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Le référent déontologie dans les collectivités territoriales

Le référent déontologie dans les collectivités territoriales

Article publié dans le mensuel Actualité juridique des collectivités territoriales (AJCT) – Juillet-Août 2017.

Alors qu’un projet de loi ordinaire destiné à contribuer au rétablissement de la confiance dans notre démocratie et dans l’action publique a été présenté par le garde des Sceaux le 1er juin 2017, témoignant de la volonté du nouveau gouvernement de s’inscrire dans le sillon – sur la question de la transparence et de l’exemplarité en tout cas – du précédent, de nombreux textes d’application de la loi « Déontologie » et de la loi « Sapin 2 » ont été adoptés peu avant l’élection présidentielle, et vont ainsi pouvoir produire leurs effets à brefs délais. Tel est ainsi le cas pour le décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique, d’application immédiate, qui va conduire les collectivités territoriales et leurs établis-sements publics à « penser », à travers l’organisation et la mise en œuvre de cette fonction innovante, l’ac-complissement d’un droit statutaire fondamental des agents publics. Pour livrer une conviction, au regard des dispositions très générales du décret commenté – tant sur l’organisation de la fonction que sur ses pouvoirs – le référent déontologue sera ce que les collectivités territoriales voudront bien qu’il soit.

  • La mise en oeuvre d’un droit statutaire

Le décret du 10 avril 2017 fixe les grandes lignes de l’installation et de la mise en œuvre de la fonction de référent déontologue dans les administrations publiques. À la lecture de ses dispositions, il est peu de dire que ce texte laisse une grande latitude d’action aux responsables publics.

Le référent déontologue, un dispositif obligatoire

Il faut y insister, mais le référent déontologue n’est ni une fin en soi, ni une faculté laissée à l’appréciation des administrations publiques. En effet, c’est tout à la fois un impératif juridique incontestable et l’outil que la loi Déontologie a prévu pour assurer la satisfaction d’un droit statutaire, consacré au nouvel article 28 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Un droit au conseil déontologique – Aux termes de l’article 28 bis précité, « tout fonctionnaire a le droit de consulter un référent déontologue, chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes déontologiques mentionnés aux articles 25 à 28 » de la loi de 1983. Le référent déontologue n’est donc « que » le moyen pour les agents publics de jouir de leur droit au conseil déontologique. Cette précision n’est pas anecdotique ; elle révèle ce que doit fondamentalement être le référent déontologue. Non pas seulement une figure imposée ou un gadget surfant sur la vague de la transparence et de la déontologie, mais bel et bien une fonction durable qui doit être prise au sérieux car elle permet la satisfaction d’un droit statutaire fondamental. Même si ses pouvoirs restent modestes selon les textes (recommandations, avis), les administra-tions sont appelées à se saisir pleinement de cette fonction.

Une compétence obligatoire des centres de gestion – Révélatrice de cette dimension stratégique, la loi Déontologie du 20 avril 2016, par son article 80, a intégré la fonction de déontologue dans les missions obligatoires des centres de gestion de la fonction publique. Ainsi, il ressort de l’article 23, II, 14° modifié de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale que les centres de gestion assurent pour leurs agents et pour l’ensemble des agents des collectivités territoriales et établissements publics affiliés « une assistance juridique statutaire, y compris pour la fonction de référent déontologue prévue à l’article 28 bis de la loi n o83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ». Quels que soient la taille, les moyens ou les spécifi cités des collectivités territoriales, tout agent public doit pouvoir exercer son droit au conseil déontologique.


S’agissant des centres de gestion eux-mêmes, cette compétence obligatoire pose à l’évidence un certain nombre d’interrogations, tenant tout à la fois au positionnement de cette fonction dans les services du centre de gestion (à ne surtout pas rattacher au conseil statutaire notamment), mais aussi à la posture de ces derniers, compte tenu de l’impératif d’autonomie qui s’attache au fonctionnement du déontologue et qu’il faudra concilier avec la grande proximité qui règne souvent dans les relations entre centre de gestion et collectivités affiliées.


