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Le Conseil d’Etat durcit sa position sur l’octroi d’indemnité du titulaire d’un contrat entaché de nullité

Le Conseil d’Etat durcit sa position sur l’octroi d’indemnité du titulaire d’un contrat entaché de nullité

CE, 6 octobre 2017, CEGELEC, req. n° 395268, Publié au Recueil

Aux termes de sa décision du 6 octobre 2017 (CE, 6 octobre 2017, CEGELEC, req. n° 395268, Publié au Recueil), le Conseil d’Etat est venu préciser les règles sur les demandes indemnitaires d’un ancien titulaire d’un contrat ayant fait l’objet d’une annulation.

En l’espèce, le centre hospitalier de Narbonne avait lancé une procédure d’attribution d’un marché public travaux en vue de la construction d’un centre de gérontologie. Le pouvoir adjudicateur n’a cependant pas respecté le délai de stand-stillpour signer le marché avec l’attributaire du lot 8, la société CEGELEC. La société SPIE SUD OUEST, candidate évincée de l’attribution de ce lot, a saisi le juge du référé contractuel. Constatant d’abord le non-respect de ce délai, privant la requérante de la possibilité d’introduire utilement un référé précontractuel, le juge du référé contractuel a ensuite relevé plusieurs irrégularités dans la procédure de passation, le conduisant à annuler le marché.

Au terme d’une nouvelle procédure de passation, c’est la société SPIE SUD OUEST, antérieurement requérante, qui s’est vue attribuer le marché. La société CEGELEC, ancienne titulaire du lot querellé puisque le marché était signé, a alors saisi le juge administratif afin d’être indemnisée du préjudice résultant de l’annulation du marché dont elle était titulaire. Le tribunal administratif a d’abord fait droit à cette demande en condamnant le centre hospitalier à lui verser la somme de 132.616 euros.

En appel cependant, la Cour administrative d’appel de Marseille a ramené cette somme à 12.470 euros. Elle a en effet estimé que le juge du référé contractuel avait prononcé l’annulation du contrat initialement signé entre la société CEGELEC et le centre hospitalier en raison de plusieurs manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence et sans début d’exécution du contrat. Par conséquent, selon la Cour, la société CEGELEC ne pouvait se prévaloir d’aucun droit à la conclusion du contrat et ne pouvait obtenir l’indemnisation des bénéfices qu’elle pouvait attendre du contrat ensuite de son annulation par le juge du référé contractuel. En revanche, la faute du centre hospitalier, consistant à avoir conduit une procédure irrégulière, était, quant à elle, directement à l’origine du préjudice subi. La société CEGELEC avait donc droit à l’indemnisation des frais inutilement engagé pour répondre à l’appel d’offres.

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat fait une application de sa jurisprudence Decaux (CE, 10 avril 2008, req. n°244950, publié au Recueil) en rappelant que : « l’entrepreneur dont le contrat est écarté peut prétendre, y compris en cas d’annulation du contrat par le juge du référé contractuel, sur un terrain quasi contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ». La Haute juridiction rappelle également qu’outre le fondement quasi-contractuel, si le contrat a été écarté en raison d’une faute de la personne publique, alors l’entrepreneur peut engager la responsabilité pour faute de l’administration. Dans ce cadre, il pourra obtenir le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées pour l’exécution du contrat ainsi du bénéfice escompté.

Cependant, le Conseil d’Etat vient ajouter une nouvelle condition : afin de faire droit à cette réparation pour faute de l’administration, le juge administratif doit apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s’il existe un lien de causalité direct entre la faute de l’administration et le préjudice invoqué. Il s’agit là d’un durcissement de la position du Conseil d’Etat en la matière, puisque, sous le régime de la jurisprudence Decaux citée, le lien entre la faute de l’administration et le préjudice subi par l’entreprise était présumé, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de prouver l’existence d’un lien direct.

Désormais, il est donc nécessaire pour l’entreprise d’établir que son préjudice est directement lié à l’irrégularité de la procédure constatée par un lien de causalité également direct entre la faute de la personne publique et la perte du bénéfice du requérant. Faisant application de ce principe en l’espèce, le Conseil d’Etat estime que la Cour administrative d’appel a jugé que les manquements aux règles de passation avaient eu une incidence déterminante sur l’attribution du marché. Le lien entre la faute de l’administration et le manque à gagner dont la société CEGELEC entendait obtenir la réparation ne pouvait ainsi être regardé comme direct. Par conséquent, selon les juges du Palais Royal, la Cour n’avait ni commis une erreur de droit ni une erreur de qualification juridique.

On relèvera que le Conseil d’Etat valide la position de la Cour qui considérait que la société CEGELEC n’avait « aucun droit à la conclusion du droit ». Ce dernier point peut laisser dubitatif dès lors qu’en l’espèce, le contrat avait été signé par les parties et notifié à son titulaire avant son annulation. Certes, si un attributaire ne dispose d’aucun droit acquis à la signature du contrat, une fois signé et notifié, celui-ci apparaissait cependant formé et exécutable…

 

Bastien DAVID – avocat collaborateur

 

 

 

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