La volonté manifestée par plusieurs présidents de région d’intervenir dans la campagne de vaccination contre le covid-19, non pas seulement par un appui logistique, mais directement par l’achat de doses de vaccin et l’organisation de la vaccination sur leur territoire, pose la question du fondement juridique d’une telle intervention.
En effet, depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République (dite loi NOTRe), qui a supprimé la clause générale de compétence pour les départements et les régions, ces dernières disposent de compétences limitativement énumérées. Or en matière de santé publique ces compétences sont modestes, de sorte que la capacité d’action des régions en ce domaine est particulièrement restreinte.
Certes l’article L. 4221-1 du Code Général des Collectivités Territoriales prévoit que le conseil régional est compétent pour « promouvoir » le développement sanitaire de la région. Par ailleurs, l’article L. 1424-1 du Code de la santé publique dispose que « le conseil régional peut définir des objectifs particuliers à la région en matière de santé. Il élabore et met en œuvre les actions régionales correspondantes ». Néanmoins, ce même texte précise bien que cette intervention s’inscrit « dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par l’article L. 4221-1 ». Ce qui limite la marge de manœuvre des régions aux actions de promotion du développement sanitaire. Il n’est pas certain que ce fondement juridique serait suffisamment solide pour habiliter les régions à organiser une campagne de vaccination.
Ce d’autant moins que depuis 2004 le législateur a clairement manifesté la volonté de recentraliser la compétence vaccinale au niveau étatique. La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ainsi opéré un transfert à l’Etat de la responsabilité des campagnes de prévention et de lutte contre les grandes maladies, qui était auparavant partagée avec le département. Et dans ce même mouvement, la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique (article 11) a posé à l’article L. 3111-1 du Code de la santé publique le principe de la compétence du Ministre chargé de la santé pour définir la politique vaccinale.
Dans ces conditions, une intervention de la région sur le seul fondement des articles L. 4221-1 du Code Général des Collectivités Territoriales et L. 1421-1 du Code de la santé publique serait juridiquement fragile. A cela s’ajoute que les juridictions administratives n’ont jusqu’à présent guère été favorables aux initiatives locales dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, ainsi que l’a notamment illustré la décision du Conseil d’Etat Ville de Sceaux du 17 avril 2020. Dans cette affaire, en effet, la Haute Juridiction a suspendu un arrêté municipal imposant le port du masque sur l’ensemble du territoire communal, après avoir relevé la nécessité de ne pas « compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale » et le risque de « nuire à la cohérence des mesures prises, dans l’intérêt de la santé publique, par les autorités sanitaires compétentes ». Il ne peut être exclu qu’une approche similaire prévale en matière de vaccinale, en particulier pour éviter d’alimenter une concurrence dans l’achat des vaccins.
Faut-il pour autant en conclure que l’Etat bénéficierait d’un monopole en matière de vaccination, en particulier dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19 ? Assurément non. Le décret n° 2020-1691 du 25 décembre 2020 modifiant les décrets prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne prévoit rien de tel, son article 1er prévoyant seulement la centralisation de la compétence d’achat des vaccins au niveau de l’Agence Nationale de Santé. Mais surtout, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ouvert à l’ensemble des collectivités territoriales la possibilité d’exercer des activités en matière de prévention vaccinale, à la condition de signer une convention avec l’Etat. Cette possibilité figure à l’article L. 3111-11 du Code de la santé publique, qui fixe le contenu minimal de cette convention, dont, en particulier, les subventions versées par l’Etat pour l’exercice de cette compétence.
Par conséquent, une intervention des régions, mais également d’autres collectivités, dans la campagne de vaccination contre le covid-19 serait envisageable dans le cadre d’un tel dispositif conventionnel. Celui devrait être mis en place au niveau des Agences Régionales de Santé, compétentes pour mettre en œuvre la politique sanitaire de l’Etat au niveau local.