Depuis des décennies, la Terra dei Fuochi, située près de Naples en Italie, souffre d’une importante pollution aux métaux lourds, à l’origine d’une augmentation du nombre de cancers, provoquée par le déversement, l’enfouissement et l’incinération illégaux de déchets, sur des terrains privés, par des groupes criminels organisés.
Face à l’inaction de l’État italien, 41 habitants de la Campanie et 5 associations ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme, en se prévalant d’une méconnaissance des articles 2 (droit à la vie) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la CEDH.
Après avoir admis l’existence d’un risque imminent, « suffisamment grave, véritable et vérifiable pour la vie », la Cour retient que les autorités italiennes n’ont pas réagi avec la diligence et la célérité requises par la gravité de la situation, alors qu’elles étaient informées des pollutions et des risques pour la santé des habitants de la région.
Autrement dit, l’État n’a pas fait tout ce qu’il était tenu de faire pour protéger la vie des requérants.
Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 2 de la Convention.
Sous l’angle de l’article 46, elle applique, ensuite, la procédure de l’arrêt pilote, en donnant deux ans à l’Italie pour élaborer une stratégie globale destinée à remédier à la pollution de la Terra dei Fuochi, mettre en place un mécanisme de suivi indépendant, et créer une plateforme d’information du public.
Enfin, la Cour apporte d’utiles précisions sur la qualité pour agir des associations :
– Tout en reconnaissant leur rôle essentiel dans la dénonciation des pollutions, elle estime que les associations ne sont pas directement affectées par la violation des droits garantis par la Convention, qui résulte d’un danger pour la vie et la santé, et ne peut affecter que des personnes physiques ;
– Même si les membres des associations résidaient dans des zones touchées par les pollutions, l’arrêt retient qu’ils auraient dû saisir la Cour de façon individuelle, dès lors qu’ils n’étaient pas dans l’incapacité de déposer une requête en leur nom propre ;
– Enfin, la Cour considère qu’aucune circonstance « exceptionnelle » ou « spéciale » ne permettait, en l’espèce, de reconnaître la qualité pour agir des associations au nom de leurs membres. Elle s’écarte ainsi de la solution retenue dans l’arrêt « Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres c. Suisse » du 9 avril 2024, dans lequel elle avait admis, dans le contexte spécifique du changement climatique, la possibilité pour une association d’introduire une requête au nom des individus concernés, sous certaines conditions.
Cour EDH, 30 janvier 2025, Cannavacciuolo et autres c. Italie,
aff. n° 51567/14 et al. : https://hudoc.echr.coe.int/eng#{%22itemid%22:[%22001-241395%22]}