Les critères distinctifs des conventions d’occupation domaniale et des concessions
CE, 14 février 2017, Société de manutention portuaire d’Aquitaine (SMPA), n° 405157.
Par cette décision, le Conseil d’État revient une nouvelle fois sur les critères distinctifs des conventions d’occupation domaniale et des concessions.
En l’espèce, le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) avait confié à la société Europorte, par une convention de terminal en date du 19 décembre 2014, l’exploitation du terminal du Verdon.
La convention n’ayant jamais été appliquée en raison de diverses difficultés, le GPMN a décidé de conclure une « convention de mise en régie de la convention » avec la société de manutention portuaire d’Aquitaine (SMPA) afin de lui transférer l’exploitation dudit terminal.
C’était sans compter sur le référé précontractuel – transformé en référé contractuel – introduit par la société Sea Invest Bordeaux devant le Tribunal administratif de Bordeaux qui annule la convention.
Saisi d’un pourvoi introduit par la SMPA et le GPMB, le Conseil d’État rappelle que, conformément à l’article L. 551-1 du Code de justice administrative (CJA), les contrats pouvant être soumis au contrôle du juge des référés précontractuel et contractuel sont les « contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique ».
En l’espèce, pour considérer que le contrat entrait effectivement dans ce champ, le juge du fond s’était fondé sur la seule circonstance qu’il devait être conclu « à l’issue d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire » en vertu de l’article R. 5312-84 du Code des transports.
Le Conseil d’État annule l’ordonnance du Tribunal administratif en rappelant que, saisi d’une telle convention sur le fondement de l’article L. 551-1 du CJA, il appartient au juge de rechercher si la convention, « compte tenu de son objet et des contreparties prévues », entre dans le champ de cet article.
Réglant l’affaire au fond, il estime qu’eu égard à la mission confiée – réaliser les investissements nécessaires, assurer la pérennité de l’exploitation et permettre le développement de l’activité –, à la redevance prévue (composée d’une part fixe et d’une part variable indexée sur le trafic réalisé), ainsi qu’aux contreparties existantes – la mise à disposition de terrains et ouvrages et le droit d’exploiter le terminal – la convention de terminal originelle ne pouvait être regardée comme une simple convention d’occupation du domaine public.
Bien au contraire, elle avait pour objet principal l’exécution, pour les besoins du GPMB, d’une prestation de services rémunérée par une contrepartie économique constituée d’un droit d’exploitation, et qui transfère au cocontractant le risque d’exploitation. Elle revêtait donc la qualification de concession et entrait, par suite, dans le champ de l’article L. 551-1 du CJA.
De même, la convention de régie, conclue suite à la défaillance de la société Europorte, reprenait l’intégralité des droits et obligations issues de la première convention à la SMPA – à l’exception de celles incompatibles avec la durée de 18 mois prévue. Elle entrait donc également dans le champ de cet article et pouvait être soumise au juge du référé contractuel.
Il rejette toutefois le référé en considérant qu’en l’espèce, la soustraction aux obligations de publicité et de mise en concurrence était justifiée, compte tenu de l’urgence, par l’intérêt général tenant à la continuité du service public.
Ce faisant, le Conseil d’État réaffirme l’interdépendance entre titre d’occupation du domaine public et contrats de la commande publique. Et il confirme encore que, si l’objet principal du contrat n’est pas l’occupation mais le service rendu à la collectivité, la seconde qualification primera.
Au demeurant, on rappellera que l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics vise également à recentrer les autorisations d’occupation du domaine public sur leur vocation première : l’occupation du domaine. Son article 101 dispose ainsi que les autorisations d’occupation temporaires et baux emphytéotiques administratifs de l’État et des collectivités territoriales ne peuvent « avoir pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, pour le compte ou pour les besoins d’un acheteur soumis à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou d’une autorité concédante. ». A défaut, ceux-ci feront l’objet d’une (re)qualification en contrat de la commande publique, comme en l’espèce.
Auranne GUIONNET – stagiaire avocate