L’on sait qu’une Commune (ou l’EPCI compétent en matière de PLU) peut exercer les droits reconnus à la partie civile (cf art. L. 480-1 et L. 610-1 du Code de l’urbanisme). Elle n’a, dans ce cadre, pas besoin de démontrer l’existence d’un préjudice direct pour se constituer partie civile (Crim, 9 avril 2002, n° 01-82.687). Le préjudice subi conduira en général la Commune à solliciter, au titre de l’action civile, la remise en état des lieux ou, en fonction des travaux irréguliers réalisés, la démolition des ouvrages édifiés.
L’on sait aussi qu’une telle mesure de restitution peut être ordonnée par le Tribunal en application de l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme.
La décision rendue le 8 décembre 2020 par la chambre criminelle de la Cour de cassation admet, pour la première fois, qu’une mesure de remise en état soit ordonnée cumulativement au titre de l’action publique et au titre de l’action civile (Crim., 8 décembre 2020, n° 19-84.245).
En fait, il avait été constaté dans un domaine situé à Grasse la réalisation de travaux ayant abouti à la réalisation d’un ensemble commercial destiné à l’organisation de réceptions, situé en zone NA du POS de la commune alors que le règlement de cette zone n’autorisait que l’extension et l’aménagement des constructions existantes ainsi que l’extension des constructions liées à une exploitation agricole.
En première instance, les prévenus ont été déclarés coupable des délits d’exécution de travaux sans permis de construire, de violation du POS et de poursuite de travaux malgré plusieurs arrêtés interruptifs de travaux.
Un appel avait été formé par toutes les parties, et notamment par les parties civiles, dont les demandes de remise en état avaient été écartées.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré dans son arrêt du 25 mars 2019 que, s’agissant des demandes de remise en état au titre des réparations civiles, « (…) il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande de remise en état au titre des dispositions civiles dès lors qu’elle a déjà été prononcée sur l’action publique et le jugement sera confirmé en ce qu’il n’a pas accueilli cette prétention ».
Cette analyse a été censurée.
La Chambre criminelle, au visa des articles 593 du Code de procédure pénale et 1240 du Code civil a considéré, après avoir rappelé d’une part, que « tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence » et, d’autre part, que « le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties » que :
« 35. Pour rejeter la demande de remise en état formée par M. et Mme X… et Mme Z… au titre de l’action civile , l’arrêt relève qu’ il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande dès lors que la mesure a déjà été prononcée sur l’action publique.
- En statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
- En premier lieu aucune disposition du code de l’urbanisme ne s’oppose à ce que la remise en état soit ordonnée cumulativement au titre de l’action publique et au titre de l’action civile.
- En deuxième lieu, la demande de remise en état n’était pas sollicitée à titre de mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite, mais à titre de réparation du préjudice subi par les parties civiles dans les motifs de leurs conclusions d’appel.
- La cassation est encourue ».
Autrement posé, il est parfaitement possible pour un Juge d’ordonner une mesure de démolition au titre de l’action publique et de faire droit à la même demande au titre de l’action civile.
Comme le résume la lettre de la Chambre criminelle (n° 5, Décembre 2020) , en matière de remise en état des lieux : « deux fois valent mieux qu’une » !
Voici l’analyse mise en ligne par la Cour de cassation :
« Lorsqu’une construction a été édifiée en infraction aux règles d’urbanisme, par exemple sans autorisation dans une zone d’espace naturel protégé ou présentant des risques d’incendie, sa démolition permet de redonner aux lieux leur aspect d’origine et de prévenir tout danger. Le juge peut ordonner cette mesure pour faire cesser la situation illicite. De son côté, la victime de l’infraction, par exemple une personne dont le cadre de vie a été bouleversé par la construction, peut aussi la demander, en réparation du préjudice qu’elle subit.
Lorsque le juge a déjà prononcé cette mesure, peut-il encore faire droit à cette demande ? Oui, le cumul est autorisé car les fondements sont différents : il s’agit, dans un cas, d’une mesure d’intérêt général ; dans l’autre, de réparer le préjudice personnel causé à une victime qui peut prétendre à une réparation intégrale. La victime bénéficie ainsi d’un droit à l’exécution forcée de la mesure de nature à lui permettre de s’assurer de sa réalisation effective ».