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Préemption et preuve de l’opposabilité du DPU : la facture acquittée pour une publication de la délibération au sein d’un unique journal ne suffit pas

Préemption et preuve de l’opposabilité du DPU : la facture acquittée pour une publication de la délibération au sein d’un unique journal ne suffit pas

Dans une décision du 8 décembre 2022 (n°466081) – qui n’innove en rien mais intéressera les praticiens du droit de préemption–, le Conseil d’Etat a rappelé les formalités nécessaires pour qu’une délibération instituant, modifiant ou supprimant le droit de préemption urbain soit opposable.

En l’espèce, l’Établissement Public Foncier de l’Ouest Rhône-Alpes avait exercé le droit de préemption urbain sur un bien immobilier. L’acquéreur évincé s’est pourvu en cassation contre l’ordonnance du 15 juillet 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la suspension de l’exécution de cette décision.

Sur ce pourvoi, le Conseil d’Etat commence par rappeler qu’aux termes de l’article R. 211-2 du Code de l’urbanisme :

“la délibération par laquelle le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l’article L. 211-1, d’instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d’en modifier le champ d’application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département.”

Le Conseil d’Etat poursuit, en rappelant l’exigence posée par l’article précité : “les obligations prévues à cet article constituent des formalités nécessaires à l’entrée en vigueur des actes instituant le droit de préemption urbain”.

Il est fréquent, dans ces conditions, qu’un requérant demandant l’annulation d’une décision de préemption soutienne, à charge pour le titulaire ou le délégataire du DPU de prouver le contraire, que la délibération instituant le DP n’était pas régulièrement entrée en vigueur à défaut de l’exécution intégrale des formalités de publicité précitées.

Si l’Administration n’est pas en mesure, concrètement, de prouver l’insertion d’une mention de la délibération considérée dans deux journaux diffusés dans le département, la délibération ne pourra produire ses effets.

Concrètement, la décision de préemption sera alors irrégulière pour défaut de base légale (pour diverses illustrations, voir : CAA Douai, 29 décembre 2006, Commune de Verton, n° 06DA00370 ; CAA Marseille, 25 novembre 2010, Commune de Saint Clément de Rivière, n° 08MA04016 ; CAA Nancy, 15 mars 2012, Communauté urbaine de Strasbourg, n° 11NC00725).

Répondre à un tel moyen ne pose généralement pas de difficultés quand la délibération instituant (ou modifiant) le DPU est récente ; quand, en revanche, elle est ancienne, la démonstration est parfois plus délicate.

Tel était le cas en l’espèce ; la décision de préemption prise le 27 avril 2022 reposait sur une délibération du 27 janvier 2014.

Manifestement il n’a pas été possible pour le défendeur (à tout le moins dans les brefs délais liés à une procédure de référé-suspension) de retrouver la preuve de la mention de la délibération de 2014 dans deux journaux locaux ou départementaux.

Ainsi que le relève la Haute assemblée “seule était produite, pour justifier de l’accomplissement de ces formalités, outre la délibération elle-même, dont la mention selon laquelle elle ferait l’objet de ces formalités ne pouvait établir que tel avait été le cas, une facture acquittée pour une publication au sein d’un unique journal”.

Pour le Conseil d’Etat, cette seule facture n’est (évidemment aurait-on envie de préciser) pas suffisante pour prouver le respect des obligations prévues à l’article R. 211-2 précité.

Ainsi, “en jugeant que n’étaient pas propres à créer un doute sérieux, en l’état de l’instruction devant lui, les moyens tirés de ce que cette délibération n’avait pas fait l’objet des formalités de publicité nécessaires à son entrée en vigueur, le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.”

La société évincée était donc fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée et, plus encore, la suspension de la décision de préemption litigieuse.

Pour éviter une telle déconvenue, il sera prudent de s’assurer de bien disposer, notamment quand la délibération instituant le DPU est ancienne, des preuves de publicité.

Et si besoin, de délibérer à nouveau, en conservant cette fois précieusement une preuve des mesures de publicité effectuées !

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