Décryptage des apports de l’ordonnance relative à la continuité du fonctionnement des institutions locales pour les EPCI

Non classé 3 avril 2020

Après l’adoption de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 et en complément des premières ordonnances du 25 mars 2020, le Conseil des ministres a, mercredi 1er avril 2020, adopté une ordonnance n°2020-391 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie.

Comme son nom l’indique, cette ordonnance a pour objet de favoriser la continuité de l’action publique et de préciser le fonctionnement et la gouvernance des collectivités et de leurs groupements durant la période d’urgence sanitaire.

 

Un renforcement des pouvoirs des présidents d’EPCI sous le contrôle des organes délibérants

Face au silence de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 sur la question des pouvoirs des organes délibérants et des présidents d’intercommunalité pendant la période d’urgence sanitaire, la plupart des commentateurs avaient envisagé, en transposant les règles jurisprudentielles classiques en matière de prorogation des mandats des élus locaux, que leurs pouvoirs seraient limités, durant cette période, à la seule gestion des « affaires courantes ».

Mais telle ne semble pas être la volonté du gouvernement qui a manifestement souhaité, sans doute au regard de la durée inédite de cette période (qui pourrait encore être allongée par un nouveau report du second tour des élections municipales), organiser la poursuite de l’action publique.

Le gouvernement a ainsi opté pour un renforcement des pouvoirs des exécutifs locaux et en particulier des présidents d’intercommunalité, qui voient leurs pouvoirs très nettement renforcés au détriment de ceux des assemblées délibérantes, qui joueront en revanche un rôle de contrôle indispensable.

 

Une concentration des pouvoirs entre les mains des présidents d’EPCI

Il est en effet prévu que les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) se voient automatiquement confier, dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance et sans qu’il ne soit besoin de délibération en ce sens, l’intégralité des attributions qui peuvent habituellement leur être déléguées par les organes délibérants, à l’exception, donc, des matières énumérées du 1° au 7° de l’article L. 5211-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

Concrètement, puisque le principe en droit de l’intercommunalité est que toute matière – sauf celles visées au 1° à 7° de l’article L. 5211-10 du CGCT (vote du budget, de l’institution et de la fixation des taux ou tarifs des taxes ou redevances, approbation du compte administratif, délégation de la gestion d’un service public, adhésion à un établissement public, etc…) – est délégable par les assemblées délibérantes aux présidents, ces derniers deviendront de facto titulaires de la quasi-intégralité des pouvoirs d’administration des EPCI.

Etant d’ailleurs précisé que les décisions des présidents d’EPCI prises en application des nouvelles délégations dont ils bénéficieront pourront être signées par tout vice-président ou membre du bureau bénéficiant, conformément aux dispositions de l’article L. 5211-9 du CGCT, d’une délégation de fonctions ou par tout directeur ou responsable de service bénéficiant, conformément à ces mêmes dispositions, d’une délégation de signature.

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, donc.

Et si on comprend évidemment l’objectif du gouvernement de maintenir l’activité des structures intercommunales durant cette période de crise, on mesure également le risque de critiques de la part des membres des organes délibérants, ces derniers étant en principe seuls habilités à attribuer des délégations à l’exécutif.

 

Le rôle de contre-pouvoir des assemblées délibérantes

Dans ces conditions, on relèvera qu’afin de contrebalancer ces pouvoirs exceptionnels confiés aux exécutifs intercommunaux, le gouvernement a pris soin de mettre en place quelques « garde-fous ».

Tout d’abord – et cela constitue une garantie minimale – toutes les décisions prises par les présidents d’EPCI dans le cadre de ces délégations attribuées de plein droit devront être transmises aux autorités préfectorales afin d’être soumises au contrôle de légalité.

Par ailleurs, les membres des assemblées verront leur information renforcée puisque les présidents seront tenus de leur transmettre, sans délai et par tout moyen, l’ensemble des décisions prises sur le fondement de ces délégations, d’une part, et d’en rendre compte lors des réunions d’assemblées délibérantes suivant les prises de décisions, d’autre part.

En outre et surtout, les organes délibérants pourront, lors de leur première réunion suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, statuer sur l’étendue des délégations ainsi accordées aux exécutifs, cette question devant être obligatoirement inscrite à l’ordre du jour du conseil. Ils disposeront alors de la possibilité de mettre un terme ou encore de modifier tout ou partie des délégations attribuées de plein droit et ils pourront également, le cas échéant, décider de modifier les décisions prises par le président, sous réserve toutefois des éventuels droits acquis…

Les élus communautaires devront donc être particulièrement attentifs aux décisions prises par leurs exécutifs et ne pas tarder à organiser la tenue d’un conseil s’ils souhaitent contester certaines des décisions prises.

