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Une décision du Conseil d’Etat attendue en matière de droit de préemption urbain

Une décision du Conseil d’Etat attendue en matière de droit de préemption urbain

Dans une décision du 10 mai dernier (CE, 10 mai 2017, Société ABH Investissements, n° 398736), le Conseil d’Etat a apporté d’utiles précisions sur la possibilité de critiquer, au stade d’un recours contre une décision de préemption, la légalité de la délibération instituant le droit de préemption.

La Cour administrative d’appel de Marseille avait notamment jugé, même après la décision rendue le 26 octobre 2012 par le Conseil d’Etat (mais s’agissant d’une décision de préemption prise dans le périmètre d’une zone d’aménagement différée : CE, 26 octobre 2012, n° 346947, T. pp. 535-940-1021-1029) « la délibération instituant un droit de préemption est non seulement une décision nécessaire aux décisions individuelles de préemption, mais en outre, une décision spécialement prise pour permettre l’intervention de ces décisions avec lesquelles elle constitue une opération complexe » (CAA Marseille, 15 mars 2012, n° 10MA01865 ; CAA Marseille, 29 juin 2015, n° 14MA01447).

Une telle analyse n’est, sans surprise, pas partagée par la Haute assemblée.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle le cadre général selon lequel : « L’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a pour base légale le premier acte ou été prise pour son application. En outre, s’agissant d’un acte non réglementaire, l’exception n’est recevable que si l’acte n’est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où, l’acte et la décision ultérieure constituant les éléments d’une même opération complexe, l’illégalité dont l’acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte« .

Ces principes sont ensuite déclinés aux actes administratifs intervenant dans la mise en œuvre du droit de préemption urbain (en amont, la délibération qui institue un périmètre ; en aval, la décision de préemption) :

« L’illégalité de l’acte instituant un droit de préemption urbain peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision de préemption. Toutefois, cet acte, qui se borne à rendre applicables dans la zone qu’il délimite les dispositions législatives et réglementaires régissant l’exercice de ce droit, sans comporter lui-même aucune disposition normative nouvelle, ne revêt pas un caractère réglementaire et ne forme pas avec les décisions individuelles de préemption prises dans la zone une opération administrative unique comportant un lien tel qu’un requérant serait encore recevable à invoquer par la voie de l’exception les illégalités qui l’affecteraient, alors qu’il aurait acquis un caractère définitif« .

Dans ces conditions, « en jugeant que la société ABH Investissements n’était pas recevable à soulever, à l’appui de sa demande d’annulation de la décision de préemption du 11 avril 2013, l’illégalité de la délibération des 16 et 17 octobre 2006 instituant le droit de préemption urbain sur les zones U du plan local d’urbanisme de la ville de Paris, régulièrement publiée dans les conditions prévues par les articles R. 211-2 et R. 211-4 du code de l’urbanisme, au motif que cette délibération était devenue définitive, la cour n’a pas commis d’erreur de droit« .

Cette solution doit être approuvée, qui n’apportera toutefois la sécurité juridique attendue que si le titulaire du droit de préemption urbain est en mesure de justifier du caractère définitif de la délibération instituant le DPU, en versant aux débats, en cas de recours contre une décision de préemption, les preuves de sa publicité.

Incidemment, la décision précise un point important concernant la date de réception de la décision de préemption. Il est acquis que la réception de la décision par le propriétaire intéressé dans le délai de deux mois prévu par le Code de l’urbanisme, à la suite de sa notification, constitue – par exception au droit au commun- une condition de la légalité de la décision de préemption.

Dans la décision commentée, la Haute assemblée indique qu’ « en cas de notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la réception par le propriétaire doit être regardée comme intervenant à la date à laquelle le pli est présenté pour la première fois à l’adresse indiquée dans la déclaration d’intention d’aliéner« . La circonstance que le pli sera retiré ultérieurement, dans le délai de garde de 15 jours, est donc sans effet sur la légalité de la décision de préemption.

Dans le même esprit, « en cas de signification par acte d’huissier, celle-ci doit être réputée effective dans les conditions prévues par l’article 656 du code de procédure civile » (qui indique que « si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l’huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée« ). Peu importe donc, pour apprécier la légalité de la décision de préemption signifiée par voie d’huissier, à quelle date le destinataire retire chez l’Huissier de Justice la décision de préemption.

Sur ce point encore, la décision du Conseil d’Etat rassurera les praticiens du DPU.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000034651742&fastReqId=831822811&fastPos=1

Philippe PEYNET – avocat associé

Etienne MASCRE – avocat collaborateur

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