Permis de construire : incidence d’une mesure de régularisation (L. 600-5-1) sur l’obligation de notification (R. 600-1) et la qualification de partie perdante (L. 761-1)
Par une décision rendue le 28 mai dernier (CE, 28 mai 2021, Ville de Marseille, n°437429), le Conseil d’État est à nouveau (cf. brève portant sur la décision du Conseil d’État du 17 mars 2021, Mme A…-D… C…, n° 436076) venu préciser le régime des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme et, plus précisément, son articulation avec les dispositions des articles R. 600-1 et L. 600-5-2 du Code de l’urbanisme.
Pour rappel, l’article L. 600-5-1 permet au juge administratif, « saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable », de sursoir à statuer lorsque que « après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé ». Les parties sont, dans cette hypothèse, invitées à présenter leurs observations.
Dans cette affaire, le Tribunal administratif avait considéré, après avoir écarté comme non fondés les autres moyens de la requête dont il était saisi, que d’une part, la composition du dossier de demande de permis de construire n’était pas conforme aux dispositions de l’article R. 431-10 du Code de l’urbanisme et, d’autre part, que ce vice ne lui permettait pas d’exercer son contrôle sur l’appréciation portée par l’administration quant à la conformité du projet à l’article R. 111-21 du même code, relatif à l’aspect des constructions, et à l’article UI 11 du règlement du plan d’occupation des sols, relatif à l’insertion des constructions dans le site environnant (cf. § 4 de la décision).
La Juridiction décide alors de sursoir à statuer en application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme afin de permettre une régularisation du vice décelé.
Par suite, un permis de construire de régularisation a été délivré en date du 31 janvier 2019 par le Maire de Marseille, qui a également fait l’objet d’une contestation par les requérants à l’instance. Dans le jugement mettant fin à l’instance, le Tribunal administratif a cependant estimé que les requérants n’étaient pas recevables à contester cet arrêté, faute de notification de leur part au pétitionnaire en application des dispositions de l’article R. 600-1 du Code l’urbanisme.
Cette analyse a été censurée par le Conseil d’Etat qui a posé en principe que:
« Ces dispositions (de l’article R. 600-1) visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, ainsi qu’à l’auteur de cette décision, d’être informés à bref délai de l’existence d’un recours contentieux dirigé contre elle. Elles sont sans objet et ne peuvent être regardées comme applicables en cas de contestation d’un permis modificatif, d’une décision modificative ou d’une mesure de régularisation dans les conditions prévues par l’article L. 600-5-2, aux termes duquel » Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d’aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance « , ainsi d’ailleurs que le précise désormais l’article R. 600-1 dans sa rédaction issue du décret du 10 avril 2019 pris pour l’application de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme. Tel est notamment le cas lorsque, le juge ayant recouru à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, une mesure de régularisation lui est notifiée et que, celui-ci ayant invité comme il le doit les parties à présenter leurs observations, ces dernières contestent la légalité de cette mesure. En revanche, l’obligation de notification résultant de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme est applicable à la contestation d’un acte mentionné à l’article L. 600-5-2 en dehors des conditions prévues par cet article ».
La solution, somme toute logique, ne pourra qu’être approuvée, qui évitera d’inutiles notifications en cours d’instance.
On indiquera également, et la décision est fichée au Recueil sur ce point, que le Conseil d’Etat vient préciser que le requérant dont la requête est rejetée en raison d’une régularisation intervenue en cours d’instance (en réponse à l’un de ses moyens) ne peut être regardée comme la partie perdante au sens de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative. C’est en effet son recours qui est à l’origine de la régularisation. Ce faisant, le Conseil d’Etat rectifie sa jurisprudence (CE, 19 juin 2017, Syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres, n° 394677) et retient une solution déjà majoritairement appliquée par les Juges du fond (comme le Tribunal administratif de Versailles).