Article publié dans La Gazette des Communes le 12 février dernier
Outil de mécénat : Le fonds de dotation est un outil de mécénat destiné à réaliser directement ou à aider des organismes à but non lucratif à accomplir des œuvres ou missions d’intérêt général.
Partenaire privé : Lorsqu’une collectivité est à l’origine de la création d’un fonds de dotation, elle doit s’entourer d’au moins un partenaire privé pour constituer sa dotation initiale.
Liberté d’organisation : La collectivité fondatrice peut organiser la gouvernance du fonds de dotation de manière à contrôler la structure.
1 – Définir un profil de fonds conforme à son projet
Outil de financement d’organismes à but non lucratif dans leurs œuvres et missions d’intérêt général, le fonds de dotation peut constituer, dans un contexte de réduction des subventions versées aux associations locales, un intéressant relais des collectivités. Aux termes de la seule disposition législative qui leur est consacrée, à savoir l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, un fonds de dotation « reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général ». Personne morale de droit privé à but non lucratif ayant vocation à utiliser les fruits de la capitalisation des versements effectués à son profit, le fonds de dotation peut avoir deux profils. Il peut s’agir d’un fonds « opérationnel », lorsqu’il est destiné à mener lui-même des œuvres/missions d’intérêt général financées par les produits de la capitalisation. Il peut également être « redistributeur » ou « relais » lorsque son action consiste à financer d’autres organismes à but non lucratif, notamment des associations, dans leurs objectifs d’intérêt général. Dans ce cas, si les versements sont en principe issus du placement des ressources du fonds, ils peuvent également consister en des dons lorsqu’ils sont issus d’appels à la générosité publique ou en des parts de dotation lorsque les statuts du fonds prévoient que la dotation peut, par exception au principe de non consomptibilité, être consommée. Une collectivité qui envisagerait de constituer un fonds de dotation devrait donc s’interroger sur le type de fonds de dotation le plus adapté au projet qu’elle entend développer : à grands traits, créer un fonds menant des actions en propre ou constituer une structure intermédiaire de financement des activités d’autres organismes, ce choix devant se traduire dans l’objet du fonds, défini par ses statuts. De plus, selon l’objectif poursuivi, la collectivité pourrait opter pour la création d’un fonds à durée limitée, pour un projet n’ayant pas vocation à s’inscrire dans la durée, ou au contraire illimitée.
A NOTER : Le fonds de dotation offre la simplicité de création et de fonctionnement d’une association et les avantages d’une fondation d’utilité publique.
2 – Mobiliser au moins un partenaire privé pour abonder la dotation initiale
La création d’un fonds de dotation par une collectivité nécessite la mobilisation d’au moins un partenaire privé (une ou plusieurs entreprises locales par exemple). En effet, aucun fonds public ne peut, en principe, être versé à un fonds de dotation, seules des dérogations exceptionnelles à cette interdiction pouvant être accordées par arrêté conjoint des ministres de l’économie et du budget au regard de l’importance ou de la particularité d’une œuvre ou d’un programme d’actions donné. Dans ces conditions, les créateurs d’un fonds devant lui apporter une dotation initiale, dont le montant minimum est actuellement fixé à 15 000 euros (décret n° 2009-158 du 11 février 2009 du 11 février 2009, article 2 bis), la personne morale de droit public fondatrice doit convaincre un ou plusieurs autres fondateurs, personnes morales de droit privé ou personnes physiques, de verser cette dotation initiale. Une fois la dotation initiale constituée et le fonds de dotation créé, celui-ci peut bénéficier du versement de différents types de fonds privés (dons, legs) et peut notamment organiser, à condition d’y être spécialement autorisé, des appels à la générosité publique. Le fonds doit pour ce faire solliciter du Préfet du département de son siège social, par lettre recommandée avec accusé de réception, une autorisation administrative concernant une ou plusieurs durée(s) d’appel(s) à la générosité publique en indiquant les objectifs de chacun d’entre eux (décret n° 2009-158 du 11 février 2009, article 11). L’autorité administrative dispose alors de deux mois à compter de la réception du dossier complet pour répondre, son silence gardé pendant ce délai valant autorisation tacite (décret n° 2009-158 du 11 février 2009, article 13).
