Le Conseil d’Etat ouvre aux tiers un nouveau recours pour mettre un terme à l’exécution d’un contrat
CE, 30 juin 2017, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche, req. 398445, Publié au Recueil.
Par une décision Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche (SMPAT), qui sera publiée au Recueil, le Conseil d’Etat a ouvert aux tiers à un contrat administratif une nouvelle voie de recours.
En avril 2014 déjà, par sa décision Tarn-et-Garonne (CE, 14 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, req. n° 358994, Publié au Recueil), la Haute Juridiction avait ouvert aux tiers la possibilité de contester directement la validité d’un contrat ou certaines de ses clauses, fermant par la même occasion la voie du recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables et antérieurs à la conclusion du contrat.
Poursuivant son œuvre de recomposition des voies de recours offertes aux tiers, et dans la lignée de la décision du 14 avril 2014, la Section du contentieux a abandonné la jurisprudence LIC (CE, 24 avril 1964, SA de Livraisons industrielles et commerciales, req. n° 53518, Publié au Recueil) selon laquelle les tiers pouvaient former un recours pour excès de pouvoir contre le refus de résilier un contrat, acte détachable dudit contrat.
En effet, dans la décision du 30 juin 2017, les juges du Palais Royal ont considéré « qu’un tiers à un contrat administratif, susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat, est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat »
A l’instar du recours contre la validité du contrat, cette action est ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale contractante mais également au représentant de l’Etat dans le département : « (…) que s’agissant d’un contrat conclu par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département »
Et il ne s’agit pas là de la seule similitude avec la décision Tarn-et-Garonne puisque le recours SMPAT n’est ouvert aux tiers que dans des conditions strictes.
D’abord, le Conseil d’Etat a limité au nombre de trois les moyens pouvant être soulevés dans le cadre de ce recours. Ainsi, il ne peut s’agir que « des moyens tirés de ce que la personne publique contractante était tenue de mettre fin à son exécution du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours, de ce que le contrat est entaché d’irrégularités qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office ou encore de ce que la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général ; qu’à cet égard, les requérants peuvent se prévaloir d’inexécutions d’obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettent manifestement l’intérêt général ».
Et les juges du Palais Royal, faisant œuvre de pédagogie, ont précisé que les tiers « ne peuvent se prévaloir d’aucune autre irrégularité, notamment pas celles tenant aux conditions et formes dans lesquelles la décision de refus a été prise ». Autrement posé, les vices de formes de la décision de refus ne pourront être soulevés à l’occasion de ce recours.
Ensuite, il ne faut pas perdre de vue que ces moyens doivent « être en rapport direct avec l’intérêt lésé dont le tiers requérant se prévaut ». A l’instar du recours Tarn-et-Garonne, sauf pour « le représentant de l’Etat dans le département ou par les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales compte-tenu des intérêts dont ils ont la charge », le requérant devra donc établir le lien entre le ou les manquements, au sens des trois moyens, et la lésion qu’il subit du fait de l’exécution du contrat.
Ainsi saisi, il appartiendra alors « au juge du contrat d’apprécier si les moyens soulevés sont de nature à justifier qu’il y fasse droit et d’ordonner après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat, le cas échéant avec un effet différé ». L’atteinte à l’intérêt général peut donc, même en présence d’un manquement, faire échec à la demande.
Enfin, dès lors que ces nouvelles règles « ne portent pas atteinte à la substance du droit au recours des tiers », elles « sont d’application immédiate ».
En l’espèce, faisant donc immédiatement application de ces nouvelles règles, les juges du Palais Royal relèvent que la qualité de « concurrent direct » dont se prévalent les requérantes « ne suffit pas à justifier qu’elles seraient susceptibles d’être lésées dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la poursuite de l’exécution du contrat conclu le 29 novembre 2006 pour être recevables à demander au juge du contrat qu’il soit mis fin à l’exécution de celui-ci ». On relèvera que le Conseil d’Etat fait à cette occasion une interprétation stricte de la qualité de concurrent direct puisqu’elle celle-ci ne suffit pas, à elle seule, à établir l’intérêt lésé du requérant.
En outre, les moyens soulevés ne pouvaient être « être invoqués à l’encontre du refus de mettre fin à l’exécution du contrat » et étaient « dès lors inopérants »
Bastien DAVID – avocat collaborateur