Un article portant sur le transfert des compétences eau, assainissement et eaux pluviales urbaines, coécrit par Mounia Idrissi et Laure Deswarte a été publié par la Gazette des communes le 23 janvier 2019.
Tous les EPCI à fiscalité propre doivent, en principe, en application de la loi « Notre », être titulaires des compétences « eau » et « assainissement » au 1er janvier 2020. Toutefois, certaines communautés de communes pourront reporter le transfert des compétences « eau » et/ou « assainissement », qui interviendra alors au plus tard le 1er janvier 2026. Cette fiche méthodologique vous aidera à préparer ce transfert pour être prêts à temps.
Identifier les contours des compétences à transférer
Aujourd’hui exercées à titre obligatoire par les communautés urbaines et les métropoles, les compétences « eau » et « assainissement », que la loi « Notre » avait rendu obligatoires pour les communautés de communes et d’agglomération au 1er janvier 2020, pourront, en application de la loi du 3 août 2018, être transférées à certaines communautés de communes après cette date et au plus tard le 1er janvier 2026.
Dans ces conditions, il convient de s’interroger sur les contours de ces compétences. Le service public d’eau potable est défini par l’article L.2224-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT) comme « tout service assurant tout ou partie de la production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d’eau ».
Ce service se divise en deux types de missions. Les premières sont obligatoires et tiennent à la distribution de l’eau potable destinée à la consommation humaine. Les secondes sont facultatives et correspondent aux activités de production, de transport et de stockage de l’eau potable, exercées en amont de la mission de distribution. Le service public d’assainissement consiste quant à lui dans la collecte des eaux usées, pour procéder ensuite à leur traitement au sein d’unités d’épuration.
Ce service public connaît deux formes d’exercice : l’assainissement collectif et non collectif et comporte diverses obligations, détaillées à l’article L. 2224-8 du CGCT (élaboration d’un schéma d’assainissement collectif, contrôle des installations d’assainissement non collectif…). En outre, la loi du 3 août 2018 a modifié l’état du droit applicable « à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines » (CGCT, art. L.2226-1).
En effet, préalablement à l’intervention de cette loi, le Conseil d’Etat avait considéré, par une décision du 4 décembre 2013 (1), que cette compétence constituait une composante de la compétence « assainissement ».
Désormais, la loi du 3 août 2018 en fait une compétence à part entière, qu’il introduit explicitement dans les compétences obligatoires des métropoles (CGCT, art. L.5217-2) et des communautés urbaines (CGCT, art. L.5215-20), qu’il érige en compétence obligatoire des communautés d’agglomération au 1er janvier 2020, cette compétence restant facultative pour les communautés de communes.
Ainsi, le transfert de la compétence « assainissement » aux communautés de communes n’emportera pas nécessairement le transfert de la compétence « eaux pluviales urbaines ».
Mettre éventuellement en œuvre la faculté de report offerte à certaines communautés de communes
La loi « Notre » avait prévu le transfert obligatoire, à compter du 1er janvier 2020, des compétences « eau » et « assainissement » pour tous les établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, à fiscalité propre.
La loi du 3 août 2018 vient assouplir, pour les communautés de communes non dotées de ces compétences ou de l’ensemble d’entre elles – y compris en cas d’exercice partiel par les communautés de communes de la compétence « assainissement » (assainissement collectif ou assainissement non collectif uniquement) -, les conditions de transfert, en organisant une possibilité de report, sans remettre en cause le caractère obligatoire du transfert.
Les communes membres de ces communautés de communes pourront ainsi délibérer, jusqu’au 30 juin 2019, pour reporter au 1er janvier 2026 le transfert des compétences demeurées communales, à condition de réunir la minorité de blocage suivante : obtenir les délibérations de 25 % au moins des communes membres représentant au moins 20 % de la population intercommunale.
En cas de mise en œuvre de cette faculté de report, la communauté de communes pourra, par simple délibération prise avant le 1er janvier 2026, décider du transfert des compétences « eau » et/ou « assainissement » (collectif et/ou non collectif) dont elle ne dispose pas ; mais les communes auront encore une fois, dans un délai de trois mois à compter de l’adoption de la délibération et avec les mêmes conditions de blocage, la possibilité de s’y opposer.
Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » non détenues interviendra alors en tout état le 1er janvier 2026 au plus tard.
Tirer les conséquences des transferts sur les structures syndicales
La loi du 3 août 2018 a également assoupli les règles qui avaient été fixées par la loi « Notre » en matière d’incidence du transfert des compétences « eau » et « assainissement » sur les syndicats compétents en ces matières.
S’agissant des transferts aux communautés de communes, ils emportent automatiquement leur représentation substitution au sein de ces syndicats, sans qu’elles n’aient la possibilité, contrairement à l’état du droit antérieur, d’organiser un retrait selon une procédure dérogatoire.