On précisera que toutes ces dispositions sont également applicables, outre aux EPCI à fiscalité propre et aux syndicats intercommunaux, aux syndicats mixtes, fermés et ouverts, ainsi qu’aux pôles métropolitains et pôles d’équilibre territoriaux et ruraux.

 

Un assouplissement des modalités de réunion et de fonctionnement des organes délibérants des structures intercommunales

L’ordonnance prévoit par ailleurs une suspension, pendant toute la durée de la période d’urgence sanitaire, de l’obligation de réunir au moins une fois par trimestre l’assemblée délibérante des EPCI.

Dans le même temps, un certain nombre de mesures visant à faciliter la réunion et la prise de décisions au sein des organes délibérants et des bureaux sont mises en place.

L’article 4 de l’ordonnance prévoit ainsi que les présidents d’EPCI pourront décider de ne pas saisir pour avis certains organes consultatifs visés par cet article qui doivent habituellement l’être préalablement à la tenue des séances des assemblées délibérantes ; lesdits organes devant toutefois être informés des décisions prises.

Toujours dans cette logique de compenser le renforcement des pouvoirs des présidents d’intercommunalité, le nombre de membres pouvant demander la réunion de l’assemblée est abaissé durant la période d’urgence sanitaire puisqu’un cinquième de ses membres – contre un tiers habituellement – suffira à provoquer la tenue d’une séance sur un ordre du jour déterminé. Le président sera alors tenu d’organiser une session de l’assemblée délibérante dans les six jours suivant la demande.

Les conditions de quorum sont, elles aussi, assouplies : la présence ou la représentation d’au moins un tiers des membres, au lieu de la moitié, sera nécessaire pour que l’organe délibérant mais également – et cela constitue une nouveauté par rapport à la loi d’urgence – le bureau de l’EPCI délibèrent valablement.

De la même manière, chaque élu pourra, durant cette période, être porteur de deux pouvoirs, contre un seul habituellement.

En outre, l’ordonnance autorise le président à décider de la tenue des séances du conseil et du bureau de l’EPCI à distance par un dispositif de visioconférence ou, à défaut, d’audioconférence et doit en préciser, lors de la transmission de la convocation aux élus, les modalités techniques. Le quorum étant, dans ce cas de figure, apprécié en fonction des membres présents (ou représentés) physiquement et à distance. Les votes organisés selon ces modalités ne pourront avoir lieu qu’au scrutin public, soit par appel nominal, soit, lorsque cela est possible, par scrutin électronique.

Enfin, on retiendra également que les modalités de transmission au contrôle de légalité des délibérations et des décisions prises sont facilitées puisqu’elles pourront être communiquées aux services préfectoraux par envoi électronique dans les conditions précisées par l’ordonnance.

 

Un allongement des délais pour délibérer sur l’exercice des compétences intercommunales

Délégation des compétences eau, assainissement et eaux pluviales

Un autre point à retenir de l’ordonnance, propre aux structures intercommunales, concerne les aménagements apportés à la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019 en matière d’exercice des compétences eau, assainissement et gestion des eaux pluviales.

Il est ainsi prévu d’accorder aux communautés de communes et d’agglomération un délai supplémentaire de trois mois, ce qui repousse le délai à neuf mois à compter à compter du 1er janvier 2020, pour délibérer sur la possibilité de déléguer tout ou partie des compétences eau, assainissement et gestion des eaux pluviales aux syndicats infracommunautaires, c’est-à-dire inclus dans le périmètre de la communauté concernée. Cette prorogation du délai a pour conséquence de maintenir, jusqu’au 30 septembre 2020 au plus tard, les syndicats infracommunautaires compétents en ces matières existant au 1er janvier 2019. Ces derniers seront toutefois dissous de plein droit si aucune délibération de délégation n’est intervenue durant ce délai rallongé.

Parallèlement, les organes délibérants des communautés de communes ou d’agglomération disposent également de trois mois supplémentaires pour délibérer lorsqu’une de leurs communes membres a demandé, entre janvier et mars 2020, à bénéficier d’une délégation de compétence pour exercer l’une de ces compétences.

 

Transfert de la compétence organisation de la mobilité aux communautés de communes

Toujours concernant l’exercice des compétences intercommunales, l’ordonnance allonge, là encore, de trois mois supplémentaires le délai imparti aux communautés de communes et à leurs communes membres pour délibérer sur le transfert de la compétence en matière d’organisation de la mobilité. La délibération du conseil communautaire devra donc être prise le 31 mars 2021 au plus tard.

Après l’adoption de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 et en complément des premières ordonnances du 25 mars 2020, le Conseil des ministres a, mercredi 1er avril 2020, adopté une ordonnance n°2020-391 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie.

Comme son nom l’indique, cette ordonnance a pour objet de favoriser la continuité de l’action publique et de préciser le fonctionnement et la gouvernance des collectivités et de leurs groupements durant la période d’urgence sanitaire.


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