Décryptage de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales – 1ère partie

Textes 3 avril 2020

Décryptage de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales

et de l’exercice des compétences des collectivités locales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19

 

LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS DES EXECUTIFS LOCAUX

 

En application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 une ordonnance a été adoptée le 1er avril 2020 en Conseil des Ministres, prévoyant diverses mesures destinées à favoriser la continuité de l’action des collectivités territoriales et de leurs groupement pendant la durée de l’état d’urgence.

Le renforcement des pouvoirs des exécutifs locaux

Ce texte prévoit d’abord un élargissement des pouvoirs des exécutifs locaux, limitant ainsi les hypothèses de recours obligatoire à une décision de l’assemblée délibérante. L’article 1er de l’ordonnance confie en effet de plein droit aux maires, présidents d’EPCI, présidents de conseils départementaux et régionaux, sans qu’une délibération soit nécessaire, les attributions que les assemblées délibérantes ont habituellement la faculté de leur déléguer.
Délégations de droit des matières pouvant, en temps ordinaire, être déléguées à l’exécutif par une délibération de l’organe délibérant .

Les maires (art.1er I) se voient ainsi déléguer de droit l’ensemble des attributions mentionnées à l’article L. 2122-22 du Code Général des Collectivités Territoriales – sans nécessité de fixer les limites prévues pour l’exercice de certaines délégations – à l’exclusion de la réalisation des emprunts (article L. 2122-22 3°). Sont ainsi notamment délégués d’office au maire pour la durée de l’état d’urgence, pour ne citer que les principales matières concernées : la conclusion des marchés publics, l’exercice du droit de préemption, le droit d’ester en justice en demande comme en défense ainsi que celui de transiger au nom de la commune, ou encore la réalisation de lignes de trésorerie.
Selon le même schéma que les maires, les présidents de conseil départemental (art 1er III) et régional (art. 1er IV) se voient attribuer pour durée de l’état d’urgence les attributions listées aux articles L. 3211-2 et L. 4221-5 à l’exclusion de la réalisation des emprunts (art. L. 3211-2 3° ; art. L. 4221-5 3°). Ils se voient également déléguer le pouvoir d’ester en justice (art. L. 3221-11 et L. 4231-7-1), de décider la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres, ainsi que toute décision concernant leurs avenants (art. L. 3221-11 et L. 4231-8) et d’exercer les droits de préemption dont le département ou la région est titulaire (art. L. 3221-12 et L. 4231-8-2).

Par ailleurs, l’article 1er de l’ordonnance délègue également aux maires et présidents de conseil départemental et régional le pouvoir de décider l’attribution de subventions aux associations et accorder des garanties d’emprunt.

Les présidents d’EPCI, quant à eux, se voient déléguer de plein droit l’ensemble des attributions de l’organe délibérant, à l’exception des matières listées à l’article L. 5211-10 1° à L. 5211-10 7°, qui sont classiquement exclues du périmètre de la délégation (art. 1er II).

On le voit, les pouvoir des exécutifs locaux sont considérablement renforcés par l’ordonnance pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, au détriment des assemblées délibérantes. Celles-ci sont néanmoins appelées à jouer un rôle de contrôle sur les actes de l’exécutif.

Le cas particulier des emprunts et lignes de trésoreries

Si l’ordonnance exclut du périmètre des pouvoir délégués de droit aux exécutifs locaux la réalisation des emprunts, il importe de rappeler que l’article 6 de l’ordonnance 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 a rétabli les anciennes délégations en matière d’emprunts qui avaient pris fin à l’ouverture de la campagne officielle pour les élections municipales en application du dernier alinéa des articles L. 2122-22 (sont également visées les délégations des exécutifs départementaux et régionaux, qui seraient susceptibles de prendre fin à l’ouverture de la campagne pour les élections départementales et régionales du printemps 2021). Jusqu’à la première réunion de l’assemblée délibérante suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 25 mars 2020, l’exécutif peut donc souscrire les emprunts destinés au financement des investissements inscrits au budget et réaliser les opérations financières utiles à leur gestion, dans la limite des éventuelles délégations précédemment accordées.

L’exécutif est également autorisé à souscrire des lignes de trésoreries au titre de l’année 2020, dans les limites fixées à l’article 1er V de l’ordonnance.

