Assimilation d’un contrat d’ « assistance à maîtrise d’ouvrage » à un contrat de « louage d’ouvrage » : la responsabilité de l’assistant au maître d’ouvrage peut être engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs

Jurisprudence 21 mars 2018

Conseil d’Etat, 9 mars 2018, Commune de Rennes Les Bains, req. n°406205

Aux termes des dispositions du Code civil relatives au contrat de louage d’ouvrage, l’action en garantie décennale est ouverte au maître de l’ouvrage à l’égard des constructeurs avec lesquels il a été lié par un contrat de louage d’ouvrage ; classiquement le maître d’œuvre et le(s) entrepreneur(s).

C’est en cet état du droit, que le Conseil d’Etat a jugé dans la décision commentée, qui sera mentionnée aux tables du recueil Lebon, que l’assistant au maître d’ouvrage peut également voir sa responsabilité décennale engagée en qualité de constructeur.

En l’espèce, la commune de Rennes Les Bains a décidé de faire réaliser des travaux de rénovation et de remise aux normes de la zone de soins d’un établissement thermal dont elle est propriétaire. A cet effet,  la commune a conclu trois marchés publics :
– un premier marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) ;
– un deuxième marché de maîtrise d’œuvre ;
– un dernier marché, enfin, relatif à la réalisation des travaux par un entrepreneur.

Le chantier de rénovation a donné lieu à une réception avec réserves, avant qu’une mesure de fermeture temporaire de l’établissement ne soit ordonnée par la DDASS à la suite de la découverte de bactéries dans l’établissement. Un expert judiciaire a alors été désigné par le tribunal administratif de Montpellier, et la commune, sur la base du rapport d’expertise, a formé un recours indemnitaire, fondé sur la responsabilité décennale de chacun des trois intervenants précités : l’assistant à maîtrise d’ouvrage, le maître d’œuvre et l’entrepreneur en charge de la réalisation des travaux.

Aux termes de sa décision, la Haute Juridiction s’attache, en premier lieu, à identifier les débiteurs de la garantie décennale. Après avoir rappelé le principe énoncé en introduction – selon lequel « l’action en garantie décennale n’est ouverte au maître de l’ouvrage qu’à l’égard des constructeurs avec lesquels il a été lié par un contrat de louage d’ouvrage » – le Conseil d’Etat procède à une analyse du contrat qui lie l’assistant au maître d’ouvrage à la commune, afin de voir si celui-ci a ou non la qualité de constructeur.

Le Conseil d’Etat relève qu’il résulte dudit contrat que :
– « la mission ainsi confiée exclut formellement tout mandat de représentation du maître d’ouvrage dans l’exercice de ses prérogatives » ;
–  l’assistant au maître d’ouvrage « est l’interlocuteur direct des différents participants (…). Il propose les mesures à prendre pour que la coordination des travaux et des techniciens aboutisse à la réalisation des ouvrages dans les délais et les enveloppes financières prévus et conformément au programme approuvé par le maître d’ouvrage. Il vérifie l’application et signale les anomalies qui pourraient survenir et propose toutes mesures destinées à y remédier (…). Pendant toute la durée des travaux, l’assistant au maître d’ouvrage assiste le maître d’ouvrage de sa compétence technique, administrative et financière pour s’assurer de la bonne réalisation de l’opération. A ce titre : il a qualité pour assister aux réunions de chantier, il fait toutes propositions au maître d’ouvrage en vue du règlement à l’amiable des différends éventuels (…) » ;
– celui-ci confie au cocontractant « une mission de direction de l’exécution des travaux et d’assistance aux opérations de réception».

De cette énumération de stipulations contractuelles, le Conseil d’Etat déduit que le contrat d’AMO liant la commune à l’assistant à maîtrise d’ouvrage  « revêt le caractère d’un contrat de louage d’ouvrage » et que, par conséquent, la qualité de constructeur doit être reconnue à l’assistant au maître d’ouvrage.

La commune peut alors rechercher la responsabilité, non seulement du maître d’œuvre et de l’entrepreneur, mais aussi celle de l’assistant au maître d’ouvrage pour les désordres de nature décennale affectant son établissement.

Au terme de son analyse du litige, le Conseil d’Etat juge que si la responsabilité de l’assistant au maître d’ouvrage est, en l’espèce, bien retenue – aux côtés de celle du maître d’œuvre et de l’entrepreneur –  la commune est également responsable pour partie des désordres intervenus ; de sorte que « la faute de la commune est de nature à atténuer d’un tiers la responsabilité solidaire des constructeurs ».

Lien associé : http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=212527&fonds=DCE&item=7

 

Restons en contact Inscription Newsletter

X

Content for `two`
Content for `three`