Partager

Le jour du déconfinement est arrivé ! (à propos du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020)

Le jour du déconfinement est arrivé ! (à propos du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020)

Ca y est, nous y sommes !

Par un décret publié ce jour au JO, le Premier ministre vient décliner, sur le plan réglementaire, les modalités précises de la reprise de la vie de la Nation présentées lors d’une conférence de presse le 7 mai dernier, à savoir notamment la fin de la mesure de confinement généralisé prévue par l’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ayant pris le relais du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020.

Concomitamment ce décret procède à la division du territoire national en deux zones – verte et rouge – dans lesquelles les activités sociales, scolaires, sportives et commerciales pourront faire l’objet de réglementations distinctes au regard « de [la] situation sanitaire, déterminée notamment en fonction du nombre de passage aux urgences pour suspicion d’affection au covid-19, du taux d’occupation des lits de réanimation par des patients atteints par le covid-19 et de la capacité de réalisation des tests virologiques » sur ces territoires (article 2 – voir également l’annexe 1 du décret ainsi que l’infographie publiée sur le site du Gouvernement).

Pour ne prendre qu’un exemple – l’un des rares à pouvoir être fourni à l’heure actuelle : alors que l’accès du public aux parcs, jardins et autres espaces verts aménagés dans les zones urbaines est interdit dans les territoires classés en zone rouge, un tel accès est permis en zone verte (article 7).

 

Le rappel exprès de la nécessité d’un respect scrupuleux des « mesures barrières »

Dans le prolongement du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, le présent décret revient, dans son article 1er, sur la nécessité d’observer « en tout lieu et en toute circonstance » les mesures d’hygiène et de distanciation sociale (le fameux « mètre de distance »), et rappelle expressément la consistance desdites mesures d’hygiène (annexe 2).

Ces mesures demeurent ainsi au cœur de la stratégie de lutte contre la pandémie de covid-19 et font, à ce titre, l’objet de constants rappels dans le cadre du dispositif réglementaire introduit par le décret du 11 mai 2020 (v. par exemple article 6).

 

Panorama rapide de certaines dispositions du décret

Sans être exhaustif[1], peuvent brièvement être exposés certaines des dispositions introduites par le nouveau décret.

Les déplacements et transports maritimes, fluviaux et aériens continuent de faire l’objet d’une régulation particulière, à l’instar de l’imposition du port de masque de protection aux passagers ou de la possibilité pour les transporteurs d’exiger des passagers qu’ils produisent une attestation sur l’honneur quant à l’absence de symptôme d’infection au covid-19 ou encore qu’ils se soumettent à un contrôle de température avant embarquement (articles 3 et 4).

S’agissant des transports publics de voyageurs (bus, tram, métro, train), le texte prévoit pareillement l’obligation du port de masques de protection pour toute personne âgée de 11 ans ou plus. Toutefois, aucune restriction supplémentaire n’a été spécifiée, à ce stade, quant à la nécessité de justifier de certains motifs aux fins d’accéder au réseau de transports publics, aux heures de pointe, notamment en Ile-de-France. C’est bien pour autant que la préfecture d’Ile-de-France précise sur son site internet – sur lequel sont téléchargeables deux modèles d’attestation – que  « [les] 11 et 12 mai, les contrôles de ces justificatifs sont effectués à titre pédagogique, afin de permettre l’appropriation de ces nouvelles règles par les usagers des transports et les employeurs ».

Concernant les rassemblements et réunions sur la voie publique ou dans un lieu public à un titre autre que professionnel, la nouvelle réglementation proscrit la « présence de manière simultanée de plus de dix personnes », étant par ailleurs noté qu’une telle limitation ne vaut pas pour les transports de voyageurs (article 6).

Il est toutefois prévu que le préfet de département peut décider de maintenir à titre dérogatoire de tels rassemblements à condition que ceux-ci soit « indispensables à la continuité de la vie de la Nation » et en l’absence de circonstances locales qui viendraient s’y opposer.

