DSP : Les délégations de service public (DSP) sont des « concessions » conclues dans le respect des règles du Code général des collectivités territoriales. Estimation : L’estimation du montant de la délégation à conclure est déterminante pour la mise en œuvre de la procédure de passation. Encadrement : Ensuite de la réforme, les règles procédurales de passation des DSP se rapprochent de celles des marchés publics.
01 – Mesurer l’intérêt de bien évaluer le montant de la délégation.
Avec la définition des besoins, l’estimation du montant de la future délégation de service public (DSP) constitue le préalable indispensable au lancement de la procédure de passation. De cette juste estimation dépendent des options procédurales, il ne faut donc pas la négliger. La méthode d’évaluation est fixée à l’article 7 du décret n°2016-86 du 1er février 2016. Concrètement il s’agit du chiffre d’affaires généré par la convention qu’il convient de prendre en compte. Une liste non exhaustive est ainsi fournie à cet article (recettes sur les usagers, valeur des subventions à percevoir, prime pour la remise des offres…).
Il s’agit ici d’une nouveauté qui marque un rapprochement avec la réglementation des marchés publics. Le temps de l’estimation ne doit pas être négligé car les enjeux sont importants. Sauf en matière d’eau et de transport, le montant de la DSP emportera en effet des conséquences sur la procédure et la publicité à mettre en œuvre en fonction du franchissement du seuil de 5 225 000 euros HT. Au-delà de ce seuil il faut respecter les exigences fixées par le droit européen (délai de procédure, hiérarchisation des critères, contraintes de transparence…).
Par ailleurs, en principe, ces DSP d’un montant important sont désormais soumises à une contrainte de publication au JOUE selon un format européen ou un format national uniquement pour les services sociaux ou spécifiques mentionnés dans l’avis du 27 mars 2016 (avec publication complémentaire au BOAMP ou dans un journal d’annonces légales). Les DSP relevant de secteurs spécifiques ou en deçà du seuil donneront lieu à l’établissement d’un avis propre au droit interne, conforme à l’arrêté du 21 mars 2016, publié au BOAMP ou dans un journal d’annonces légales.
Il faut avoir à l’esprit que le franchissement éventuel du seuil européen cumulé à un pourcentage d’erreur de plus de 20 % entre l’évaluation et le montant effectif implique une relance de la procédure de consultation.
A noter : Les DSP relatives à l’eau potable, à l’assainissement et aux ordures ménagères ne peuvent en principe et comme auparavant, durer plus de vingt ans.
02 – Ne pas omettre les formalités résultant du code général des collectivités territoriales.
Outre l’ordonnance du 29 janvier 2016 et son décret d’application du 1er février 2016, les DSP doivent respecter les dispositions prévues aux articles L.1411-4 et suivants du CGCT. L’article L.1411-4 du code maintient l’obligation de recueillir l’avis de la commission consultative des services publics locaux ainsi que le vote de l’organe délibérant sur le principe du recours à la DSP. Cette approbation de principe s’appuie sur un rapport de présentation contenant les caractéristiques des prestations à assurer par le futur délégataire (L.1411-19).
La Commission d’ouverture des plis, dont la composition est alignée sur celle de la commission d’appel d’offres (L.1411-5), joue toujours un rôle important en termes d’admission des candidats. Elle demeure l’organe compétent pour dresser la liste des opérateurs admis à soumissionner. Et la réforme maintient son rôle en matière d’avis sur les propositions initiales avant l’engagement des négociations. Dans un délai d’au moins deux mois à compter de la saisine de cette commission, l’assemblée délibérante devra se prononcer à la fois sur le choix du délégataire et sur le contenu contrat de délégation. A cette fin, les documents fondant le choix du délégataire et la convention en cause devront lui être transmis dans un délai minimum de quinze jours (L.1411-7).
Enfin, l’autorité territoriale compétente devra transmettre au représentant de l’Etat, pour un contrôle de légalité, la convention de délégation de service publique dans un délai de quinze jours à compter de sa signature (L.1411-9). Le dispositif de la délibération de l’assemblée délibérante approuvant la convention devra être publié dans publication localement diffusée (L.2121-24).
03 – Réceptionner les candidatures et les offres dans les délais appropriés.
Avant la réforme, seul un délai de réception des candidatures d’un mois était clairement fixé par le texte. A la différence des marchés publics, il n’était déclenché qu’à compter de la dernière publication de l’avis. Avec la réforme, on observe globalement un alignement sur le droit des marchés publics.
Il est à présent clair qu’une procédure de délégation de service public peut donner lieu soit à la réception simultanée des candidatures et des offres, soit à la réception des candidatures puis des offres. L’autorité délégante peut aussi décider, et cela constitue une nouveauté, de limiter le nombre de candidat admis à présenter une offre : le nombre de soumissionnaires à retenir et les critères mis en œuvre devront alors être indiqués dans les documents de la consultation. Au demeurant, si l’autorité délégante reçoit moins de candidatures recevables que le minimum fixé, la procédure peut se poursuivre avec le ou les seuls candidats admissibles.
