Loi industrie verte : décryptage des principales modifications en commande publique

Article exclusif sur notre blog. Promulguée le 23 octobre 2023, la loi industrie verte apporte de nombreuses modifications au Code de la commande publique (CCP).

AnalyseTextes 31 octobre 2023

Promulguée le 23 octobre 2023, la loi industrie verte apporte de nombreuses modifications au Code de la commande publique (CCP).

Décryptage des principales modifications.

 

Deux nouveaux motifs d’exclusion, au choix du pouvoir adjudicateur

 

  • Le non-respect de l’obligation d’établir un bilan gaz à effet de serre (BEGES)

C’est un nouveau motif d’exclusion, inséré au sein des articles L.2141-7-2 et L.3123-7-2 du CCP. Le pouvoir adjudicateur a désormais l’opportunité d’exclure de la procédure de passation « les personnes soumises à l’article L. 229-25 du code de l’environnement qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation ».

 

  • Le non-respect des obligations de publication d’informations extra financières environnementales

Pour rappel en application de la Directive (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022 dite « Corporate Sustainability Reporting Directive », les entreprises seront contraintes d’assurer une publication de l’ensemble de leurs données relatives aux risques, opportunités et impacts matériels en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance.

C’est dans le cadre de cette Directive, qui doit être transposée en droit interne d’ici le 9 décembre prochain, que l’article 25 de la loi « industrie verte » habilite le Gouvernement à introduire par voie d’ordonnance, dans le Code de la commande publique un nouveau motif d’exclusion pour les opérateurs qui ne satisferont pas à ces obligations de publication d’informations extra financières environnementales, sociales et de gouvernance.

 

Une facilitation des procédures de passation pour les entités adjudicatrices, actrices majeures de la transition énergétique

 

  • Une nouvelle dérogation au principe d’allotissement intégrée au sein de l’article 2113-11 du CCP par l’article 26 de la loi industrie verte

« L’acheteur peut décider de ne pas allotir un marché dans l’un des cas suivants :

1° Il n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ;

2° La dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations ;

3° Pour les entités adjudicatrices, lorsque la dévolution en lots séparés risque de conduire à une procédure infructueuse ».

Cette nouvelle dérogation est justifiée par le gouvernement, à l’initiative de ce texte, par le fait qu’ « en raison de l’importance, à l’international comme en France, de la demande par rapport à la rareté de l’offre dans ces secteurs d’activité, les contraintes liées à l’allotissement peuvent dissuader les opérateurs économiques de présenter des offres et les détourner de la commande publique française, pour répondre en priorité aux besoins des opérateurs de réseau de nombreux autres pays qui programment aussi des investissements massifs en faveur du verdissement de leurs activités ».[1]

 

  • Un élargissement de la dérogation prévue à l’article 2125-1 du CCP

Pour rappel, au titre de l’article précité, l’accord cadre est limité à une durée de 4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs, une durée de 8 ans pour les entités adjudicatrices. Par exception, l’entité adjudicatrice pouvait dépasser ce délai dans des cas « exceptionnels dûment justifiés, notamment par leur l’objet ou par le fait que leur exécution nécessite des investissements amortissables sur une durée supérieure ».[2]

Désormais, les entités adjudicatrices pourront également dépasser ce délai en présence d’ «  un risque important de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse dans le cadre de la procédure de passation d’un accord-cadre engagée par une entité adjudicatrice »[3].

A nouveau à l’origine de ce texte, le Gouvernement précise que la limitation à une durée de huit ans « peut freiner le développement des réseaux d’énergies renouvelables dans la mesure où, en raison de l’importance de la demande par rapport à l’offre dans ces secteurs, les opérateurs économiques risquent de se détourner de la commande publique de ces entités adjudicatrices au profit de marchés privés ou étrangers de plus longue durée » et estime qu’« il en résulte un risque de marchés infructueux ou de restriction de concurrence dans ces secteurs essentiels pour le verdissement de notre économie ».1 (supra)

 

  • Dérogation à l’impossibilité de recourir aux offres variables

A l’interdiction de principe de recourir aux offres variables, la loi « industrie verte » apporte une nouvelle dérogation spécialement applicable aux entités adjudicatrices qui pourront exceptionnellement « pour les marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est égale ou supérieure à un seuil fixé par voie réglementaire  (…) autoriser les opérateurs économiques à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus » [4]. Les articles L. 2151-1 et L. 2152-7 du CCP sont modifiés en ce sens.