Pour les communautés d’agglomération, le mécanisme de représentation substitution trouve désormais à s’appliquer aux syndicats regroupant des communes appartenant à au moins deux EPCI à fiscalité propre seulement.
Ce qui a pour conséquence d’assurer la pérennité de nombreuses structures syndicales compétentes en matières d’eau et/ou d’assainissement, en revenant ainsi sur l’objectif de réduction du nombre de syndicats affiché par les lois de réforme territoriale de ces dix dernières années.
En effet, les seuls cas de dissolution sont désormais limités aux syndicats regroupant des communes appartenant à un seul EPCI : soit en cas d’identité de périmètre entre le syndicat et l’EPCI à fiscalité propre, soit en cas d’inclusion totale du syndicat dans le périmètre de l’EPCI.
Gérer les incidences des transferts sur les biens, le personnel et les contrats
Outre, le cas échéant, les conséquences sur les structures syndicales, les EPCI à fiscalité propre devront également anticiper les conséquences du transfert de compétence(s) sur les biens, les personnels et les contrats communaux concernés. A défaut de dispositions spécifiques, les règles de droit commun trouvent à s’appliquer.
Ainsi l’article L.1321-1 du CGCT prévoit-il classiquement que les biens meubles et immeubles attachés à l’exercice d’une compétence transférée sont mis de plein droit à la disposition des communautés de communes et d’agglomération.
Le transfert des services communaux ou des parties de services chargés de la mise en œuvre de la/des compétence(s) transférée(s) s’opère quant à lui traditionnellement selon les règles fixées par l’article L.5211-4-1 du CGCT.
Par ailleurs, les communautés sont substituées au sein des contrats attachés à l’exercice de la ou des compétence(s) considérée(s), qui sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire des parties. De sorte qu’un EPCI à fiscalité propre peut se retrouver substitué à ses communes membres dans un nombre important de contrats et notamment de délégations de service public, en fonction des modes de gestion choisis par ces collectivités.
Dans ces conditions, il importe alors, sauf si la conservation de modes de gestion distincts se justifie au regard de circonstances particulières, que la communauté travaille à l’harmonisation des différents modes de gestion à l’échelle intercommunale, afin de respecter le principe d’égalité des usagers devant le service public, après les avoir recensés.
A cette fin, il peut notamment s’avérer nécessaire de résilier par anticipation certains contrats pour motif d’intérêt général (mise en place d’une nouvelle organisation du service), contre indemnisation des cocontractants concernés, pour que la communauté ait les mains libres pour conclure un contrat couvrant l’intégralité de son territoire.
Parvenir à une harmonisation des tarifs à l’échelle communautaire
Le transfert des compétences « eau » et/ou « assainissement » peut par ailleurs entraîner des différences de tarification en raison des différents modes de gestion et des différents tarifs fixés à l’échelle de chaque territoire communal avant le passage à l’échelon intercommunal. En droit, ni la loi ni le règlement n’imposent expressément d’obligation d’unification des tarifs à l’échelle du territoire communautaire, ni de délai pour ce faire.
Cela étant, afin de respecter le principe d’égalité des usagers du service public, l’instruction du 18 septembre 2017 recommande une harmonisation des tarifs dans « un délai raisonnable », étant bien évident qu’une harmonisation au jour du transfert est bien souvent impossible.
Ceci posé, même si aucun délai n’est précisément imposé aux EPCI à fiscalité propre – un délai de tolérance leur étant accordé -, des différences de situations tarifaires ne peuvent perdurer à moyen ou long terme, sauf à entrer dans une des exceptions posées par la jurisprudence « Denoyez et Chorques » (2), telles qu’une différence de situation objective entre usagers ou une nécessité d’intérêt général en rapport avec l’objet du service.
Maîtriser les règles de financement des différents services
En application de l’article L.2224-11 du CGCT, les services d’eau et d’assainissement doivent être financièrement gérés comme des services publics industriels et commerciaux. Ils sont financés par les redevances perçues sur les usagers des services. Leurs budgets, qui doivent être équilibrés en recettes et en dépenses, doivent faire l’objet d’une individualisation par le biais d’un budget annexe.
En revanche, la gestion des eaux pluviales urbaines étant un service public administratif, elle est financée par le budget général des EPCI à fiscalité propre titulaires de cette compétence et par les communes membres d’EPCI à fiscalité propre non dotés de cette compétence.
Par ailleurs, la loi du 3 août 2018 complète l’article L.1412-1 du CGCT en permettant notamment aux EPCI à fiscalité propre et syndicats mixtes titulaires des compétences qui suivent de créer une régie personnalisée unique pour l’exploitation des services publics d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales urbaines.
La mutualisation de ces services au sein d’une régie unique impose néanmoins le maintien de budgets distincts correspondant à chacun des services, afin d’individualiser leur gestion budgétaire.
Références
- Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « Notre »
- Loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes
Notes
Note 01 CE, 4 décembre 2013 req. n° 349614
Note 02 CE, 10 mai 1974, req. n° 88032