Un champ minimal de compétences

Le « bloc de déontologie » – Le législateur n’a imposé qu’un socle minimal obligatoire de compétences pour le référent déontologue, articulé autour du nouveau « bloc de déontologie » des articles 25 à 28 de la loi du 13 juillet 1983, laissant les responsables administratifs adapter le périmètre définitif des fonctions de « leur » déontologue à leurs besoins, leurs volontés et aux spécificités de leur organisation respective. La loi du 13 juillet 1983 fixe donc le plus petit commun dénominateur entre tous les déontologues. Il s’agit du champ d’intervention matériel fixé à l’article 28 bis et déterminant les questions au titre desquelles le déontologie peut être saisi par un agent public. Ces obligations et principes déontologiques sont ceux mentionnés aux articles 25 à 28 de ladite loi de 1983.

Sans entrer dans une énumération exhaustive, il faut préciser qu’un agent peut saisir le déontologue des conditions d’application des obligations déontologiques successivement énumérées aux articles :

■ 25 : dignité, probité, impartialité, neutralité… ;

■ 25 bis : prévention des conflits d’intérêts ;

■ 25 ter : obligation de déclaration d’intérêts ;

■ 25 quinquina : obligation de déclaration de situation patrimoniale ;

■ 25 senties : cumul d’activités ;

■ ou encore aux « anciens » articles 26 : secret et discrétion profes-sionnels ;

■ et 28 : obéissance hiérarchique / devoir de désobéissance.

C’est là un champ conséquent d’intervention pour le déontologue. Ajoutons également que même si l’obligation de réserve ne figure pas dans la loi de 1983, il apparaît tout aussi légitime qu’évident que cette obligation entre également dans le champ d’intervention minimal du référent, sachant que son absence de l’énumération des obligations figurant dans la loi du 13 juillet 1983 ne signifie pas que cette obligation a disparu des impératifs déontologiques que les agents publics doivent respecter.

Un rôle spécifique en matière d’alerte éthique pour conflits d’intérêts – L’article 8 du décret du 10 avril 2017 insiste sur le rôle particulier du déontologue comme destinataire potentiel d’une alerte éthique en matière de conflits d’intérêts. Pour mémoire, l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 organise la protection des lanceurs d’alerte dans l’administration. Sans que ce dispositif soit exempt de tout reproche, il prévoit que l’agent qui souhaite relater ou témoigner de faits « susceptibles d’être qualifiés de confl it d’intérêts au sens du I de l’article 25 bis dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions » doit préalablement saisir son supérieur hiérarchique. Mais « il peut également témoigner de tels faits auprès du référent déontologue prévu à l’article 28 bis ».

C’est dans ce cadre que l’article 8 précité indique que le référent déontologue saisi dans de telles conditions et pour de tels faits, doit apporter « aux personnes intéressées tous conseils de nature à faire cesser ce conflit ». L’originalité de la situation ne doit pas échapper aux responsables publics. Le référent déontologue, saisi par un lanceur d’alerte de faits susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts, doit recommander toutes mesures permettant de faire cesser immédiatement cette situation, et les formuler non pas tant auprès du lanceur d’alerte – qui ne fait que révéler la situation – mais auprès des personnes « signalées ». Si l’objectif est légitime, on ne peut qu’alerter sur les situations délicates à gérer du point de vue humain, institutionnel et managérial qui pourront résulter d’un tel signalement de personnes qui – par définition – n’auront pas identifi é le confl it d’intérêts ou éprouvé le besoin de saisir elles-mêmes le déontologue. Corrélativement, l’accent ainsi mis sur la prévention des conflits d’intérêts met en exergue la responsabilité particulière (et le besoin d’expertise approfondie) qui pèsera sur le déontologue dans ces hypothèses.

Une fonction à géométrie variable

Il ressort du décret commenté que les collectivités territoriales et les établissements publics concernés disposent d’une grande marge d’action pour installer la fonction de référent déontologue dans leurs services. Cela conduira à des organisations de la fonction sensiblement différentes d’une structure à une autre. Mais le but recherché justifie l’hétérogénéité potentielle des organisations retenues : c’est la parfaite adaptation du dispositif mis en place aux réalités institutionnelles, territoriales et organisationnelles, ainsi qu’à l’ambition que les responsables publics entendent lui donner.

