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Une prévision contenue dans une OAP ne fait pas grief

Une prévision contenue dans une OAP ne fait pas grief

CE, 8 novembre 2017, M. S., n° 402511

Une décision du 8 novembre dernier rendue par le Conseil d’Etat, rejetant le pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt rendu le 17 juin 2016 par la Cour administrative d’appel de Nantes (Ph. PEYNET, Sur l’irrecevabilité des conclusions tendant à l’annulation d’une prévision d’une orientation d’aménagement et de programmation, AJCT, Novembre 2016, p. 590), mérite d’être évoquée, en ce qu’elle contribue – certes modestement (la décision ne sera pas publiée au recueil Lebon) – à la définition du régime juridique des orientations d’aménagement et de programmation des PLU (CE, 8 novembre 2017, M. S., n° 402511).

A grands traits, une commune avait, dans le cadre de l’élaboration de son PLU, retenu comme parti d’urbanisme une urbanisation contenue en concentrant son développement dans le bourg par la densification du tissu bâti existant. Dans ce cadre, les auteurs du PLU avaient entendu restructurer les cœurs d’îlot pour une utilisation économe de l’espace en permettant leur urbanisation potentielle. Cet objectif s’est traduit par la mise en place d’une orientation d’aménagement et de programmation (OAP) sur un secteur – comprenant cinq parcelles dont deux appartenant aux requérants – , au sein de laquelle il est envisagé la réalisation d’une huitaine de logements. Si ce secteur était d’ores et déjà accessible par la voirie, l’OAP évoquait « une liaison ultérieure possible » avec une autre rue, dont l’assiette se situe sur la propriété des requérants.

En première instance, le Tribunal administratif d’Orléans avait rejeté, comme mal fondées, les critiques dirigées contre cette OAP, dont plusieurs portaient sur le principe de la création de la liaison précitée (tirées de la contradiction avec le PADD, de la méconnaissance des dispositions de l’article UA 3, de l’atteinte illégale portée à la propriété des requérants ou du détournement de pouvoir). En appel, la Cour a, dans un premier temps, écarté les griefs formés contre l’OAP ; dans un second temps, elle a considéré, plus radicalement, que les conclusions dirigées contre la délibération d’approbation du PLU en tant que l’OAP considérée prévoit la possibilité de réaliser une sortie de lotissement sur les parcelles appartenant aux requérants étaient irrecevables.

En droit, l’on rappellera que l’article L. 123-1 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération d’approbation du PLU, prévoit que « le plan local d’urbanisme (…) comprend un rapport de présentation, un projet d’aménagement et développement durables, des orientations d’aménagement et de programmation, un règlement et des annexes » (sur le débat relatif au caractère obligatoire des OAP, voir H. JACQUOT et F. PRIET, Droit de l’urbanisme, Ed. Dalloz, 7ème éd., § 278, p. 339 ; voir aussi Rép. Min. n° 3785, JOAN Q, 6 novembre 2012, p. 6302). L’article L. 123-1-4 du même Code précise, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération précitée, que « dans le respect des orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation comprennent des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports et les déplacements (…) Elles peuvent prendre la forme de schémas d’aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics ».

Il s’infère de ces dispositions que les OAP sont clairement subordonnées au PADD ; la doctrine les qualifie à cet égard de « documents d’exécution » du PADD (H. JACQUOT et F. PRIET, précité). L’on retrouve cette idée dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon qui rappelait que les dispositions précitées « permettent d’intégrer dans le plan local d’urbanisme le projet d’opérations d’aménagement à l’échelle d’un secteur délimité » (CAA Lyon, 5 mars 2013, Mme K. X., n° 12LY02385).