3 – Remplir les critères de déductibilité des versements au fonds
Conditionnant l’attractivité du fonds de dotation pour les particuliers et les entreprises, il importe de veiller, lors de la création du fonds puis de son fonctionnement, à ce que les critères de déductibilité fiscale des versements effectués au profit du fonds soient satisfaits, ceux-ci étant respectivement fixés par les articles 200, 1, g) du Code général des impôts (CGI) pour les particuliers et 238 bis, 1, g) du même Code pour les entreprises. A grands traits, les versements aux fonds – qu’il s’agisse de la dotation initiale ou de dons/legs ultérieurs – par des particuliers ou des entreprises ouvrent droit à réduction d’impôt dans deux cas de figure. La première hypothèse est celle dans laquelle le fonds de dotation, d’intérêt général, dispose d’un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ou, uniquement pour les versements des particuliers, exerçant des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse. Etant précisé que la condition d’intérêt général susvisée est regardée comme satisfaite lorsque l’activité du fonds n’est pas lucrative, que sa gestion est désintéressée et qu’aucun avantage n’est procuré à ses membres. Le second cas de figure est celui dans lequel les versements sont effectués au profit de fonds dont la gestion est désintéressée et qui reversent les revenus tirés des dons et versements reçus – voire directement les dons issus d’appels à la générosité publique – à des organismes respectivement listés par les articles 200 pour les particuliers et 238 bis du CGI pour les entreprises. On précisera, à cet égard, que le critère de la gestion désintéressée est regardé comme rempli lorsque les fonds concernés sont gérés et administrés à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation, ne procédant à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit et dont les membres et ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d’une part quelconque de l’actif, sous réserve du droit de reprise des apports.
4 – Organiser le contrôle stratégique du fonds
Les fondateurs disposent par ailleurs d’une grande liberté dans la définition des règles de gouvernance des fonds de dotation, les règles impératives étant peu nombreuses. Les fonds doivent obligatoirement disposer de conseils d’administration composés d’au moins trois membres et d’un président. La loi imposant qu’à l’occasion de la création du fonds, les premiers membres du conseil d’administration soient désignés par le ou les fondateurs de la structure. En outre, lorsque le montant de la dotation initiale du fonds est supérieur à un million d’euros, un comité consultatif doit être instauré, composé de personnalités qualifiées extérieures au fonds, devant aider ce dernier dans la détermination de sa politique d’investissement et a assuré le suivi de celle-ci. C’est dans ce cadre, très souple, qu’il appartient au(x) fondateur(s) de définir, dans les statuts du fonds, les règles de composition, de nomination des membres et de renouvellement du conseil d’administration. Aussi les personnes morales de droit public à l’origine de la création d’un fonds de dotation peuvent-elles parfaitement concevoir un mode de gouvernance leur assurant la maitrise des orientations stratégiques du fonds et en particulier de ses projets et/ou de sa politique de redistribution de ressources.
5 – Procéder à la création du fonds
En termes procéduraux, la création d’un fonds de dotation est simple. Il suffit, après avoir défini les caractéristiques du fonds puis rédigé les statuts de la structure dans le respect des mentions obligatoires détaillées à l’annexe 1 de la circulaire NOR ECEM0908677C du 19 mai 2009 (qui n’est plus à jour sur la question de la dotation initiale, chaque fonds devant disposer d’une dotation initiale d’au moins 15 000 euros), de procéder à une déclaration en préfecture accompagnée d’un dépôt de statuts. Bien entendu, s’agissant des collectivités, leurs organes délibérants doivent avoir préalablement approuvé la création du fonds ainsi que ses statuts et autorisé leur exécutif à les signer. L’autorité préfectorale opère, une fois la déclaration effectuée, un contrôle des statuts et de leur conformité aux dispositions légales et réglementaires applicables. Dans ce cadre, la préfecture vérifie notamment l’origine des fonds de la dotation initiale qui ne peuvent être apportés, pour mémoire, et sauf exception, que par des personnes privées. La déclaration faite à la préfecture, qui doit comportée les mentions visées par l’article 7 du décret n°2009-158 du 11 février 2009, est publiée au Journal officiel, ce qui confère alors au fonds de dotation la personnalité morale.
6 – Contrôler et limiter les risques dans la gestion du fonds
S’agissant du contrôle des fonds de dotation, ces derniers doivent établir, chaque année, des comptes comprenant au moins un bilan et un compte de résultat, les fonds faisant appel à la générosité publique devant y ajouter une annexe comportant un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public. Il leur appartient également d’élaborer un rapport d’activité annuel, devant être approuvé par le conseil d’administration du fonds et transmis au Préfet de département dans un délai de six mois suivant la clôture de l’exercice comptable. Lorsque le montant des ressources des fonds de dotation dépasse 10 000 euros en fin d’exercice, ils doivent disposer d’un commissaire aux comptes, chargé de certifier les comptes du fonds et de vérifier leur conformité avec le rapport d’activité établi. On ajoutera que quand une collectivité dispose de représentants au sein de l’organe délibérant d’un fonds de dotation, en particulier lorsqu’il s’agit d’élus locaux, ces derniers doivent veiller à ne pas se trouver en situation de conflit d’intérêts. Susceptibles d’être condamnés au titre du délit de prise illégale d’intérêt (Code pénal, art. 432-12), ces derniers doivent s’abstenir de tout agissement, y compris au stade de la préparation des décisions, qui pourraient être de nature à favoriser leurs intérêts, qu’ils soient financiers ou simplement moraux/familiaux, y compris indirectement. Afin de se prémunir des risques pouvant exister, il peut s’avérer opportun de prévoir, dans le cadre des statuts ou d’un règlement intérieur du fonds, la fixation de règles prudentielles destinées à limiter les risques potentiels de conflits d’intérêts.
Mounia IDRISSI, avocat directeur
Laure DESWARTE, avocat collaborateur