Un périmètre modulable – Au-delà du socle minimal de compétences précédemment rappelé, l’autorité territoriale compétente peut parfaitement confier à son référent déontologue d’autres missions qui participeront à la diffusion d’une culture déontologique dans l’administration, culture que Marylise Lebranchu et de nombreux parlementaires appelaient de leurs vœux lors des débats sur le projet de loi Déontologie. L’ambition conférée à ce dispositif peut prendre différentes formes. En premier lieu, au-delà de la réponse aux sollicitations des agents publics, le référent déontologue peut être le vecteur principal du développement d’une véritable culture déontologique au sein de son administration. S’inscrivant dans une logique d’intégration des obligations déontologiques dans l’agir professionnel quotidien des agents publics, dans une dimension fondamentalement préventive et non plus seulement répressive, son action pourra alors pleinement contribuer à l’exemplarité des acteurs publics.

En second lieu, et dans le prolongement, le référent déontologue pourra se voir confier la préparation, la rédaction et la diffusion des différents documents internes (chartes, lignes directrices, guides de bonnes pratiques…) que l’administration souhaitera mettre à disposition de ses collaborateurs. Élément central de ce dispositif, par son expertise et son rôle de veille permanente, le déontologue pourra assurer une véritable adaptation des obligations déontologiques générales aux spécificités de chaque secteur d’activité (social, commande publique, RH, culture…), afin de rendre la déontologie « réelle », opérationnelle et quotidienne.


Par exemple, si tous les agents publics sont astreints à l’obligation de neutralité, celle-ci ne se traduit pas de la même manière selon que l’on soit au contact du public ou pas, que l’on travaille dans le secteur social ou dans le secteur informatique, que l’on soit en posi-tion d’encadrement ou d’exécution, etc.


En troisième lieu, le référent déontologue de l’article 28 bis peut se voir confier d’autres fonctions de référent. Ainsi, la circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique prévoit comme outil du renforcement de la culture de la laïcité dans la fonction publique la mise en place d’un réseau d’experts et de conseils, par l’intermédiaire de « référents laïcité » (point 2.4). Afin d’accompagner les agents publics et les encadrants dans l’exercice de leurs fonctions en matière de laïcité, un référent doit être clairement identifié dans chaque administration. Comme l’indique la circulaire, afin de tenir compte des spécificités des missions et de l’organisation de chaque structure administrative, les conseils en la matière pourront être apportés « soit par un correspondant ou un référent «laïcité» dédié, soit par le référent déontologue créé par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ». Devant déjà connaître du res-pect des obligations de neutralité et d’impartialité des agents publics, il semble logique d’investir le référent déontologue de cette mission particulièrement stratégique et sensible de diffusion de la véritable portée du principe de laïcité, au-delà des a priori, fantasmes et instrumentalisations diverses. Le déontologue de l’article 28 bis peut également se voir confier une autre fonction de référent. Il s’agit, sur le fondement combiné de la loi du 9 décembre 2016 et du décret du 19 avril 2017, de la fonction de référent « alerte éthique ». Ainsi, complétant l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 précédemment analysé, la loi Sapin 2 prévoit que le lanceur d’alerte puisse adresser son signalement à un supérieur hiérarchique, direct ou indirect, à son employeur ou à « un référent désigné par celui-ci ». Il ressort du décret du 19 avril 2017 que « le référent déontologue mentionné à l’article 28 bis de la loi du 13 juillet 1983 peut également être désigné pour exercer les missions » de référent « alerte éthique ». Sauf circonstances organisationnelles ou administratives particulières, il semble particulièrement recommandé de ne pas multiplier les agents exerçant des fonctions de référent ; la complexité qui pourrait en résulter est de nature à rendre (encore plus) délicat le recours au référent déontologue par les agents publics. Ce qui aura en plus le mérite de la cohérence avec le dispositif de l’article 8 précité.

Une fonction au service des élus ? – Enfin, et sous réserve là aussi d’une configuration institutionnelle qui s’y prêterait, le déontologue de l’article 28 bis pourrait se voir confier l’accompagnement des élus de la collectivité territoriale ou de l’établissement public. Bien évidemment fondée sur l’obligation commune (élus et agents) de prévention des conflits d’intérêts, la mission de déontologue pourrait également se développer avec des actions de veille et de sensibilisation régulières des élus, notamment axées autour des principes fondamentaux figurant dans la charte de l’élu local, telle qu’elle a été établie par la loi du 31 mars 2015. Le projet de loi récemment déposé relatif au rétablissement de la confiance dans l’action publique est de nature, s’il est voté, à renforcer ce besoin de conseils et recommandations déontologiques et juridiques de proximité auprès des élus locaux.

