Un centre hospitalier avait conclu avec une SCI un bail en l’état futur d’achèvement (BEFA), qui prévoyait la location au centre de deux bâtiments existants après aménagement de l’un d’eux, ainsi que d’un bâtiment à construire, pour une durée de quinze ans, avec une option d’achat après la douzième année.
Toutefois après l’achèvement des travaux, le centre hospitalier s’est abstenu de prendre possession des locaux, a suspendu le paiement des loyers, puis a saisi le Tribunal administratif (TA) d’une action en contestation de la validité du contrat.
Le TA a rejeté cette demande et fait droit aux demandes reconventionnelles de la SCI. Sur appel du centre hospitalier, la Cour administrative d’appel (CAA) a annulé ce jugement et, par la voie de l’évocation, le contrat en litige.
Ce contentieux est l’occasion pour le Conseil d’État de rappeller la définition d’un marché de travaux (selon l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics – reprise par le Code de la commande publique), et d’ajouter que :
« le contrat par lequel un pouvoir adjudicateur prend à bail ou acquiert des biens immobiliers qui doivent faire l’objet de travaux à la charge de son cocontractant constitue un marché de travaux au sens des dispositions [de cette ordonnance] lorsqu’il résulte des stipulations du contrat qu’il exerce une influence déterminante sur la conception des ouvrages.
La Haute assemblée précise que « tel est le cas lorsqu’il est établi que cette influence est exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Les demandes de l’acheteur concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur. »
Pour le Conseil d’État tel était le cas en l’espèce. Dès lors, le contrat litigieux constitue un marché de travaux.
Une fois cette qualification retenue, il revenait au Conseil d’État de se prononcer sur la légalité du contrat litigieux. Le contrat contenait notamment une clause qui prévoyaient que les travaux d’aménagement et de construction étaient rémunérés non pas par le versement immédiat d’un prix, mais par le versement de loyers et « surloyers ».
Or, dès lors qu’il a été jugé que le contrat en litige constitue un marché de travaux, « une telle clause prévoyant ces versements, qui constituaient des paiements différés, était prohibée« .
Le Conseil d’État juge enfin que la CAA n’a pas commis d’erreur droit « en jugeant, après avoir souverainement constaté que la clause de paiement différé […] était indivisible du reste du contrat, qu’eu égard à la nature de cette clause, le contenu du contrat présentait un caractère illicite et qu’un tel vice était de nature à justifier son annulation« .
Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 03/04/2024, 472476, Publié au recueil Lebon