COVID 19 et marchés alimentaires : quel rôle pour le Maire ? – MAJ du 23/03

Recommandations 22 mars 2020

Parmi les importantes mesures que le Gouvernement a imposées à la population pour freiner la progression de l’épidémie de coronavirus, ne figure pas la fermeture des marchés alimentaires. Le ministre de l’agriculture revendiquait encore récemment une victoire à ce sujet, ce mode d’approvisionnement étant considéré comme essentiel, à la fois pour écouler l’offre et pour satisfaire la demande.

Le 22 mars 2020, le Conseil d’Etat a jugé, en référé liberté (n°439674), que le dispositif relatif au « fonctionnement des marchés ouverts, sans autre limitation que l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes » n’était pas satisfaisant, et que leur « maintien paraît autoriser dans certains cas des déplacements et des comportements contraires à la consigne générale. 

En conséquence, le Conseil d’Etat a enjoint au Premier ministre et au ministre de la santé, « d’évaluer (dans les quarante-huit heure)  les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation. »

En complément de cette évolution de la réglementation de crise à l’échelle nationale, il est indispensable de s’interroger sur la position que peuvent – et le cas échéant doivent- adopter les maires face cet enjeu de santé publique.

Ces lieux publics constituent en effet une brèche importante dans le dispositif mis en place, dès lors qu’ils sont propices aux contacts entre les personnes et favorisent ainsi la circulation du virus.

 

Que peuvent faire les maires ?

Au titre de leurs pouvoirs de police, les Maires sont en première ligne pour adopter les mesures propres à garantir sur le territoire de la Commune et notamment dans les halles et marchés, le respect des mesures de distanciation sociale recommandées par la communauté scientifique.

On rappellera d’abord que le Maire est autorité de police sur le territoire de la Commune (article L. 2112-1 du CGCT). Les pouvoirs de police qui lui sont conférés ont, au regard de leur finalité, une portée très générale : ils visent à assurer la protection de l’ordre public en prévenant, au fond, tous les types de troubles qui pourraient être causés. L’article L. 2212-2 du CGCT dispose ainsi qu’ils ont « pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique » et selon la liste, certes indicative, que fournit le même article le bon ordre concerne notamment les halles et marchés, et  « 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, (…) les maladies épidémiques ou contagieuses, … ».

Au titre de ses pouvoirs de police générale, le Maire est donc doublement compétent en cette période pour fixer les règles relatives au fonctionnement du marché. Dans ce cadre, en temps ordinaire, il fixe par arrêté, les jours et heures d’ouverture et de fermeture du marché, réglemente l’installation et le placement des vendeurs, le traitement des détritus, ou encore la disposition des étalages, et plus largement les modalités de fréquentation de ces espaces de ventes et de rassemblement.

A l’heure où le maintien du fonctionnement habituel des marchés alimentaires peut créer une rupture de confinement, il incombe aux Maires d’intervenir au titre de leurs pouvoirs de police afin d’édicter les mesures nécessaires pour garantir la sécurité de leurs administrés et participer à la lutte contre l’épidémie.

 

Le Maire doit-il agir alors que le Gouvernement a laissé les marchés ouverts ?

 

L’abstention du Gouvernement ne fait pas obstacle à l’intervention des Maires au niveau local. En effet, selon un principe affirmé de longue date, que le Conseil d’Etat rappelle d’ailleurs dans l’ordonnance précitée, l’intervention d’une autorité de police générale ou spéciale supérieure, au cas présent le Ministre de la santé et le Premier Ministre, n’exclut pas celle d’une autorité de police générale inférieure, telle que le Maire. La condition classique est que les mesures ordonnées par l’autorité locale ne peuvent qu’aggraver les prescriptions édictées par l’Etat et qu’un intérêt public local doit les justifier (CE, 18/04/1902, Commune de Néris-les-Bains ; CE, 08/08/1919, Labonne). Les Maires sont donc parfaitement habilités à faire usage de leurs pouvoirs de police pour règlementer le fonctionnement des marchés alimentaires, en aggravant les mesures adoptées par le Gouvernement.

 

Plus encore, ce n’est pas une faculté qui leur est ouverte, mais une obligation qui leur est faite d’intervenir, lorsque la configuration du marché – marché de plein air dont les allées sont étroites ou étals très rapprochés par exemple – ou son mode de fonctionnement – forte affluence, formation de files d’attente – ne garantissent pas la sécurité de la population.

 

Le Conseil d’Etat, dans son ordonnance précitée, rappelle expressément cette obligation d’agir : « …les maires en vertu de leur pouvoir de police générale ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient. »

 

Une éventuelle carence dans l’usage de leurs pouvoirs de police pourrait en conséquence être reprochée aux maires et serait de nature à engager leur responsabilité personnelle. L’heure n’est certes pas encore à ce type de débat ; mais il y a fort à parier que certains auront le réflexe, le jour venu, de rechercher des responsables…

 

Quelles mesures prendre ?

 

L’intervention du Maire, qui prendra la forme d’arrêtés de police municipale, doit en toute hypothèse être adaptée aux circonstances locales. Concrètement, les mesures adoptées doivent permettre de garantir le respect des mesures de distanciation sociale nécessaires pour limiter les risques de contamination. Il s’agira donc avant tout de limiter l’affluence dans les marchés en contrôlant les accès, si nécessaire par la mise en place de barrières, de faire respecter les distances de sécurité sanitaire entre les personnes par des marquage au sol, d’espacer les stands, ou encore de règlementer les horaires d’ouverture, afin de réserver une plage horaire aux personnes les plus vulnérables (on pense en particulier aux personnes de plus de 70 ans).

 

Et si la configuration du marché ne permet pas de garantir la sécurité publique par des mesures de ce type – l’on pense notamment à certains marchés de plein air, dont les allées étroites ne permettent pas d’assurer le respect des distances de sécurité sanitaire – c’est alors un arrêté de fermeture temporaire du marché qui devra être adopté. Au regard de la situation sanitaire actuelle, une telle mesure, limitée dans le temps, si elle est dictée par la configuration du marché et les moyens dont dispose le maire, pourrait bien être la seule proportionnée au danger que représente la propagation de l’épidémie de coronavirus. Tout sera affaire de nuance et de proportion, au regard des circonstances locales.

 

Et le concessionnaire ?

 

Enfin, le pouvoir de police ne pouvant être délégué par contrat, le Maire ne saurait se reposer sur le concessionnaire du marché pour adopter les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la salubrité publique. Il peut en revanche compter sur ce dernier pour mettre en œuvre les mesures pratiques (disposition des étals, écarts, limitation des accès…). Il appartient en outre au Maire, une fois les mesures de police édictées, de faire son possible pour que celles-ci soient respectées, y compris en mobilisant la police municipale et le cas échéant, les agents chargés du contrôle du marché. Il n’est pas exclu que le concessionnaire du marché, s’il existe, tente ensuite de revendiquer une indemnisation à raison du manque à gagner qu’il pourrait subir. Les termes du contrat seront alors déterminants pour examiner si une indemnisation est due. Mais il faut être clair : en aucun cas ces considérations financières ne doivent entrer en ligne de compte alors que la sécurité des personnes est en jeu.

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