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Le contrôle du juge de cassation sur la qualification d’une délégation de service public

Le contrôle du juge de cassation sur la qualification d’une délégation de service public

Par cette décision du 24 mars dernier mentionnée dans les tables du Recueil, le Conseil d’État rappelle qu’il exerce, en cassation, un contrôle de qualification juridique de la nature du contrat retenue.

En l’espèce, il s’agissait de la création d’un musée de photographie au sein de la galerie du « Château d’eau » de la ville de Toulouse. Après en avoir assumé directement sa gestion et son exploitation, la commune les a confiées à l’association pour la Photographie au Château d’eau (PACE) par plusieurs conventions successives, jusqu’au placement en redressement judiciaire de celle-ci en 2020. Par ordonnance, le tribunal judiciaire de Toulouse a sursis à statuer sur la requête en revendication de propriété des œuvres exposées par la commune de Toulouse, et l’a enjoint à saisir la juridiction compétente afin de qualifier les conventions et la nature des biens en cause.

Ainsi saisi, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 2 février 2021, qualifié les conventions conclues en 1985 et 1987 de marchés publics et les conventions conclues en 1998, 2003, et 2008 ainsi que l’ensemble contractuel conclu à partir de 2013 de conventions d’objectifs et de moyen assorties de subventions. Cependant, le tribunal déclarait ne pas être en mesure de se prononcer sur la question de la nature des biens revendiqués par la Collectivité.

La commune de Toulouse s’est pourvue en cassation à l’encontre de ce jugement, estimant que l’ensemble de ces conventions devaient être qualifiées de délégation de service public et, partant, que les fonds photographique et documentaire exploités par l’association dans ce cadre constituaient des biens de retour lui appartenant de ce fait.

Dans un premier temps, la Haute Juridiction vient qualifier les contrats en cause. Le raisonnement adopté par le Conseil d’État est fondé sur une approche contrat par contrat, ce qui n’était pas évident mais néanmoins inévitable au regard des évolutions substantielles des législations en cause depuis les années 80.

Pour mener à bien cet exercice, les Juges du Palais Royal rappellent d’abord les principales caractéristiques communes des contrats de la commande publique (critère organique, critère matériel et critère tenant au caractère onéreux) avant de souligner que, conformément à l’article L. 1100-1 du code de la commande publique, les subventions ne peuvent être regardées comme des contrats de commande publique.

Les juges concluent que, malgré le soutien financier important de la Collectivité – qui avait conduit le juge de première instance à ne pas retenir la qualification de délégation de service public – l’association supportait toujours un risque économique lié à l’exploitation du lieu, sans garantie de son équilibre financier. Ce qui l’a d’ailleurs conduit à son placement en liquidation judiciaire. En conséquence, en écartant la qualification des conventions en délégations de service public du fait de l’absence de risque économique transféré à l’association, le Tribunal avait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

Le jugement du Tribunal administratif est donc annulé.

Jugeant l’affaire au fond, la Haute Juridiction examine plus précisément les conventions litigieuses afin d’assoir la qualification de concession de service public.

En premier lieu, la Ville, à l’initiative du projet, a exercé un contrôle sur l’exploitation faite par l’association et en a défini les missions et les objectifs. Ainsi, l’objet des stipulations conventionnelles était-il de charger l’association d’une mission de promotion culturelle des expositions et d’organiser des expositions dans le but de répondre au besoin de la ville de Toulouse. Ces éléments témoignent de l’attribution par la Collectivité d’une mission de service public directement liée à la gestion du musée.

En deuxième lieu, dès lors que les conventions avaient bien pour effet de transférer un risque économique à l’association, l’exposant ainsi aux aléas du marché, elles constituaient des délégations de service public eu égard à ce risque à et leur objet.

De cette qualification s’infère la réponse à la question de la commune sur la nature des biens exploités.

En effet, on rappellera que dans le cadre des délégations de service public, une distinction est opérée entre les différents biens utilisés par le délégataire pour mener à bien sa mission. Schématiquement, il convient de distinguer les biens de retours, qui sont strictement nécessaires pour l’exécution du service public confié, les biens reprises, simplement utiles au fonctionnement de ce service sans être toutefois nécessaires, et les biens propres du délégataire. Or en application des dispositions de l’article L. 3132-4 du Code de la commande publique, les biens de retour sont la propriété de la personne publique dès leur réalisation ou leur acquisition, et le demeurent à la fin de l’engagement, à moins que le contrat n’en dispose autrement.

En l’espèce, le. Conseil d’État relève que les fonds photographique et documentaires « ont été constitués pour les besoins de l’exploitation du musée de la photographie établi au sein de la galerie du Château d’eau, et notamment aux fins de réaliser des expositions ouvertes au public ». Par conséquent, les juges estiment que ces biens acquis par l’association ne sont pas simplement utiles à l’exécution du service, ni des biens propres à l’association, mais bien nécessaires à celui-ci. En cet état, ils constituent des biens de retour, qui sont et demeurent la propriété de la commune de Toulouse.

Ces éléments ne pourront donc pas rentrer dans les actifs de l’association dans le cadre de la procédure de liquidation dont elle fait l’objet.

Bastien David avec la collaboration d’Alexis Dupont, stagiaire

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