  • L’impérieuse légitimité du référent déontologue

« Si cela va sans dire, cela ira mieux en le disant »  – Talleyrand

La nouveauté de la fonction – en tout cas dans une approche générale et obligatoire pour toute la fonction publique – induit nécessairement de prévoir des règles d’organisation et de fonctionnement de nature à en assurer une légitimité et une crédibilité immédiates. Sur ce point également, c’est une grande liberté qui est laissée aux décideurs. Désignation, organisation, publicité et autonomie doivent ainsi contribuer à ce que les agents publics le saisissent en toute confiance.

Une grande latitude pour les collectivités territoriales

Le décret commenté laisse une marge de manœuvre conséquente aux administrations publiques pour organiser la fonction de référent déontologue. Cela se traduit pour les autorités territoriales par exemple, par la possibilité de désigner un même référent pour les services placés sous leur autorité et des établissements publics placés sous leur tutelle. Par son article 2, le décret vient poser les modèles types que peut revêtir la fonction visée à l’article 28 bis.

Le modèle individualisé – La fonction de référent déontologue peut être occupée par une ou plusieurs personnes qui relèvent ou ont relevé de la collectivité territoriale ou de l’établissement public concerné. Situation « classique » dans laquelle un ou plusieurs collaborateurs vont occuper cette fonction, qu’elle soit accomplie à titre exclusif ou qu’elle soit complémentaire à une fonction administrative préexistante. Trois observations s’imposent à ce niveau. D’une part, le décret prévoit que la fonction peut être occupée par un ou plusieurs anciens collaborateurs de la structure d’exercice. Si le lien avec la collectivité n’est pas trop ancien, le recours à des agents récemment retraités peut s’avérer intéressant car cela peut permettre d’allier expérience et autonomie. On peut même envisager, dans certaines situations, qu’un agent en activité soit accompagné d’un agent retraité pour accomplir les missions de référent. En toutes hypothèses, l’article 3 précise que dans cette situation, seuls des magistrats et fonctionnaires en activité ou retraités ou des agents contractuels bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée peuvent être désignés en qualité de référent déontologue. D’autre part, il faut que la collectivité territoriale soit prudente si elle envisage de confier cette fonction à un agent déjà investi d’autres activités et missions. Outre que la charge de travail pourra se révéler rapidement conséquente, l’agent pourra se retrouver, sinon en situation de conflit d’intérêts, à tout le moins en « conflit de conscience », quant à l’exploitation des informations qui lui seront livrées par les agents qui le solliciteront. Enfin, si la collectivité fait le choix d’avoir plusieurs personnes chargées de la fonction de référent déontologue, il lui reviendra de déterminer avec précision leur champ d’intervention respectif (par domaines ? par directions ?…).

Le modèle collégial – La fonction peut également être assurée par un collège, dont la composition et les attributions seront fixées par l’autorité territoriale. Ce collège peut comprendre des personnalités qualifiées extérieures à l’administration, voire même extérieures à la fonction publique. Dans certaines administrations, l’apport d’une expertise (voire d’un regard) externe peut se révéler particulièrement intéressant. Afin de s’organiser et d’établir son fonctionnement, le collège doit se doter d’un règlement intérieur. Il faut relever ici une différence majeure entre le collège et la situation dans laquelle plusieurs agents pourraient se voir confier la fonction. Dans le cadre précédent, la fonction de référent déontologue est partagée entre plusieurs agents, chacun exerçant une part de la responsabilité. Dans le cadre d’un collège, la fonction est intégralement gérée par la totalité des personnes composant le collège. Les avis et recommandations formulés sont délibérés et sont censés émaner de la collégialité. Outre un possible surcroît de légitimité des avis formulés, ce modèle permet une véritable mutualisation de la responsabilité prise dans la formulation des recommandations, qui pourrait parfois s’avérer lourde pour un déontologue isolé.