Au reste, les OAP n’ont pas vocation à se substituer au règlement pour déterminer les zones constructibles. On se souvient que la Cour administrative d’appel de Nantes avait jugé qu’une orientation d’aménagement pouvait utilement compléter le règlement et, par l’effet d’une zone verte, rendre inconstructible un terrain ; le Conseil d’Etat a censuré un tel raisonnement en retenant, au contraire, que « la délimitation, dans les documents graphiques d’un plan local d’urbanisme, au titre des orientations d’aménagement, d’une zone verte au sein d’une zone à urbaniser, qui ne peut être assimilée ni à la définition, en application de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, d’une zone naturelle à protéger, ni à la fixation d’un emplacement réservé aux espaces verts en application du 8° du même article de ce code, ni au classement en espace boisé, au sens de l’article L. 130-1 précité du même code, ne suffit pas, par elle-même, à conférer à cette zone un caractère inconstructible » (CE, 26 mai 2010, Dos Santos, n° 320780). Autrement posé, si une Commune veut préserver des espaces verts, elle doit recourir à un classement approprié (classement en zone ND) et / ou instituer des servitudes d’espace boisé (art. L. 113-1 du Code de l’urbanisme) ou d’emplacement réservé (art. L. 151-41 du Code de l’urbanisme).

L’arrêt rendu le 17 juin 2016 par la Cour administrative d’appel de Nantes s’inscrivait dans cette veine jurisprudentielle.

Il est en effet rappelé que « l’orientation d’aménagement et de programmation relative au secteur rue de Concrez / rue de Rigauderie comporte un schéma qui figure, à partir d’un lotissement à aménager, « une liaison ultérieure possible avec la rue de Concrez », dont l’assiette se situe sur la propriété des requérants ». Mais pour la Cour, « la délimitation d’une telle liaison, alors même qu’elle figure sur un document graphique explicitant les orientations d’aménagement et de programmation du plan, ne peut être assimilée à la création d’un emplacement réservé aux voies et ouvrages publics au sens des dispositions précitées du 8° de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme » (consid. 15). Dans une telle hypothèse, la Collectivité marque clairement son intention d’acquérir les terrains, dont la constructibilité est gelée dès lors que toute construction autre que celle ayant justifié la réserve est en principe interdite. Pour cette raison, le propriétaire dont le terrain est grevé d’une telle servitude peut mettre en demeure la collectivité bénéficiaire d’acquérir son bien (art. L. 230-1 du code de l’urbanisme) mais aussi déférer à la juridiction administrative la délibération approuvant la création, ou le maintien, de l’emplacement réservé (CE, 17 mai 2002, Kergall, n° 221186), ou en discuter la légalité par voie d’exception (CAA Paris, 4 décembre 2014, M. A.D., n° 13PA03449), ou bien encore formuler une demande d’abrogation (pour des exemples de rejets de telles demandes : CAA Versailles, 5 décembre 2013, Saint Brice Sous Forêt, n°12VE03701 ; CAA Nantes, 2 mai 2014, Commune de Dinard, n° 12NT01787).

Mais cette voie est, pour la Cour, barrée s’agissant d’une liaison mentionnée dans le schéma d’une OAP (et non reportée, était-il précisé, dans les documents graphiques du PLU) dès lors qu’ « elle est insusceptible de créer par elle-même des obligations aux propriétaires des parcelles concernées ». Dans ces conditions, les conclusions « dirigées contre une prévision qui ne fait grief aux requérants sont dès lors irrecevables « .

Saisi par les requérants, le Conseil d’Etat a rappelé qu’il résulte des dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-5, dans leur rédaction applicable au litige, que « les travaux ou opérations d’urbanisme doivent être compatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation ; que si de telles orientations, dans cette mesure opposables aux demandes d’autorisations d’urbanisme, sont, en principe, susceptibles d’être contestées par la voie du recours pour excès de pouvoir à l’occasion d’un recours dirigé contre la délibération qui approuve le plan local d’urbanisme, il en va différemment dans le cas où les orientations adoptées, par leur teneur même, ne sauraint justifier légalement un refus d’autorisation d’urbanisme« .

Dans ces conditions, la Haute assemblée a estimé que la Cour n’a pas inexactement interprété les documents constituant le plan local d’urbanisme attaqué et n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’orientation contestée ne pouvait etre assimilée à la création d’un emplacement réservé (au sens du 8° de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme) et en refusant de la tenir pour une servitude au sens de l’article L. 123-2 du même code.  Et la Cour ne s’est pas plus méprise en retenant que l’orientation critiquée ne constituait qu’une simple prévision insusceptible de faire par elle-même grief.

Les conclusions tendant à l’annulation de cette orientation étaient donc bien irrecevables.

Philippe PEYNET – avocat associé

 

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