Comme cela a été exposé, l’accès du public aux parcs, jardins et autres espaces verts aménagés dans les zones urbaines est tantôt interdit (zone rouge) tantôt autorisé (zone verte) (article 7).

Quant aux plages, aux plans d’eau et aux lacs, leur accès est également interdit, sauf à ce que l’autorité préfectorale, sur saisine du maire, autorise un tel accès sous réserve du respect des dispositions de l’article 1er (« mesures barrières ») et de l’article 6 (présence simultanée d’un maximum de 10 personnes). Cette règle vaut également pour les activités nautiques et de plaisance.

S’agissant des marchés couverts ou non, après une période où l’interdiction était érigée en principe (v. art. 8 III du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020), le décret vient reconnaître au préfet la faculté d’en interdire l’ouverture « si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place ne sont pas de nature à garantir le respect des dispositions de l’article 1er » – encore et toujours cet article 1er!

S’agissant des établissements recevant du public, l’article 8 du décret du 11 mai reprend en partie la nomenclature du décret du 23 mars 2020 en ajoutant et en retirant des catégories d’établissement de la liste des équipements qui ne peuvent accueillir du public.

Toutefois il est prévu que l’accueil reste possible pour l’organisation d’épreuves de concours ou d’examens « dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er ».

Surtout, le préfet de département est habilité, après avis de l’autorité municipale et sous réserve du respect des mesures barrières, à autoriser l’ouverture de certains établissements figurant sur la liste des équipements ne pouvant accueillir de public, à savoir : les musées, monuments et parcs zoologiques « dont la fréquentation habituelle est essentiellement locale et dont la réouverture n’est pas susceptible de provoquer des déplacements significatifs de population ». En d’autres termes, le Musée du Louvre ne serait sans doute pas éligible à une telle possibilité d’ouverture.

Le préfet de département se voit également reconnaître la possibilité d’interdire, après avis du maire, l’ouverture d’un commerce de détail ou d’un centre commercial dont la surface commerciale est supérieure ou égale à 40 000 m² et qui en raison notamment de « la taille du bassin de population où il est implanté et de la proximité de moyens de transport, favorise des déplacements significatifs de population ».

Il est cependant précisé qu’une telle fermeture ne fait pas obstacle à l’ouverture au sein de ces centres commerciaux des commerces de détail pour les activités relevant de la liste de l’annexe 3 (à savoir essentiellement commerces alimentaires, d’informatique, hypermarchés…), à l’instar de ce que prévoyait de manière similaire le décret du 23 mars 2020.

Les établissements de culte sont quant à eux autorisés à rester ouverts. Cependant tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit, sauf en cas de cérémonies funéraires et ce dans la limite de 20 personnes.

Le décret poursuit ensuite en posant comme principe la fermeture des établissements sportifs et en l’assortissant de toute une série d’exceptions, à l’instar de la possibilité de pratiquer des activités physiques et sportives en plein air à condition notamment qu’il ne s’agisse pas de sports collectifs.

L’article 8 prévoit également la possibilité reconnue à un exploitant de réglementer l’accès à son établissement, le cas échéant, en exigeant le port du masque :

« VI. – Dans les établissements relevant des types d’établissements […] qui ne sont pas fermés, l’exploitant met en œuvre les mesures de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er et de l’article 6. Il peut limiter l’accès à l’établissement à cette fin.

Par ailleurs, il peut également subordonner l’accès à l’établissement au port d’un masque de protection répondant aux caractéristiques techniques fixées par l’arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget mentionné au […] ».

Enfin, le décret du 11 mai 2020 apporte des précisions complémentaires s’agissant des structures dédiées à l’accueil de la jeune enfance (article 9) ainsi que de certains établissements scolaires dans le cadre de la reprise progressive des enseignements (article 10).

