Quelle suite réservée à une annulation contentieuse d’une décision de refus de permis de construire ?
En droit, il est constant que « l’administration dont la décision prise sur demande a été annulée se trouve de nouveau saisie de plein droit de cette demande qui n’a pas à être renouvelée » (H. JACQUOT et F. PRIET, Droit de l’urbanisme, Ed. Dalloz, 7ème éd., § 953, p. 1133 ; voir pour une illustration ancienne : CE, 19 janvier 1977, Société française des verreries mécaniques champenoises, rec. p. 700 et 854). Autrement posé, la Commune dont la décision de refus de permis de construire a été annulée est censée, spontanément, reprendre l’instruction. Mais, si elle n’y procède pas, aucune décision tacite ne nait si le pétitionnaire n’a pas confirmé sa demande.
Le principe est en effet que « lorsque, d’une part, des dispositions législatives ou règlementaires ont prévu que le silence gardé par l’autorité administrative sur une demande d’autorisation fait naître, à l’expiration du délai imparti à l’administration pour statuer, une décision implicite d’acceptation de la demande et que, d’autre part, la décision prise dans ce délai, qu’elle accorde ou qu’elle refuse expressément l’autorisation sollicitée, est soit légalement rapportée par l’autorité compétente, soit annulée pour excès de pouvoir par le juge, la décision expresse d’octroi ou de refus disparaît rétroactivement ; que cette disparition ne rend pas le demandeur titulaire d’une autorisation tacite ; que si elle oblige, en principe, l’autorité administrative à procéder à une nouvelle instruction de la demande dont elle demeure saisie, un nouveau délai de nature à faire naître une décision implicite d’acceptation ne peut courir qu’à dater du jour de la confirmation expresse de la demande par l’intéressé, et ce alors même que le juge ayant prononcé l’annulation de la décision de refus ait enjoint à l’administration de se prononcer à nouveau sur la demande initiale dans le délai qu’il détermine » (voir par exemple : CAA Marseille, 9 juin 2016, Association du Vajra Triomphant Mandarom Aumisme, n° 13MA02652 : arrêt estimant par ailleurs qu’une mesure d’injonction prononcée par le Juge n’altère pas la solution de principe).
Il faut par ailleurs préciser que le Code de l’urbanisme prévoit, pour « protéger » les demandeurs de refus successifs fondés sur des évolutions postérieures de la règle d’urbanisme applicable, que « lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol (…) a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation (…) confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à l’intervention de la décision annulée, sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire« . En d’autres termes, et par exception, l’administration statuera, si elle est saisie dans les conditions précitées (annulation définitive ; confirmation dans un délai de six mois), sur la demande d’autorisation au regard, non du droit applicable à la date à laquelle elle statuera, mais à la date de la décision précédemment censurée.
La décision rendue le 23 février dernier par le Conseil d’Etat – qui sera mentionnée aux tables du recueil – fait une application combinée des dispositions précitées de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme et des dispositions de l’article L. 911-2 du Code de justice administrative. Le principe dégagé par la Haute assemblée est le suivant :
« que lorsqu’une juridiction, à la suite de l’annulation d’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol, fait droit à des conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de réexaminer cette demande, ces conclusions aux fins d’injonction du requérant doivent être regardées comme confirmant sa demande initiale ; que, par suite, la condition posée par l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme imposant que la demande ou la déclaration soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l’autorité administrative de réexaminer la demande présentée par le requérant ; que, dans un tel cas, l’autorité administrative compétente doit, sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que le pétitionnaire ne dépose pas une demande d’autorisation portant sur un nouveau projet, réexaminer la demande initiale sur le fondement des dispositions d’urbanisme applicables à la date de la décision annulée, en application de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme » (CE, 23 février 2017, SARL Côte d’Opale, n° 395274, mentionné aux tables du recueil).
Cette solution, nouvelle, doit conduire les collectivités à procéder à un examen attentif des jugements prononçant l’annulation de décisions de refus de permis de construire : si les conclusions aux fins d’injonction formulées par le requérant en application de l’article L. 911-2 du Code de justice administrative sont accueillies par le Juge administratif, le pétitionnaire ne sera pas tenu de confirmer sa demande dans un délai de six mois pour bénéficier des dispositions protectrices de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme.
Philippe PEYNET – avocat associé
Etienne MASCRE – avocat collaborateur