Le Gouvernement précise que « l’interdiction de recourir aux offres variables est […] susceptible de pénaliser fortement [les entités adjudicatrices] qui jouent un rôle moteur dans la transition énergétique nationale en entrainant des surcoûts ou une diminution des offres ».1 (supra)

 

Le verdissement anticipé des critères de sélection des offres

L’article 35 de la loi « Climat et résilience » est venu introduire une modification importante de l’article L.2152-7 du Code de la commande publique dès lors qu’il impose aux pouvoirs adjudicateurs de retenir au moins un critère d’attribution qui prends « en compte les caractéristiques environnementales de l’offre». Mais, cette modification ne sera effective qu’à compter de l’entrée en vigueur dudit article, fixée au 22 août 2026.

Afin de permettre une réelle prise en compte des critères environnementaux dans l’analyse des offres et ce avant le 22 août 2026, la loi industrie verte insère une « disposition transitoire » à l’article 29 de la loi.

De sorte que l’article L.2152-7 du CCP est modifié en ce sens :

« Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base du critère du prix ou du coût. L’offre économiquement la plus avantageuse peut également être déterminée sur le fondement d’une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Les modalités d’application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire ».

Automatiquement, le 22 août 2026, le précédent article sera modifié comme suit :

« Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Les modalités d’application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire ».

 

Ce parti pris avait été vivement critiqué par le Conseil d’Etat qui avait recommandé de ne pas retenir cette disposition, dans son avis du 17 mai 2023, sur le projet de loi industrie verte :

« L’explicitation de cette notion d’offre économiquement la plus avantageuse a été inscrite jusqu’à présent dans la partie réglementaire du code de la commande publique et aucune raison valable ne conduit à revenir sur le partage entre loi et règlement auquel il a ainsi été procédé. Le Conseil d’État note à cet égard que la partie réglementaire du code prévoit déjà que des critères environnementaux peuvent être pris en compte au titre de l’offre économiquement la plus avantageuse, de sorte que la disposition proposée ne change rien au droit positif.

En outre, le Conseil d’État relève que les dispositions de l’article L. 2152-7 ont déjà fait l’objet d’une modification, qui n’est pas encore entrée en vigueur, par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, consistant à rendre obligatoire la prise en compte d’au moins un critère environnemental. Dans la rédaction issue de la saisine rectificative, il est prévu en conséquence que la phrase insérée par le projet de loi disparaîtra à l’entrée en vigueur de celle résultant de la loi du 22 août 2021, soit au plus tard le 21 août 2026. Le Conseil d’État estime qu’un tel enchaînement de textes, dans un temps aussi court, n’est pas de bonne méthode législative et est inutilement complexe, dès lors surtout que, ainsi qu’il a été dit, la disposition prévue n’ajoute rien au droit de la commande publique »[5].

 

Le renforcement des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) (article L.2111-3 du CCP)

 

  • La loi « industrie verte » instaure une clarification des personnes soumises à l’obligation d’établir un Spaser, qui concerne désormais l’ensemble des acheteurs soumis au code, dont l’Etat.

 

  • Au reste l’article L.2111-3 du CCP est modifié en ces termes :

« Ce schéma détermine les objectifs de politique d’achat de biens et de services comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique visant notamment à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie, d’eau et de matériaux ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Ce schéma contribue également à la promotion de la durabilité des produits, de la sobriété numérique et d’une économie circulaire. Il est rendu public notamment par une mise en ligne sur le site internet, lorsqu’il existe, des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices mentionnés au premier alinéa ».

 

 

[1] Rapport n°1512, Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’industrie verte sur le projet de loi.

[2] Ancien article L.2125-1 du CCP

[3] Nouvel article L. 2125-1 du CCP

[4] Nouvel article L. 2151-1 du CCP

[5] https://www.conseil-etat.fr/avis-consultatifs/derniers-avis-rendus/au-gouvernement/avis-sur-un-projet-de-loi-relatif-a-l-industrie-verte

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