CE 12 juillet 2023, n°469319
Selon l’article L 113-12 du code des assurances, l’assureur a la possibilité de résilier unilatéralement un contrat à l’expiration d’un délai d’un an après sa conclusion, avec un préavis d’au moins deux mois avant la date d’échéance du contrat.
Toutefois, le contrat peut prévoir une durée plus longue de préavis lorsque l’assuré est une personne morale. Ces dispositions sont applicables aux marchés publics d’assurance.
Informé en mars et juillet 2022 de la résiliation de la police d’assurances dommages aux biens à compter du 1er janvier 2023, le Grand Port maritime de Marseille s’y oppose en introduisant un référé « mesure utile » (article L. 521-3 du CJA) et sollicite le maintien de la police d’assurances et des garanties au moins jusqu’au 31 décembre 2023, délai nécessaire pour conclure un nouveau marché public.
Le TA de Marseille rejette le recours estimant qu’il se heurte à une contestation sérieuse tirée de l’applicabilité des dispositions de l’article L. 113-12 précité au contrat en cause.
L’enjeu juridique dans cette affaire est donc l’articulation entre les dispositions précitées du Code des assurances en termes de résiliation unilatérale annuelle du contrat d’assurance et les prérogatives de la personne publique, assurée, pour garantir la continuité du service public. Cette décision s’inscrit dans la lignée de l’arrêt GRENKE (CE, 8 octobre 2014, Société Grenke Location, n° 370644, p. 302) et la faculté pour le pouvoir adjudicateur de s’opposer à une mesure de résiliation qui n’est pas non seulement organisée contractuellement mais aussi, au cas présent, prévue par la loi au profit du titulaire.
Dans sa décision qui sera mentionnée aux tables du Recueil, le Conseil d’Etat affirme d’abord l’applicabilité des dispositions de l’article L. 113-12 du Code des assurances aux marchés publics d’assurance. Mais il souligne aussi que ce droit à résiliation peut faire l’objet d’une opposition de la part de la personne publique qui peut imposer la poursuite de l’exécution du marché « pour un motif d’intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique a la charge, d’imposer de poursuivre l’exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire (…) au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché public d’assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s’avère infructueuse. L’assureur peut contester cette décision devant le juge afin d’obtenir la résiliation du contrat« .
En l’état de ces éléments, le Conseil d’Etat statuant sur le fond de l’affaire, fait droit à la demande du Port Autonome et ordonne la poursuite de l’exécution du marché jusqu’au 31 décembre 2023 après avoir considéré :
« que le motif invoqué par le Grand port maritime de Marseille pour s’opposer à la résiliation unilatérale par la compagnie d’assurances AFM du contrat qui les lie, tiré de la nécessité que les dommages aux biens concourant au bon accomplissement des missions de service public qui lui sont confiées soient couverts par une police d’assurance, constitue un motif d’intérêt général justifiant la poursuite de l’exécution du marché en application des principes rappelés au point 4. Il résulte par ailleurs de l’instruction que le refus de la compagnie d’assurances AFM d’exécuter le contrat à compter du 1er janvier 2023 priverait ces biens de garantie contre les risques mentionnés au point 9, et que cette absence d’assurance serait, dans les circonstances de l’espèce, de nature à compromettre l’exercice de certaines missions de service public en cas de sinistre majeur. Enfin, dans les circonstances de l’espèce, le délai de préavis de six mois prévu par le contrat en cas de résiliation était insuffisant pour procéder à un appel d’offres ouvert« .
Dans un contexte qui peut parfois être tendu dans le secteur de l’assurance des collectivités, ce type de décision favorables aux intérêts des acheteurs peut constituer un nouveau frein à l’attractivité du marché du côté des assureurs. En effet ceux-ci n’apprécient généralement guère être en situation de se voir imposer, même de manière temporaire, l’exécution d’un contrat qui ne les intéresse plus.
L’arrêt CE 12 juillet 2023, n°469319 est disponible sous ce lien : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-07-12/469319