Par une ordonnance rendue le 18 janvier 2017, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a ordonné la suspension de l’exécution d’une convention en date du 9 juin 2016 conclue conjointement entre la commune d’Aix-en-Provence et la SEMEPA, par laquelle les parties sont convenues de la résiliation anticipée des conventions de délégation de service public attribuées à la SEMEPA pour l’exploitation des huit parcs de stationnement du centre ville et du transfert de la propriété de ces parcs de stationnement à la SEMEPA.
Pour parvenir à cette solution, le juge des référés a estimé que deux des moyens soulevés par le Préfet des Bouches-Du-Rhône dans le cadre de son déféré préfectoral étaient de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la validité de la convention du 9 juin 2016.
Un premier moyen, tiré de l’incompétence de la Commune pour signer la convention considérée, a d’abord retenu l’attention du juge. En effet, le Tribunal relève que si, par dérogation l’article L. 5217-1 du CGCT qui confère depuis le 1er janvier 2016 à la métropole d’Aix-Marseille-Provence la compétence de plein droit en matière de « création, aménagement et entretien de la voirie » et « parcs et aires de stationnement et plans de déplacements urbains », le législateur a bien prévu que ces deux compétences, qui n’avaient pas été transférées à la Communauté d’agglomération du Pays-d’Aix, continuent d’être exercées par la commune d’Aix-en-Provence, durant une phase transitoire allant jusqu’au 1er janvier 2018, ce n’est que sous réserve que cet exercice se fasse « dans les mêmes conditions » que celles définies avant le 1er janvier 2016.
Or en prévoyant, dans le cadre de la convention litigieuse en date du 9 juin 2016, la résiliation des conventions de délégation de service public conclues avec la SEMEPA et le transfert de la propriété des parcs de stationnement à cette dernière, la commune d’Aix-en-Provence a entendu modifier les conditions du fonctionnement du service public tel qu’il était organisé avant le 1er janvier 2016. A cet égard, un doute sérieux entache donc selon le juge la légalité de la convention déférée.
Le juge s’est en outre attardé sur un deuxième moyen d’illégalité de la convention litigieuse, tiré de la méconnaissance par les parties du principe d’inaliénabilité des biens du domaine public.
Aux termes de l’ordonnance, le juge rappelle à ce sujet que le seul « déclassement » du bien par la personne publique propriétaire ne suffit pas à faire sortir ce bien du domaine public s’il n’a pas été également « désaffecté ». Et le juge relève qu’en l’espèce précisément, la désaffectation des parcs de stationnement dont la propriété était vouée à être transférée à la SEMEPA faisait défaut : « qu’en l’espèce, s’il est soutenu que la désaffectation des huit parcs de stationnement du centre ville d’Aix-en-Provence, qui constituaient des équipement indispensables à l’exécution du service public du transport public relevant de la compétence obligatoire de la commune d’Aix-en-Provence, a été opérée le 20 juin 2016 et que le déclassement a été décidé le même jour, les huit parcs de stationnement, dont l’aménagement n’a pas été modifié, demeurent affectés au stationnement public et dans les mêmes conditions pour le public qu’auparavant alors que la SEMEPA en a pris possession, par anticipation dans un premier temps, et qu’elle doit, selon la convention litigieuse, en devenir à terme propriétaire », pour en conclure que « la condition de désaffectation nécessaire et préalable à la sortie des biens du domaine publique n’étant par suite pas remplie, la convention litigieuse méconnaît ainsi le principe d’inaliénabilité du domaine public ».
Ce faisant, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a donc choisi de considérer que dès lors que la convention du 9 juin 2016 prévoyait le transfert, à terme, des parcs de stationnement dans le patrimoine de la SEMEPA, les conditions de légalité de ce transfert de propriété – désaffectation du bien et déclassement – devaient être remplis à la date de sa conclusion, et non à la date de la conclusion par les parties de l’acte authentique de vente subséquent.
La solution ainsi retenue peut paraitre sur ce point sévère. Elle s’explique peut-être par la nature particulière – celui de la recherche du doute sérieux – du contrôle opéré par le juge dans le cadre du référé suspension dont il était saisi. Elle renvoie en tous cas une nouvelle fois à la question de la possibilité pour les personnes publiques de conclure des promesses synallagmatique de vente des biens de leur domaine public sous condition suspensive du déclassement et de la désaffectation ultérieure du bien, au moment de la vente effective.
Espérons qu’une réponse claire à cette problématique ancienne, mais récurrente pour les opérateurs publics, sera prochainement apportée par le gouvernement, sur le fondement de l’article 34 de la loi sapin qui l’habilite à prendre par ordonnance les mesures propres à « faciliter et sécuriser » les opérations immobilières des personnes publiques dans le cadre des transferts de propriétés qu’elles réalisent.
Eve-Line BERNARDI – avocat associé