Maîtriser les contours du permis de construire modificatif

Nos publications 2 septembre 2018

Méthode publiée dans l’hebdomadaire La Gazette des communes du 9 juillet 2018

Construction prétorienne : C’est le juge administratif qui, au fil de sa jurisprudence, a progressivement dégagé le régime du permis de construire modificatif.

Stratégie contentieuse : Un permis de construire modificatif permet de purger un vice de forme, de procédure ou de fond. Il devient alors une stratégie contentieuse élaborée de concert avec l’administration.

Régularisation : Le permis modificatif est de plus en plus délivré à la demande du juge, à des fins de régularisation. Il s’éloigne de ce fait du régime du permis modificatif de droit commun.

1 – Connaître le régime du permis de construire modificatif

Longtemps ignoré par le code de l’urbanisme, le permis modificatif a vu son régime fixé de manière prétorienne par le juge.

Concrètement, pour qu’un permis de construire modificatif puisse être délivré, le permis de construire « initial » devra être en cours de validité, les travaux qu’il a autorisés ne pas avoir été achevés et, enfin, les changements opérés ne pas remettre en cause la conception générale du projet (étant précisé que des modifications pourront porter, le cas échéant, sur des éléments relatifs à l’implantation, les dimensions, l’apparence ou la hauteur de la construction projetée).

La notion de « modificatif » est donc importante. En effet, toute demande excédant les caractéristiques d’un simple permis modificatif requiert le dépôt d’une nouvelle demande de permis (et non pas seulement une demande modificative).

A titre d’illustration a été regardé comme étant un permis nouveau, alors même que le maire l’avait qualifié de permis modificatif, un permis comportant une surélévation d’un bâtiment et d’importantes modifications de l’aspect de la façade dudit bâtiment. Dans la même veine, a été qualifié de permis nouveau, « compte tenu des modifications envisagées », un projet portant sur la surélévation d’un étage du bâtiment, la hauteur passant de 9,05 mètres à 10,70 mètres et la surface de plancher étant portée de 484 mètres carrés à 704 mètres carrés.

Inversement constitue une simple demande modificative l’implantation d’une construction à 13 mètres de la limite de la voie publique, au lieu des 15 mètres initialement prévus. Même s’il ne s’agit pas d’une règle absolue, le juge administratif est plus souple quand la « voilure » du projet diminue.

2 – Comprendre l’intérêt du permis de construire modificatif

L’intérêt du recours au permis de construire modificatif est d’abord pratique. Par ce biais, le titulaire du permis de construire initial pourra procéder à certains ajustements de son projet, afin de le faire évoluer (pour tenir compte, par exemple, des discussions engagées avec des voisins ou d’éventuelles difficultés de commercialisation) sans pour autant avoir à solliciter l’octroi d’un nouveau permis.

Plus encore, la modification pourra être demandée par le pétitionnaire soucieux de « corriger le tir », lorsqu’il se rendra compte, par exemple, que son projet méconnaît les dispositions relatives à l’utilisation du sol ou que les formes et les formalités préalables à sa délivrance n’ont pas été scrupuleusement respectées.

Depuis 2004 et la jurisprudence « Fontaine de Villiers » (CE, 2 février 2004, req. n° 238315), le juge considère de manière constante que l’illégalité ainsi identifiée « peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ».

Autrement posé, le juge estimera que ces irrégularités ne peuvent plus être invoquées à l’appui d’un recours dirigé contre le permis initial, celles-ci étant considérées comme étant désormais « inopérantes ». Dans ce cadre, le permis modificatif est souvent le fruit d’une stratégie contentieuse, élaborée de concert avec l’administration, qui doit défendre son acte.


A noter : L’intérêt du recours au permis de construire modification est d’abord pratique. C’est par ce biais que le titulaire du permis de construire initial pourra procéder à certains ajustements de son projet.


3 – Connaître les nouvelles possibilités de régularisation

Au-delà de la demande de permis modificatif effectuée spontanément par le pétitionnaire, le législateur a mis en place, depuis quelques années, une véritable politique de « régularisation » du permis de construire qu’il a placée sous l’égide du juge.

C’est ainsi, d’abord, que l’article L.600-5 du code de l’urbanisme permet au juge de pouvoir procéder à l’annulation partielle d’un permis de construire dans le cas où l’illégalité porte sur un élément divisible du projet ou affecte une partie identifiable dudit projet susceptible d’être régularisée par un permis modificatif (sans pour autant exiger que la partie du projet affectée par le vice soit matériellement détachable du reste du projet).

