Durée excessive d’un contentieux et indemnisation d’une commune

Dans cet arrêt du 1er mars dernier, la durée excessive du contentieux sur une délibération de déclassement, avait conduit la commune à demander la condamnation de l’État à l’indemniser des préjudices qu’elle estimait avoir subi. Le Conseil d’État précise ici ce qu'il admet ou non à ce titre.

Jurisprudence 13 mars 2024

Par un arrêt du 1er mars dernier, le Conseil d’État a condamné l’État à dédommager une collectivité territoriale (en l’espèce la Commune de l’Haÿ-les-Roses) pour le préjudice né du fait de la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement (CE, 1 mars 2024, n°488693, Inédit au recueil Lebon).

La Commune avait, par une délibération de septembre 2020, prononcé le déclassement immédiat du domaine public d’une parcelle et décidé de sa désaffectation. Saisi par une association en novembre de la même année d’un recours pour excès de pouvoir, le Tribunal administratif s’est finalement prononcé – rejetant la requête – en décembre 2023. La Commune aura donc eu à patienter trois ans et vingt-deux jours.

La Commune demandait donc à la Haute juridiction la condamnation de l’État à l’indemniser des préjudices qu’elle estime avoir subi en raison de la durée excessive de cette procédure.

En effet, depuis l’arrêt d’Assemblée Garde des sceaux, ministre de la Justice c/ Magiera, (CE, 28 juin 2002, n°239775) il est possible d’engager la responsabilité de l’État du fait du fonctionnement du service public de la justice administrative. Cette décision a fondé l’obligation de statuer dans un délai raisonnable sur les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives.

Citant ce fondement, le Conseil d’État rappelle dans son considérant n°2 qu’il “résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l’issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect.”

Partant, “lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation de l’ensemble des dommages, tant matériels que moraux, directs et certains, ainsi causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice.

Afin d’apprécier le caractère raisonnable – ou non – du délai de jugement d’une affaire, le Conseil d’État se prête à une appréciation globale, d’une part et, concrète, d’autre part.

Est notamment pris en compte au titre de l’appréciation globale l’exercice des voies de recours, particulières à chaque instance.

Au titre de l’appréciation concrète sont notamment pris en compte la “complexité de l’affaire, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci,  mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l’intérêt qu’il peut y avoir, pour l’une ou l’autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu’il soit tranché rapidement.”

Cet élément a notamment conduit le Conseil d’État à considérer un délai de près de sept ans et trois mois comme un délai raisonnable. En effet, il résultait de l’instruction que “le comportement de M. D… durant l’instruction de sa demande et de sa requête d’appel a contribué à l’allongement de la durée de ces procédures, dès lors qu’en première instance, il n’a produit son mémoire en réplique que deux ans après l’introduction de sa demande et qu’en appel, il a sollicité et obtenu un délai supplémentaire de six mois pour produire un nouveau mémoire.” (CE, 14 mars 2022, n°478257, Inédit au recueil Lebon).

La Haute Juridiction termine son considérant en précisant que “lorsque la durée globale du jugement n’a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l’État est néanmoins susceptible d’être engagée si la durée de l’une des instances a, par elle-même, revêtu une durée excessive.”

 

En l’espèce, la Commune n’obtient pas dédommagement de son préjudice matériel au motif que les sommes alléguées ont été engagées avant que la procédure en cours devant le TA ait excédé le délai raisonnable de jugement (un peu moins de deux ans).

Elle obtient cependant 1000 euros en réparation de son préjudice moral lié à une situation prolongée d’incertitude, alors que la délibération en cause s’inscrit dans le cadre d’un projet d’aménagement destiné à renforcer l’attractivité de son centre-ville.

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