L’incompétence du Maire pour signer un contrat de droit privé ne peut, pour la Cour de cassation, être régularisée

Jurisprudence 12 mars 2019

Depuis 2009 et la décision Commune de Béziers (CE, Ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802, publié au Rec.), l’office du Juge administratif, lorsqu’il est saisi, par les parties à un contrat administratif, d’un recours de pleine juridiction contestant la validité ou les conditions d’exécution du contrat, a été redéfini.

En premier lieu, la Haute assemblée a posé en principe que les parties à un contrat pouvaient, saisir le juge administratif d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Dans ce cadre, le Conseil d’Etat a consacré l’exigence de loyauté des relations contractuelles, en jugeant que toute partie au contrat ne pouvait pas se prévaloir de toute irrégularité. Il revient donc au juge de vérifier que les irrégularités dont se prévaut le requérant sont de celles qu’il peut invoquer, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles.

En second lieu, l’assemblée du contentieux a précisé l’office du juge lorsqu’il est saisi, par une partie au contrat, d’un litige relatif à son exécution. Il lui incombe alors, en principe, de faire application du contrat, eu égard, là encore, à l’exigence de loyauté des relations contractuelles. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat.

En application de ces principes, si « l’incompétence du maire pour signer un contrat en l’absence d’habilitation du conseil municipal constitue un vice d’une particulière gravité affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement », il a, par exemple, été jugé, dans la foulée de la décision Commune de Béziers, que ce vice ne permet pas d’écarter l’application du contrat liant une Commune à son cocontractant dès lors, d’une part, que « ce vice a été régularisé postérieurement à la signature du marché par une délibération du conseil municipal » et, d’autre part, qu’ « eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, un cocontractant ne peut, pour écarter un contrat, utilement se prévaloir des irrégularités qui lui sont imputables » (CAA Bordeaux, 11 mars 2010, Commune de Baie-Mahault, n° 08BX02268).

Ces principes, désormais bien établis (voir par exemple, comme dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, pour l’absence d’autorisation préalable donnée par l’assemblée délibérante à la signature du contrat par le maire qui n’a pas été jugé dirimante : CE, 8 octobre 2014, Entraigues-sur-la-Sorgue, n° 370588), avaient manifestement inspiré la Cour d’appel de Versailles, appelé à trancher un litige entre une Commun et une banque. A grands traits, la Commune, estimant que le Maire n’avait pas été régulièrement habilité par le Conseil municipal à conclure des contrats de prêts avait assigné la banque en annulation de ces contrats.

La cour d’appel de Versailles, pour rejeter les demandes de la commune, après avoir retenu que la délibération du conseil municipal n’avait pas valablement opéré délégation de compétence au maire pour conclure les emprunts litigieux, énonce que les dispositions de l’article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales ne constituent pas des règles d’ordre public dont l’inobservation entraîne la nullité absolue des contrats puis relève diverses circonstances, qu’il décrit, établissant que le conseil municipal a donné son accord a posteriori à la conclusion des contrats litigieux et en déduit qu’eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, le vice résultant de l’absence d’autorisation préalable à la signature des contrats ne peut être regardé comme suffisamment grave pour justifier leur annulation.

La solution retenue par la Cour d’appel était, à l’évidence, marquée par le pragmatisme qui caractérise désormais la Jurisprudence administrative (notamment en matière de régularisation, voir en matière de régularisation d’un vice propre à l’acte détachable d’un contrat, affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement : CE, 8 juin 2011, Commune de Divonne-les-Bains, n°327515).

Cet arrêt est toutefois cassé par la chambre commerciale de la Cour de cassation au visa des articles 1108 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018.

Pour la Cour de cassation, « en statuant ainsi, alors que la méconnaissance des dispositions d’ordre public relatives à la compétence de l’autorité signataire d’un contrat de droit privé conclu au nom d’une commune est sanctionnée par la nullité absolue, laquelle ne peut être couverte par la confirmation du contrat, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (Cass. Com., 6 mars 2019, n° 16-25.117, publié au Bulletin).

L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles.

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