Droit souple : le Conseil d’Etat se prononce sur les rapports d’activités de la Miviludes

Précisions du Conseil d'Etat quant à la notion d'acte de droit souple, à l'occasion des rapports annuels de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

Jurisprudence 2 mars 2023

Dans une décision du 10 février 2023, à mentionner aux tables du recueil Lebon (req. n°456954), le Conseil d’Etat a apporté des précisions quant à la notion d’acte de droit souple.

En l’espèce, plusieurs rapports annuels d’activité de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) avaient fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Saisi, le Conseil d’Etat commence par rappeler que les rapports annuels d’activités de la Miviludes “sont dépourvus de caractère réglementaire et ne constituent ni des circulaires, ni des instructions de portée générale au sens du 2° de l’article R. 311-1 du Code de justice administrative”.

En conséquence, les “mises en garde et prises de position adoptées par la Miviludes dans son rapport annuel d’activité ou sur tout autre support qu’elle rend public, de même que le refus de les supprimer, de les modifier ou de les rectifier, ne peuvent être déférées au juge de l’excès de pouvoir par une personne, justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, que si elles sont de nature à produire à son égard des effets notables ou sont susceptibles d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles elles s’adressent.”

 

Le Conseil d’Etat se livre alors à une intéressante analyse au cas par cas des dispositions contestées :

S’agissant du rapport annuel d’activité 2003 :

Dans ce rapport, la Miviludes “reprochait au groupe Shri Ram Chandra Mission, en des termes affirmatifs, d’exercer une emprise psychologique sur ses membres par un contrôle pesant de leur comportement privé et par un conditionnement de leurs enfants”.

Toutefois, pour le Conseil d’Etat, ce rapport “ne peut plus être regardé, à la date de la présente décision, comme susceptible d’influer de manière significative sur les comportements ou comme produisant des effets notables, eu égard à son ancienneté, à l’absence de reprise ou de référence à ces constats précis dans des publications plus récentes de la Miviludes et aux conditions de sa publication sur le site de celle-ci.”

 

S’agissant du rapport d’activité 2016-2017 :

Dans ce rapport, la Miviludes se borne “à informer le public des risques que présentent des propositions émanant d’individus isolés ou de petites structures gravitant autour d’organisations internationales comme la Shri Ram Chandra Mission, sans exprimer de mise en garde ou prise de position concernant les associations requérantes elles-mêmes.”

Ces mentions, ainsi que “le simple rappel, dans une note de bas de page, de ce que la Shri Ram Chandra Mission a fait l’objet de « plusieurs signalements défavorables » auprès de la Miviludes, sans porter d’appréciation sur le bien-fondé de ces signalements” ne traduisent pas une prise de position de la Miviludes.

Ainsi, ces mentions ne peuvent être regardées comme susceptibles d’influer de manière significative sur les comportements ou comme produisant des effets notables.

 

S’agissant du rapport annuel d’activité 2018-2020 :

Celui-ci recense les “mouvements ou techniques qui ont suscité le plus d’interrogations sur les 3 dernières années.”

Pour le Conseil d’Etat, “si la Shri Ram Chandra Mission et le Heartfulness figurent parmi les quinze mouvements énumérés, le rapport indique seulement que ces derniers « présentent à des titres et des degrés divers des risques pour les adeptes », dont une typologie globale est dressée, sans que ces risques soient spécifiquement associés aux associations requérantes ni que des faits précis leur soient imputés ou qu’une mise en garde soit explicitement formulée.”

Le document comporte également des “pistes de développement de la prévention des risques » visant notamment à une meilleure connaissance de ces derniers.”

Selon la Haute juridiction, “Ces informations générales et l’expression “d’interrogations” sur les risques auxquels le public est susceptible d’être exposé dans ses relations avec des structures proposant des activités de méditation et de yoga, si elles incitent les lecteurs à faire preuve de vigilance à ce titre, n’est pas susceptible d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles elles s’adressent à l’égard des requérants et ne sont pas de nature à produire des effets notables à leur égard justifiant qu’elles puissent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.”

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