Mais c’est surtout l’article L.600-5-1 du même code qui a marqué un véritable renouveau du permis de construire modificatif. En effet, cet article offre au juge la faculté de surseoir à statuer pour permettre au pétitionnaire de régulariser son projet par la délivrance d’un permis de construire modificatif. En d’autres termes, le juge prend, dans ce cadre, l’initiative de la régularisation en lieu et place du pétitionnaire qui n’y avait pas spontanément songé (ou qui estimait, à tort, que la critique des requérants ne menaçait pas son projet).

Le procès reprendra après la notification du permis modificatif au juge (dans le délai qu’il aura précisé) : si le vice relevé est régularisé, la requête en annulation sera rejetée. Inversement, si aucun permis modificatif n’est notifié dans le délai imparti ou si le permis modificatif délivré n’est pas efficace, le permis de construire initial sera annulé.

4 – Appréhender les spécificités du permis de construire modificatif de régularisation

Depuis sa mise en place en 2013, l’on assiste progressivement à la construction d’un régime juridique spécifique au permis de construire modificatif de régularisation, issu de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme.

Opérant une distinction avec le régime du permis de construire modificatif classique, le Conseil d’Etat a ainsi jugé, dans le cadre de la mise en œuvre du sursis à statuer prévu à cet article, que les requérants étaient tenus de contester le permis de construire modificatif délivré en cours d’instance dans le cadre de cette action uniquement (et qu’ils n’étaient donc pas recevables à présenter une requête distincte tendant à l’annulation de ce permis modificatif devant le tribunal administratif en principe compétent).

Il en ira simplement différemment s’agissant des tiers à l’instance initiale qui, n’étant pas partie à ladite instance initiale, conserveront la possibilité de former un recours à l’encontre du permis de construire modificatif. Egalement révélateur de l’avènement d’un régime spécifique au permis prévu à l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a estimé que ledit permis de régularisation pouvait légalement être délivré, même si, à cette date, les travaux autorisés par le permis initial étaient achevés.

Désormais, donc, le régime du permis de construire modificatif de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme semble s’éloigner de celui du permis modificatif de droit commun.

5 – Instruire une demande de permis modificatif 

En principe, les modalités d’instruction valent non seulement pour la demande de permis de construire présentée initialement par le pétitionnaire, mais aussi pour toute demande modificative qui sera présentée ultérieurement. Pour autant, faut-il reprendre l’intégralité des formalités prévues ?

La réponse à cette question dépendra, de fait, de la consistance des modifications opérées. En effet, dès lors que le permis modificatif portera sur des éléments du projet qui ont déjà donné lieu à un avis (l’on pense par exemple à un avis de l’architecte des Bâtiments de France), un nouvel avis sera naturellement requis. A l’inverse, s’il apparaît que la modification ne concerne pas une autorité qui a précédemment donné son avis, il est inutile de la saisir à nouveau.

S’agissant plus spécifiquement du contenu du dossier de permis de construire modificatif, le Conseil d’Etat juge de manière constante que si le dépôt d’une demande de modification d’un précédent permis de construire nécessite bien une instruction réglementaire, celle-ci ne doit porter que sur les éléments faisant l’objet de la demande de modification.

Par ailleurs, une demande de permis de construire modificatif doit être instruite au regard des dispositions en vigueur à la date de sa délivrance et non à la date de délivrance du permis de construire initial avec lequel il est lié (sauf application d’un mécanisme de cristallisation, comme par exemple dans le cadre d’un lotissement).

Il peut donc arriver qu’entre la date de délivrance du premier et la date de délivrance du second, les règles d’urbanisme aient favorablement évolué, permettant, le cas échéant, à un projet initialement illégal de devenir conforme avec la dernière version du document d’urbanisme applicable.

Dans ce cas, la régularisation pourra intervenir par l’effet d’un permis modificatif, sans même qu’il soit besoin de modifier le projet. Si, inversement, la règle locale d’urbanisme a défavorablement évolué, l’administration ne pourra refuser le permis modificatif sollicité que lorsque les modifications opérées au projet portent à la nouvelle réglementation une atteinte supplémentaire par rapport à celle résultant du permis initial.

Philippe PEYNET – avocat associé

Antoine PETIT DIT CHAGUET – avocat collaborateur

 

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