La compatibilité d’un PLU au SCOT s’apprécie globalement

Nos publications 20 juin 2018

Conseil d’Etat, 18 décembre 2017, Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise, n° 395216, mentionné aux tables du Recueil Lebon

Fondement : Code de l’urbanisme, article L. 142-1

Solution : Saisi d’un arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Douai qui avait censuré un jugement du Tribunal administratif d’Amiens annulant une délibération d’approbation d’un PLU pour incompatibilité avec les orientations du SCOT applicable, le Conseil d’Etat rappelle quelle doit être la démarche du Juge, et donc des auteurs des PLU.

« Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’à l’exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs ; que les plans locaux d’urbanisme sont soumis à une simple obligation de comptabilité avec ces orientations et objectifs ; que si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des plans locaux d’urbanisme, qui déterminent les partis d’aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d’avenir, d’assurer, ainsi qu’il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu’ils définissent ; que, pour apprécier la compatibilité d’un plan local d’urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert en prenant en compte l’ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu’impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier »

Observations : Il est constant que les documents d’urbanisme locaux doivent être compatibles avec les documents de planification hiérarchiquement supérieurs. C’était le cas sous l’empire des POS et des schémas directeurs et c’est bien entendu toujours le cas, depuis la profonde refonte du droit de l’urbanisme issue de la loi SRU. A suivre l’article L. 142-1 du Code de l’urbanisme, les PLU « sont compatibles avec le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale ». Ce lien de compatibilité, moins contraignant que le lien de conformité mais plus contraignant que le lien de prise en compte, se justifie, notamment, par le principe de libre administration des collectivités territoriales posé à l’article 72 de la Constitution (Cons. Const., 7 décembre 2000, n° 2000-436 DC). Concrètement, « l’obligation de compatibilité implique seulement qu’il n’y ait pas de contrariété entre normes supérieure et inférieure, et que cette dernière n’empêche pas la mise en œuvre de la norme supérieure » (H. JACQUOT et F. PRIET, Droit de l’urbanisme, Dalloz, 7ème éd., § 133, p. 156).

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat rappelle régulièrement qu’un document qui s’applique en termes de compatibilité « ne saurait avoir légalement pour effet d’imposer une stricte conformité » aux plans qu’il encadre (CE, 10 juin 1998, SA Leroy Merlin, n° 176920 ; plus récemment : CE, 2 novembre 2015, Commune de Maisons Laffitte, n° 375814). Cette jurisprudence repose sur la volonté de respecter la « marge d’appréciation dont dispose la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent dans la détermination du zonage exact » (CE, 2 novembre 2015, Commune de Maisons-Laffitte, précité ; voir aussi : CE, 10 janvier 2007, Fédération départementale de l’hôtellerie de plein air de Charente-Maritime, n° 269239).

L’essor des SCOT, dont le contenu a été progressivement enrichi (notamment à l’occasion de la loi ENE qui a permis à ces documents d’être, dans certaines hypothèses, prescriptifs), a conduit les juridictions administratives à faire application des principes précités, notamment à l’occasion de recours dirigés contre des autorisations d’exploitation commerciale (qui doivent être compatibles avec les SCOT ; cf art. L. 142-1-8° du Code de l’urbanisme).

Dans une décision publiée au recueil, le Conseil d’Etat avait rappelé qu’« à l’exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci, avec lesquels les autorisations délivrées par les commissions d’aménagement commercial doivent être compatibles en vertu de ce même article, doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs » ; et si « de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d’aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d’exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale mais d’apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu’ils définissent » (CE, 12 décembre 2012, Société Davalex, n° 353496 ; CE, 12 décembre 2012, Société Abredis, n° 353545). Dans ses conclusions sur ces affaires, le Rapporteur public avait estimé qu’« il faut (…) se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert et de l’ensemble des prescriptions du document pour pouvoir mesurer si l’acte contrôlé est ou non compatible » (concl. G. DUMORTIER, BJDU 2/2013, p. 97).

La décision commentée s’inscrit dans cette veine jurisprudentielle (pour une illustration récente, voir CE, 11 octobre 2017, Fédération des artisans et commerçant de Caen « Les vitrines de Caen », n° 401807).

Un PLU avait retenu un rythme de réalisation de 15 nouveaux logements par an, qui excédait le seuil de 1% de croissance démographique annuelle – porté à 1,15 % dans certaines hypothèses inapplicables en l’espèce – posé par le document d’orientations générales du SCOT. Le PLU qui ne respectait donc clairement pas une disposition du SCOT était-il incompatible avec ce dernier et donc illégal ?

Les Juges d’appel (CAA Douai, 15 octobre 2015, Commune de Mesnil en Thelle, n° 14DA01524) ont estimé, contrairement aux premiers juges (TA Amiens, 8 juillet 2014, Ass. Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise, n° 1202257), qu’un dépassement, même sensible, des seuils de croissance démographique n’était pas, par lui-même, incompatible avec les orientations et objectifs du SCOT.

Le Conseil d’Etat valide une telle analyse, en déclinant, au PLU, la grille d’analyse dégagée dans l’arrêt Société Davalex. Il est donc rappelé que les SCOT doivent se borner, sauf habilitation législative, à fixer des orientations et des objectifs. De sorte que si ces derniers peuvent être exprimés sous forme quantitative (comme en l’espèce : « pas plus de 1% de croissance démographique »), les auteurs des PLU, tenus à une « simple obligation de compatibilité », peuvent ne pas les respecter à la lettre. Dans ce cadre, si la compatibilité d’un PLU avec un SCOT est discutée, le Juge doit nécessairement prendre du recul par rapport à la disposition méconnue et procéder à une analyse globale, en se plaçant à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert et en prenant en compte l’ensemble des prescriptions du SCOT.

En l’espèce, la Cour avait relevé que les auteurs du PLU avaient voulu, dans un contexte de vieillissement de la population, assurer un renouvellement et une diversification de l’habitat, après s’être assuré que l’objectif démographique reposait sur un mode de calcul neutralisant la densification du bâti existant et l’accueil de la population âgée. Autrement posé, le PLU méconnaissait certes un objectif quantitatif du SCOT ; mais, d’une part, il n’existe aucune obligation de conformité aux objectifs exprimés sous forme quantitative dans le SCOT et, d’autre part, le PLU apparaissait compatible avec les objectifs du SCOT pris dans leur ensemble. Pour ces raisons, la Cour n’a pas commis d’erreur de droit.

Cet arrêt sera mentionné au Lebon.

Philippe PEYNET – avocat associé

 

Rappel pratique : La décision commentée illustre, incidemment, l’importance du rapport de présentation, composante commune aux PLU et SCOT, dont la rédaction est parfois encore négligée (pour une censure d’un rapport de présentation d’un SCOT : CAA Bordeaux, 28 décembre 2017, Syndicat mixte du bassin d’Arcachon et du Val de l’Eyre, n° 15BX02851). Si la Cour, puis le Conseil d’Etat, ont pu estimer que le PLU n’était pas incompatible avec le SCOT, c’est parce que le rapport de présentation précisait l’ensemble des mesures mises en œuvre pour répondre à l’objectif général de maîtrise de l’extension de l’urbanisation et de contrôle de la croissance démographique, ainsi que du respect des autres objectifs généraux du SCOT.

 

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