Travaux publics en exécution d’un contrat de droit privé

Qui du juge judiciaire ou du juge administratif est compétent en cas de mauvaise exécution ou d'inexécution ?

Jurisprudence 10 juillet 2024

Le 17 juin dernier, le Tribunal des conflits a rendu deux décisions apportant des précisions sur la compétence juridictionnelle en matière de travaux publics en exécution d’un contrat de droit privé.

Tribunal des Conflits, 17/06/2024, C4302, Publié au recueil Lebon :

Dans cette première décision, une Commune a projeté la construction d’un lotissement sur un terrain dépendant de son domaine privé. Partant, elle a conclu un marché public avec une société pour l’aménagement de ce lotissement.

Un couple a acquis auprès de la commune une parcelle au sein du lotissement afin d’y réaliser une maison d’habitation.

Toutefois, de fortes pluies ont inondé la parcelle. Ces évènements ont entraîné des travaux supplémentaires ainsi que l’achat de matériaux dans des quantités supérieures à celles initialement requises. Les propriétaires de la parcelle ont alors saisi le tribunal administratif d’une demande tendant à la condamnation de la Commune et de la société à leur verser la somme de 3 498,43 euros en réparation de leur préjudice matériel.

Le tribunal administratif, estimant que les questions de compétence posées par les conclusions soulevaient une difficulté sérieuse mettant en jeu la séparation des ordres de juridictions, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de les trancher.

Ainsi saisi, le Tribunal des conflits juge que :

« S’il appartient à la juridiction administrative de statuer sur les actions en responsabilité dirigées par la victime, qu’elle ait la qualité de participant, d’usager ou de tiers, à l’encontre du maître de l’ouvrage ou des participants à l’exécution des travaux publics, il en va différemment lorsque le fondement de l’action engagée par la victime d’un dommage survenu à l’occasion de l’exécution de travaux publics réside dans un contrat de droit privé.

En effet, lorsqu’une personne privée est liée à une personne publique par un contrat, elle ne peut, eu égard aux rapports juridiques qui naissent de ce contrat, exercer d’autre action en responsabilité contre cette personne publique au titre de l’inexécution ou la mauvaise exécution des obligations contractuelles que celle procédant de ce contrat, alors même que la cause du dommage résiderait dans la mauvaise réalisation ou l’absence de réalisation de travaux, prévus par ce contrat, qui revêtent par ailleurs le caractère de travaux publics. »

Partant, les conclusions des requérants dirigées contre la Commune, tendant à la réparation d’un dommage consécutif à l’inexécution d’une obligation résultant d’un contrat de droit privé, relèvent de la compétence du juge judiciaire.

A l’inverse, les conclusions des requérants dirigées contre la société, tendant à la réparation d’un dommage résultant de l’exécution de travaux publics, résultent de la compétence du juge administratif.

Tribunal des Conflits, 17/06/2024, C4306, Publié au recueil Lebon :

Dans cette affaire, un couple a acquis une propriété auprès d’une Communauté d’agglomération (CA). L’acte de vente prévoyait que la CA devait réaliser et prendre en charge certains travaux.

Estimant qu’une partie de ces travaux n’avaient pas été exécutés dans les règles de l’art et que d’autres n’avaient pas été réalisés, le couple a assigné la CA devant le tribunal de grande instance.

Le juge de la mise en l’état a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître au motif que les travaux en cause revêtaient le caractère de travaux publics et que, par suite, seules les juridictions de l’ordre administratif étaient compétentes.

Les requérants ont alors saisi le tribunal administratif. Celui-ci a sursis à statuer et saisi le Tribunal des conflits de la question de l’ordre de juridiction compétent pour connaître du litige.

Le Tribunal des conflits commence par rappeler le considérant précité et ajoute que :

« Le contrat par lequel une personne publique cède des biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé, sauf si ce contrat a pour objet l’exécution d’un service public ou s’il comporte des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. »

Dès lors, l’acte de vente par lequel la CA a cédé aux requérants un terrain faisant partie de son domaine privé n’a pas pour objet l’exécution d’un service public. Si ce contrat comporte une clause mettant à la charge de la CA certains travaux, celle-ci n’a pas fait naître entre les parties des droits et obligations étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales.

La circonstance que les travaux ainsi prévus, réalisés pour une collectivité publique dans un but d’intérêt général, présentent par ailleurs le caractère de travaux publics n’est pas davantage de nature à conférer au contrat un caractère administratif.

L’action en responsabilité procède par suite de la mauvaise exécution ou de l’inexécution d’un contrat de droit privé. Il en résulte qu’il appartient à la juridiction judiciaire de connaître du litige.

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