 

La possibilité de reconfinement local reconnue au préfet de département

L’article 25 du décret du 11 mai 2020 permet au préfet de département, à titre dérogatoire, « lorsque évolution de la situation sanitaire le justifie et aux seules fins de lutter contre la propagation du virus » de prendre un certain nombre de mesures à l’instar de l’interdiction des déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence en dehors de motifs dûment justifiés (travail, santé, achats de première nécessité, motif familial impérieux etc), l’interdiction de l’accueil du public dans des établissements recevant du public, l’interdiction de la tenue de marchés couverts ou non etc.

En d’autres termes, la fin du confinement décrétée à l’échelle nationale à compter du 11 mai 2020 ne rime assurément pas avec « fin définitive de tout confinement », les préfets étant habilités à réinstituer un tel régime de restriction introduit, pour la première fois, par l’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ayant pris le relais du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020.

 

Le décret du 11 mai 2020, un décret qui s’autodétruira en 48 heures ?

Si le décret examiné prévoit l’abrogation quasi-complète[2] du décret n° 2020-293 du 20 mars 2020, il n’en reste pas moins que sa durée de vie est très réduite, puisque son article 27 prévoit expressément qu’il ne sera applicable que les 11 et 12 mai 2020.

Ce caractère éphémère du décret du 11 mai 2020 semble s’expliquer par la volonté du Gouvernement d’assurer un tuilage entre son plan de déconfinement – dont le coup d’envoi a été donné ce jour – et le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions sur le point d’être promulgué, après que le Conseil constitutionnel se soit prononcé sur la constitutionnalité de ses dispositions.

Ainsi le Gouvernement a décidé de ne pas intégrer, dans le décret du 11 mai 2020, deux mesures importantes annoncées dans le cadre du plan de déconfinement :

  • la restriction des déplacements à plus de 100 km, hors du département de son lieu de résidence habituelle ;
  • et comme cela a précédemment été exposé, la restriction des déplacements en transports en commun notamment dans une région telle que l’Ile-de-France par la mise en place de la nécessité d’attester du motif et des modalités de son déplacement durant les heures de pointe.

Cela résulte de manière limpide d’un communiqué de presse du Président de la République et du Premier ministre publié ce jour et dont il ressort notamment que :

« Les dispositions limitant à 100km les déplacements et réservant l’accès aux transports aux personnes justifiant de la nécessité de se rendre à leur travail seront donc juridiquement prises le 11 mai au soir, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel, une fois la loi promulguée. Il est fait appel au sens de la responsabilité des Français pour qu’elles soient respectées d’ici là. Il était en tout état de cause prévu qu’elles devaient faire l’objet d’une période de tolérance ».

L’exécutif a ainsi fait le choix – discutable en droit – d’attendre la décision du Conseil constitutionnel prévu ce jour même selon les termes du communiqué, afin de fournir une assise juridique certaine aux deux mesures en question.

Ce choix peut se discuter dans la mesure où les restrictions des déplacements à plus de 100 km semblaient déjà être permises par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Cela parait en revanche moins certain pour la réglementation de l’accès aux moyens de transport et des conditions de leur usage. Mais alors que penser de l’obligation de port de masques de protection, applicable dès aujourd’hui, conditionnant l’accès notamment aux transports publics de voyageurs ?

En définitive, si le décret présentement examiné a été pris afin d’éviter toute rupture de la chaîne de vigilance déployée dans le cadre de la lutte contre la pandémie du covid-19, il y a fort à parier que le dispositif ainsi introduit pour une durée de 2 jours perdurera, après la promulgation du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, très vraisemblablement par le truchement d’un nouveau décret qui reprendra les dispositions du décret du 11 mai 2020 et en ajoutera de nouvelles à l’instar des deux mesures imminentes qui viennent d’être évoquées.

 

Décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

[1] Les chapitres 5, 6 et 7 du décret relatifs respectivement au contrôle des prix, à la réquisition, et à la mise à disposition de médicaments ne sont ainsi pas évoqués.

[2] Article 26 : « Le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 est abrogé, à l’exception de son article 5-1, et, en tant qu’il y renvoie, aux II et IV de son article 5 ».

Mots clés :

Partager :

error: Contenu protégé par copyright