Possibilité pour l’exécutif d’accorder des délégations de signature dans les matières déléguées de plein droit

L’article 1er de l’ordonnance prévoit expressément que les décisions prises dans les matières déléguées de plein droit à l’exécutif peuvent être signées par les élus bénéficiant d’une délégation de fonctions accordée conformément aux dispositions de droit commun applicables en la matière (adjoints au maire, conseillers municipaux, vice-présidents et membres du bureau pour les EPCI, vice-présidents et conseillers départementaux et régionaux).
S’ils ont reçu une délégation de signature, le directeur général et le directeur général adjoint des services, le directeur général et le directeur des services techniques ainsi que les responsables de services sont également habilités à signer les décisions intervenant dans ces matières.

Contrôle des décisions prises par l’exécutif dans les matières déléguées d’office

Les larges délégations consenties aux exécutifs locaux s’accompagnent de plusieurs mécanismes destinés à en contrôler l’exercice.

Obligation de transmission au contrôle de légalité

L’ensemble des actes pris par les exécutifs locaux dans le cadre des pouvoirs qui leur sont délégués de plein droit sont, classiquement, soumise à l’obligation de transmission au contrôle de légalité. Et les modalités de cette transmission sont assouplies, celle-ci pouvant être effectuée, à titre dérogatoire par messagerie électronique dédiée (art. 7).

Obligation d’information des élus

Les exécutifs locaux sont également tenus d’informer « sans délai et par tout moyen » les conseillers municipaux, communautaires, départementaux et régionaux des décisions prises dans le cadre de l’exercice de leurs délégations. Ils en rendront également compte lors de la plus prochaine réunion de l’assemblée délibérante, conformément aux dispositions de droit commun.

Possibilité de modification ou suppression des délégations par l’assemblée délibérante

Surtout, afin de contrebalancer les larges pouvoirs conférés à l’exécutif, l’article 1er de l’ordonnance prévoit, pour chaque catégorie de collectivité visée, que l’assemblée délibérante peut décider, par délibération, de mettre un terme à la délégation de l’exécutif ou la modifier. Dans ce cadre l’assemblée locale peut décider de reprendre en tout ou partie les attributions confiées de droit à l’exécutif pour les exercer elles-mêmes, et/ou de fixer des limites à l’exercice de certaines délégations.

La formulation de l’ordonnance créée cependant une ambigüité quant au moment où cette faculté peut être exercée. En effet si le texte mentionne qu’elle est ouverte « à tout moment » à l’organe délibérant, la phrase suivante précise que « cette question doit être portée à l’ordre du jour de la première réunion du conseil [municipal, communautaire, régional, départemental] qui suit l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ». Faut-il comprendre que passée cette première réunion, il ne serait plus possible, pour l’organe délibérant, de remettre en cause les délégations accordées de droit à l’exécutif pour la durée de l’état d’urgence ? Cette interprétation ne paraît pas devoir être privilégiée. En effet, si la DGCL dans la note d’information qu’elle a publiée mentionne d’abord que « les assemblées délibérantes pourront, de droit, lors de la première réunion qu’elles tiendront (…) examiner les délégations accordées aux élus locaux », elle semble ensuite considérer que cette possibilité pourrait être exercée « à l’occasion de sa première réunion ou d’une réunion ultérieure » (DGCL, Notice explicative de l’ordonnance visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités locales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19). Ce qui serait conforme aux règles de droit commun applicables en la matière, lesquelles permettent à l’assemblée délibérante de retirer à tout moment les délégations qu’elle a accordées à l’exécutif.

Possibilité de réformation des décisions prises par les exécutifs locaux

Si elle fait usage de la faculté qui lui est ouverte de mettre un terme en tout ou partie aux délégations de l’exécutif, l’assemblée délibérante peut alors réformer les décisions prises par l’exécutif dans les matières concernées.
La portée de la remise en cause des décisions de l’exécutif est toutefois limitée, dès lors qu’elle ne saurait porter atteinte aux droits éventuellement acquis. Afin d’éviter les impairs, il conviendra donc d’avoir à l’esprit les règles classiques et les délais applicables, en particulier, au retrait des décisions administratives créatrices de droit.

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