Le modèle externalisé – L’article 2 prévoit enfin que la fonction peut être occupée par une ou plusieurs personnes relevant d’une autre administration « que celle dans laquelle le référent est désigné ». Dispositif moins classique que les deux modèles précédents, cette organisation externalisée de la fonction vise à permettre au(x) déontologue(s) d’avoir une distance suffisante par rapport au contexte de la collectivité pour laquelle il(s) intervien(nen)t, garantie de son (leur) autonomie, tout en connaissant les réalités administratives, étant lui-même (eux-mêmes) agent(s) public(s). Les modalités de cette organisation semblent assez simples à prévoir, à partir d’une convention qui déterminera les conditions d’intervention du déontologue, ses modalités de saisine et de rendu de ses recommandations, la nature de ses relations avec l’administration dans laquelle il exerce la fonction…

Caractéristiques communes – En toutes hypothèses, le référent déontologue est désigné par l’autorité territoriale, à l’exception des collectivités territoriales et établissements publics affiliés à un centre de gestion. Dans cette occurrence, c’est le président du CDG qui désigne le ou les agent(s) investi(s) de la mission de déontologue. Par ailleurs, une lettre de mission doit être établie, comprenant :

■ le champ d’intervention ;

■ les moyens d’action et conditions d’exercice ;

■ le positionnement ;

■ la procédure de saisine ;

■ et la durée des fonctions de déontologue.

Précisément, en vue de contribuer à son autonomie, le décret commenté prévoit que la désignation du référent déontologue vaut pour une durée fixée par l’autorité de nomination, et qu’elle ne peut être modifiée qu’avec l’accord exprès de celui ou ceux qui a (ont) été désigné(s). Au surplus, une fois la période initiale d’exercice des fonctions accomplie, il est parfaitement possible de procéder au renouvellement de ses missions dans les mêmes conditions.


Par souci d’efficacité et d’opérationnalité, on recommandera aux autorités territoriales de ne pas prévoir une première période d’exercice des missions du déontologue trop conséquente, afi n de pouvoir modifier, recaler ou adapter le dispositif mis en place en fonction des enseignements retirés de cette première mise en œuvre concrète.


Sans galvauder le dispositif, cette période inaugurale doit ainsi servir d’expérimentation afin de disposer à terme d’un dispositif pertinent et efficace. Et en même temps, déterminer si le ou les déontologues se sentent eux-mêmes en adéquation avec la philosophie et l’exercice des missions confiées.

Une organisation garantissant l’autonomie du déontologue

Indépendamment du respect des impératifs formels ou organisationnels, la réussite du dispositif dépend de l’autonomie, du crédit et du sérieux que lui conférera la collectivité organisatrice. Bref, de la volonté de cette dernière à faire du référent déontologue le véritable « bras armé » d’un management fondé sur les valeurs essentielles du service public et de la fonction publique. Dans cette optique, le décret du 10 avril 2017 impose un certain nombre de garanties minimales visant à assurer l’autonomie du référent déontologue.

Une autonomie fondée sur le positionnement du déontologue – L’objectif est clairement de permettre au déontologue d’exercer sa fonction de manière réelle. À cet égard, le décret impose deux obligations dont la portée contraignante apparaît, à la vérité, bien relative. En premier lieu, telle une pétition de principe, l’article 4 énonce que « le référent déontologue est désigné à un niveau permettant l’exercice effectif de ses missions ». Toutes les interprétations de cette disposition sont possibles, même les plus neutralisantes.


On ne pourra ici que préconiser qu’aucune relation hiérarchique n’existe entre le déontologue – dans l’exercice de sa mission – et son échelon de rattachement dans l’organisation.


Difficile à admettre pour certaines autorités territoriales et/ou directeurs généraux, cette recommandation est une condition substantielle de la crédibilité du dispositif. Et qui éclaire, sous un autre angle que précédemment, les difficultés qui existeront lorsque le référent déontologue sera, par ailleurs, un agent de la structure investi de missions spécifiques. Dès lors, un rattachement fonctionnel au plus haut niveau de la hiérarchie administrative, acté dans une lettre de mission rendue publique, s’impose. Sans préjudice de la nécessaire discipline individuelle de l’autorité de rattachement pour s’astreindre à respecter l’autonomie du déontologue…

En second lieu, l’article 6 oblige l’autorité territoriale à mettre à la disposition de son déontologue « les moyens matériels, notamment informatiques, permettant l’exercice effectif des missions ». Sonnant telle une évidence, cette disposition ne doit pas être lue comme visant la seule intendance. En particulier, l’incidente « notamment informatiques » doit être prise pour ce qu’elle est réellement : une invitation à organiser une procédure dématérialisée de saisine et plus globalement d’échanges entre le déontologue et l’agent demandeur. Bien entendu, des modalités épistolaires et/ou télé-phoniques peuvent être également prévues, notamment dans les structures de taille modeste. Mais la voie numérique apparaît comme la plus favorable à la confidentialité qui doit entourer les relations entre déontologue et agent. À condition toutefois :

■ qu’une adresse de messagerie spécifique soit créée ;

■ que seul(s) le(s) agent(s) déontologue(s) puisse(nt) avoir accès aux messages ;

■ et que toutes les mesures de sécurité soient prévues.

