Le Conseil d’Etat précise l’intérêt à agir à l’encontre d’un permis modificatif
CE, 17 mars 2017, Malsoute, n° 396362
A peine est-il besoin de rappeler qu’en application de l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme :
« Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ».
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a dégagé une grille de lecture de cette disposition, rappelant les obligations des parties (requérant, défendeur) et l’office du Juge de l’excès de pouvoir :
« qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; qu’il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; qu’il appartient ensuite au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci » (CE, 10 juin 2015, Brodelle et Gino, n°386121, mentionné aux tables du recueil).
Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat a réservé au voisin direct un sort particulier « eu égard à sa situation particulière » (CE, 13 avril 2016, Bartolimei, n° 389798, mentionné aux tables du recueil). Mais ce requérant particulier doit néanmoins faire « état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction ».
Dans un troisième temps – c’est la décision commentée – , le Conseil d’Etat a décliné les principes précités à l’hypothèse d’un recours formé par un requérant à l’encontre du seul permis de construire modificatif (sans avoir donc formé de recours à l’encontre du permis de construire initial).
Le considérant de principe est donc enrichi d’une nouvelle phrase :
« il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction » (CE, 17 mars 2017, Malsoute, n° 396362, à paraître aux Tables du recueil).
De sorte qu’une évolution mesurée du projet dans le cadre d’un permis modificatif (qui n’est d’ailleurs pas censé amender en profondeur le projet) n’ouvrira pas au voisin, même immédiat, la voie du prétoire, s’il n’a pas préalablement contesté le permis initial.
Mots clés :
- Contentieux Administratif
- intérêt à agir
- Permis de construire
- permis de construire modificatif
- Urbanisme