Contrat administratif & Sentence arbitrale

Le Conseil d'État a statué sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître d'un recours contre une sentence arbitrale.

Jurisprudence 9 août 2024

Aux termes de l’article 128 du Code de marchés publics, applicables au litige :

« Conformément à l’article 69 de la loi du 17 avril 1906 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1906, l’Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics locaux peuvent, pour la liquidation de leurs dépenses de travaux et de fournitures, recourir à l’arbitrage tel qu’il est réglé par le livre IV du code de procédure civile. »

C’est ce qu’a fait la Région de Martinique.

Plus précisément, la Région a conclu avec un Groupement d’entreprises un marché public pour l’exécution d’un lot portant sur divers travaux.

Afin de résoudre le litige les opposants sur le règlement financier de ce marché, les parties ont conclu une convention d’arbitrage. Par une sentence arbitrale, dont la Collectivité demande l’annulation, le tribunal arbitral a condamné la Collectivité à verser au Groupement la somme de 1 640 213 euros pour le règlement du marché litigieux.

Saisi, le Conseil d’État s’est prononcé sur l’étendue de son contrôle vis à vis d’une telle sentence.

Celui-ci commence par juger que :

« Le recours dirigé contre une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l’exécution ou de la rupture d’un contrat administratif ressortit à la compétence de la juridiction administrative.

Au sein de la juridiction administrative, le Conseil d’Etat est compétent pour connaître des recours dirigés contre une telle sentence arbitrale, en application de l’article L. 321-2 du code de justice administrative (CJA). »

La Haute Juridiction précise ensuite l’étendue de son office :

« Lorsqu’il est saisi d’un tel recours, il appartient au Conseil d’Etat de s’assurer, le cas échéant d’office, de la licéité de la convention d’arbitrage, qu’il s’agisse d’une clause compromissoire ou d’un compromis.

Ne peuvent en outre être utilement soulevés devant lui que des moyens tirés, d’une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d’autre part, de ce qu’elle est contraire à l’ordre public.

S’agissant de la régularité de la procédure, en l’absence de règles procédurales applicables aux instances arbitrales relevant de la compétence de la juridiction administrative, une sentence arbitrale ne peut être regardée comme rendue dans des conditions irrégulières que si le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent, s’il a été irrégulièrement composé, notamment au regard des principes d’indépendance et d’impartialité, s’il n’a pas statué conformément à la mission qui lui avait été confiée, s’il a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ou s’il n’a pas motivé sa sentence.

S’agissant du contrôle sur le fond, une sentence arbitrale est contraire à l’ordre public lorsqu’elle fait application d’un contrat dont l’objet est illicite ou entaché d’un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, lorsqu’elle méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, telles que notamment l’interdiction de consentir des libéralités, d’aliéner le domaine public ou de renoncer aux prérogatives dont ces personnes disposent dans l’intérêt général au cours de l’exécution du contrat, ou lorsqu’elle méconnaît les règles d’ordre public du droit de l’Union européenne.« 

À l’issu de son contrôle, quelle décision peut prendre le Conseil d’État ?

« S’il constate l’illégalité du recours à l’arbitrage, notamment du fait de la méconnaissance du principe de l’interdiction pour les personnes publiques de recourir à l’arbitrage sauf dérogation prévue par des dispositions législatives expresses ou, le cas échéant, des stipulations de conventions internationales régulièrement incorporées dans l’ordre juridique interne, prononce l’annulation de la sentence arbitrale et décide soit de renvoyer le litige au tribunal administratif compétent pour en connaître, soit d’évoquer l’affaire et de statuer lui-même sur les réclamations présentées devant le collège arbitral.

S’il constate que le litige est arbitrable, il peut rejeter le recours dirigé contre la sentence arbitrale ou annuler, totalement ou partiellement, celle-ci. Il ne peut ensuite régler lui-même l’affaire au fond que si la convention d’arbitrage l’a prévu ou s’il est invité à le faire par les deux parties. A défaut de stipulation en ce sens ou d’accord des parties sur ce point, il revient à celles-ci de déterminer si elles entendent de nouveau porter leur litige contractuel devant un tribunal arbitral, à moins qu’elles ne décident conjointement de saisir le tribunal administratif compétent.« 

Qu’en est-il en l’espèce ?

Le Conseil d’État a notamment contrôlé la bonne application du principe d’impartialité par l’un des arbitres lors de la rédaction d’un rapport prenant position sur les prétentions des parties.

Les juges du Palais Royal ont finalement estimé que la Collectivité n’est pas fondée à demander l’annulation de la sentence arbitrale qu’elle attaque.

Restons en contact Inscription Newsletter

X

Content for `two`
Content for `three`