliation des obligations déontologiques et du statut de lanceur d’alerte.

La conciliation des obligations déontologiques et du statut de lanceur d’alerte.

A propos de la décision du Conseil d’Etat du 24 mai 2017 (n°389785)

Par une décision du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat a rappelé que le « statut » de lanceur d’alerte devait se concilier avec les obligations déontologiques des agents publics.

Mme B., adjointe de sécurité à la police de l’air et des frontières, a co-signé, sous le titre « Omerta dans la police – abus de pouvoir, homophobie, racisme, sexisme », un ouvrage publié en 2010 et imputant à cette institution un certain nombre d’abus. Elle a fait l’objet d’une sanction disciplinaire, pour manquement à l’obligation de réserve, consistant en la suspension de ses fonctions pour une durée de dix-huit mois, dont douze assortis du sursis. Le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d’appel de Paris ont successivement rejeté les recours de Mme B.

Eclairée – et sur certains points complétée – par la lecture de l’arrêt de la cour administrative d’appel de paris du 31 décembre 2014 (n°13PA00914), la décision commentée réaffirme un certain nombre de lignes directrices de la jurisprudence du juge administratif en matière déontologique. En premier lieu, le Conseil d’Etat réaffirme que les agents publics en général, les policiers en particulier, sont soumis à une obligation de réserve. En second lieu, le juge rappelle que le statut de représentant syndical n’exonère pas son bénéficiaire de toute limite à sa liberté d’expression, « alors même que ces limites sont moins strictes que celles s’imposant aux fonctionnaires eux-mêmes » (cons.7, n°13PA00914). En troisième et dernier lieu, le Conseil d’Etat rejette l’argument tendant à reconnaître la qualité de lanceur d’alerte à Mme B. Non pas que les faits signalés n’auraient pas « mérité » d’être signalés, mais parce que la requérante ne démontre pas s’être trouvée dans l’impossibilité d’agir autrement que par la publication d’un ouvrage. Ainsi, Mme B. ne justifie pas avoir préalablement saisi sa hiérarchie dans les formes requises desdits faits. Si elle a effectivement opéré un signalement au procureur, ce dernier n’a concerné qu’un nombre limité des faits relatés dans l’ouvrage. Et si elle a saisi la HALDE (aujourd’hui intégrée au Défenseur des droits), elle n’a pas attendu l’avis de cette autorité pour publier l’ouvrage. Comme l’avait jugé la cour, la publication de l’ouvrage procédait « d’une intention délibérément polémique ».

Alors que les lois « Lebranchu » et « Sapin 2 » ont renforcé le statut du lanceur d’alerte, cette décision du 24 mai 2017 – même rendue sous l’empire du droit antérieur – a le mérite de rappeler que l’obligation de réserve reste un impératif déontologique majeur, que la protection du lanceur d’alerte est conditionnée au respect des formalités et procédures internes, et enfin, que l’agent souhaitant rendre publique son alerte ne peut y procéder qu’en dernier recours, après avoir épuisé toutes les autres voies à sa disposition. Compte tenu de l’actualité du sujet, ce n’est pas le moindre des intérêts de cette décision.

Samuel DYENS – avocat associé

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