Des délais minimaux devront aussi être respectés pour les délégations dont le montant atteindra le seuil européen : 30 jours entre l’envoi (et non plus la publication) de l’avis et la réception des candidatures et éventuellement des offres. Le délai de réception des offres ne pourra être inférieur à vingt-deux jours à compter de la date d’envoi de l’invitation à présenter une offre. Ces deux délais peuvent être réduits de cinq jours si la transmission par voie électronique est admise (article 18 du décret). En deçà du seuil européen et pour les DSP à objet spécifique (cf. article 10 du décret), c’est la notion de délai raisonnable qui devra être appliquée pour les candidatures et les offres.
04 – Bien définir les critères de jugement des offres.
En matière de DSP, il n’est pas question de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse (notion relevant des marchés publics) mais la meilleure offre au regard de l’avantage économique global (article 47 de l’ordonnance). Pour atteindre cet objectif, l’autorité délégante devra se fonder sur plusieurs critères, l’usage d’un critère unique étant proscrit. Il faut relever que le critère de la qualité du service rendu aux usagers comme critère est impératif (article 27 I du décret), à l’inverse des autres critères librement choisis pour autant qu’ils soient en lien avec l’objet même de la DSP ou ses conditions d’exécution. Pour orienter l’autorité délégante, une liste non exhaustive de critères est établie à l’article 27 du décret (critères environnementaux, sociaux ou relatifs à l’innovation).
Autre évolution notable ensuite de la réforme, celle relative à la hiérarchisation des critères. Auparavant, les critères de jugement des offres devaient être annoncés dans les documents de la consultation mais leur modalité de mise en œuvre n’avait pas à être communiquée. Ce principe demeure valable pour les DSP dont le montant est inférieur au seuil européen. A l’inverse, dès lors que le montant atteint le seuil européen, il est désormais impératif non seulement d’annoncer les critères mais également de les hiérarchiser par ordre décroissant d’importance (article 27 du décret).
05 – Négocier les offres demeure une liberté procédurale.
Nonobstant la réforme, la négociation demeure le mode normal de formation d’une convention de délégation de service public. L’autorité délégante conserve, en effet, la faculté de négocier les offres reçues (il s’agit d’une simple possibilité et non d’une obligation cf. article 46 de l’ordonnance). Elle peut également limiter le nombre de soumissionnaires admis à la négociation, ce qui est différent de la limitation du nombre de candidats admis à présenter une offre. Cette sélection ne sera pas fondée sur l’arbitraire mais sur les critères de sélection des offres. On conseillera vivement d’indiquer cette faculté dans le règlement de la consultation, en prenant le soin de fixer le nombre des admis potentiels, tout comme celle de recourir à la négociation, à l’image des marchés publics.
Si l’organisation de la négociation reste à la discrétion de l’autorité délégante, la transparence et l’égalité de traitement devront être assurées. A ce titre, il est prohibé de négocier l’objet même de la délégation, ses critères d’attributions ou les caractéristiques minimales renseignées dans les documents de la consultation (article 46 de l’ordonnance). En revanche, pourront par exemple être négociés le niveau de qualité ou les conditions économiques de la DSP.
06 – Prendre conscience du renforcement des obligations de transparence.
Clairement, avec la réforme, le droit des concessions se rapproche en douceur du droit des marchés publics sur le terrain de la transparence. Une des grandes nouveautés réside dans le renforcement des obligations de transparence notamment à l’égard des candidats évincés : la notification du rejet aux candidats évincés est obligatoire et l’étendue de l’information varie en fonction du montant de la délégation. Sauf en matière d’eau et de transport, si ce montant atteint le seuil européen, la notification devra exposer les motifs du rejet de la candidature et, pour le rejet des offres, les motifs ayant conduit au choix de l’offre de l’attributaire et le nom de ce dernier. En dessous de ce seuil, l’information des candidats évincés est facultative.
A l’instar des marchés publics, un délai de suspension entre la notification du rejet et la signature de la convention (de seize jours en principe ou de onze jours en cas de transmission électronique) doit être respecté et mentionné dans la notification de rejet (article 29 du décret). Enfin, si le montant de la délégation est supérieur ou égal au seuil européen (sauf en matière d’eau et de transport), l’autorité délégante devra publier un avis d’attribution dans un délai maximal de quarante-huit jours à compter de la notification de la convention, dans des formes identiques l’avis de concession.
Références :
- Ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.
- Décret n°2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concessions.
- Code général des collectivités territoriales, articles L.1411-4 et suivants.
Bastien DAVID – Avocat collaborateur