Plus largement, les conditions d’accueil physique d’un agent demandeur doivent être aussi prévues, certaines situations ne pouvant être pleinement appréhendées et traitées qu’en visu.

Une autonomie fondée sur une déontologie renforcée – Fortement dépendante des conditions d’organisation de la fonction et de l’engagement de la collectivité publique concernée, l’autonomie – en même temps que la légitimité – du déontologue dépend également de celui (ou ceux) qui occupe(nt) la fonction. Il faut déterminer une déontologie du… déontologue. Le décret du 10 avril 2017 indique déjà ce qui apparaît, aux yeux des pouvoirs publics, comme les éléments incontournables de cette déontologie fonctionnelle. L’article 7 indique que « le déontologue est tenu au secret et à la discrétion professionnels » dans les conditions définies à l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983. Composantes d’une obligation plus générale de confidentialité, ces impératifs visent à préserver non seulement les informations confidentielles relatives aux personnes (demandeur ou mis en cause éventuel – secret), mais aussi celles relatives à l’organisation et au fonctionnement des services concernés (discrétion). Mais plus largement, la structure publique qui va installer son référent déontologue doit l’astreindre au respect d’autres obligations déontologiques. D’abord, sur le fondement de la loi du 13 juillet 1983, les obligations d’impartialité, de probité et de prévention des conflits d’intérêts doivent être tout particulièrement rappelées au déontologue. Par ailleurs, sur le fondement de l’article 5 du décret du 28 décembre 2016, « les personnes exerçant les fonctions de référent déontologue prévues à l’article 28 bis de la loi du 13 juillet 1983 » doivent transmettre une déclaration d’intérêts, préalablement à leur désignation.

Enfin, même si elle ne figure dans aucun texte de portée générale, et reste fondée sur la jurisprudence, l’obligation de réserve doit faire partie du corpus déontologique s’imposant spécifiquement au déontologue. Pour être complet, et envisager toutes les hypothèses, cette déontologie propre au déontologue doit être établie dans la lettre de mission ou dans l’arrêté de nomination pour deux raisons essentielles. La première réside dans la nécessité d’investir pleinement le déontologue de sa mission et de l’importance qui s’y attache. La seconde est plus technique. Dans l’hypothèse d’un collège de déontologie, des personnalités extérieures à l’administration, voire à la fonction publique peuvent être désignées pour y siéger. Il est indispensable tout à la fois symboliquement et juridiquement que tous les membres du collège soient investis des mêmes obligations fonctionnelles, quels que soient leurs statut ou horizon professionnel d’origine.

Une autonomie fondée sur une large diffusion du dispositif – Il revient à l’autorité territoriale ayant désigné le référent déontologue de porter à la connaissance des agents placés sous son autorité la décision de désignation du déontologue ainsi que toutes les informations nécessaires permettant de le saisir. Cette information peut être faite par « tout moyen », selon l’article 5 du décret commenté. Ainsi, l’affichage dans les services, la diffusion d’une note de service ou la transmission des informations par courrier électronique doivent être envisagés. Par ailleurs, le décret prévoit que la décision de désignation doit également faire l’objet d’une publication, selon les modalités prévues au code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Pour les collectivités territoriales et les établissements publics relevant de la loi du 26 janvier 1984, cette publication devra intervenir selon les modalités prévues aux articles R. 312-5 et R. 312-6 du CRPA, c’est-à-dire soit par insertion dans un bulletin officiel lorsqu’il a une périodicité au moins trimestrielle, soit par transcription dans les trois mois sur un registre tenu à la disposition du public, sachant que cette publication pourra intervenir par voie électronique.

 

Samuel DYENS – Avocat associé

 

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