Dans la Gazette des Communes publiée le 29 octobre 2018, Jérémie Sadoun, du Pôle Expropriation, a publié une fiche méthode sur la notification des offres d’indemnités d’expropriation, retranscrite ci-après :
1) Maîtriser le calendrier de notification de l’offre
La notification des offres s’inscrit dans un cadre temporel précis, qu’il convient ici de détailler. L’autorité expropriante peut procéder à l’accomplissement de cette formalité dès l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (D.U.P.), sous réserve d’être en mesure de déterminer les parcelles qu’elle envisage d’exproprier. A compter de ce moment, la notification des offres doit intervenir postérieurement à la réception de l’avis du service des Domaines – dont la saisine est obligatoire en cas d’acquisition par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique – et un mois, au moins, avant la saisine du juge de l’expropriation. Il est, en effet, indispensable de respecter ce délai, sous peine de retarder le prononcé du jugement de fixation des indemnités et, in fine, l’entrée en possession du bien. A, ainsi, été jugée irrecevable la demande de fixation judiciaire des indemnités d’expropriation, formée antérieurement ou concomitamment à la notification des offres (1). Fidèle à l’esprit du Code de l’expropriation, la jurisprudence y voit une formalité substantielle, dont la finalité demeure la conclusion d’un accord sur le montant des indemnités. A titre exceptionnel toutefois, ce délai peut être porté à 15 jours, lorsque l’urgence est constatée dans l’acte déclaratif d’utilité publique. Si l’autorité expropriante choisit librement, selon son propre calendrier, le moment auquel elle adresse son offre, le Code de l’expropriation rectifie cette légère asymétrie procédurale, en ouvrant à tout intéressé la faculté de la mettre en demeure d’avoir à la lui notifier, à compter du prononcé de l’arrêté de cessibilité. Susceptible d’intervenir sans condition de délai (2), cette mise en demeure fait naître un délai d’un mois, à l’échéance duquel l’exproprié pourra saisir la juridiction de l’expropriation.
2) Identifier le destinataire de l’offre
Si le propriétaire et l’usufruitier doivent, en tous les cas, être destinataires d’une offre d’indemnisation, un traitement légèrement différent est réservé aux fermiers, locataires, personnes disposant de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage, ou pouvant réclamer des servitudes, qui n’ont pas été dénoncés par le propriétaire et l’usufruitier régulièrement appelés à le faire, à l’occasion de la notification de l’avis d’ouverture de l’enquête préalable à la D.U.P, de la D.U.P, de l’arrêté de cessibilité, ou de l’ordonnance d’expropriation. Dans pareille hypothèse, et sous réserve que l’expropriant ignore leur existence, les intéressés, alors déchus de tous droits à indemnités, ne sauraient faire grief à ce dernier de ne pas leur avoir notifié d’offre d’indemnisation (3). Cette formalité procédurale s’impose, en revanche, à l’autorité expropriante en cas de dénonciation régulière d’un intéressé, ou si l’existence d’une personne susceptible d’obtenir une indemnité a, d’une quelconque façon, été portée à sa connaissance, et ce, même si elle lui conteste tout droit à indemnité (4). Ces principes s’appliquent également aux intéressés autres que ceux mentionnés en début de paragraphe, dès lors qu’une publicité collective, les appelant à se faire connaître, a été organisée par l’expropriant. L’identification des destinataires conditionnant, pour partie, la célérité de la procédure, il est dans l’intérêt de l’autorité expropriante de connaître les règles spécifiques à l’expropriation des immeubles soumis au statut de la copropriété. La notification doit, dans ce cas précis, viser le syndic si l’expropriation est circonscrite à une partie commune, les copropriétaires et titulaires de droits réels si elle a pour unique objet un lot privatif, et l’ensemble des personnes susmentionnées si elle porte sur un lot privatif et une partie commune.
3) Choisir la forme de l’offre
L’autorité expropriante peut notifier les offres, par voie de lettre recommandée avec demande d’avis de réception, sous la forme d’un simple courrier ou d’un mémoire valant offre, dans le cas où elle dispose des éléments d’information suffisants à la saisine du juge de l’expropriation. Ce mémoire pourra, en effet, être adressé à la juridiction à l’expiration d’un délai d’un mois suivant sa notification, délai dont la méconnaissance est, au risque d’y insister, sanctionnée à peine d’irrecevabilité de la demande. Aussi l’expropriant soucieux d’entrer en possession du bien exproprié dans les meilleurs délais, a-t-il avantage à notifier son offre sous cette forme, afin de pouvoir enclencher, au plus vite, la procédure de fixation judiciaire des indemnités.
4) Connaître le contenu de l’offre
Qu’elles soient notifiées par voies de courrier ou de mémoire, les offres distinguent l’indemnité principale, le cas échéant, les indemnités en nature et chacune des indemnités accessoires, et précisent la commune dans laquelle est situé le local offert à l’exproprié, en cas d’obligation de relogement imposée à l’expropriant. En ce qui concerne le contenu des courriers, il conviendra de se référer à l’article R. 311-5 du Code de l’expropriation, qui impose à l’autorité expropriante de reproduire, en caractères apparents, les dispositions de l’article R. 311-9 du même code. Le courrier doit, par ailleurs, inviter son destinataire à faire connaître par écrit, dans un délai d’un mois à dater de la notification, soit son acceptation, soit le montant détaillé de ses demandes, et lui indiquer que toute demande d’emprise totale doit être requise auprès du juge, dans ce même délai. La faculté de solliciter de l’expropriant l’acquisition de la totalité du bien en cas d’expropriation partielle, pourra toutefois être exercée sans condition de délai par l’exproprié, si la mention y afférente fait défaut. La rédaction du mémoire valant offre est, quant à elle, encadrée par les dispositions non moins exigeantes des articles R. 311-10 et R. 311-12 du Code de l’expropriation, qui prescrivent à l’expropriant de reproduire, en caractères apparents, les dispositions des articles R. 311-11, R. 311-12, du premier alinéa de l’article R. 311-13 et de l’article R. 311-22, avant d’exposer ses moyens et prétentions, et d’apposer sa signature.
5) Veiller à la bonne notification de l’offre
Quelle qu’en soit la forme – courrier ou mémoire – l’autorité expropriante doit scrupuleusement veiller à la bonne réception de l’offre. Aussi la notifiera t-elle nécessairement par voie de lettre recommandée avec demande d’avis de réception, et s’attachera-t-elle, en cas de volatilisation de l’intéressé, les services d’un huissier de justice, qui dressera, le cas échéant, un procès-verbal de recherches infructueuses. Il est certain, à cet égard, qu’un pli frappé de la mention « non réclamé », ne satisfait pas à l’exigence de notification prévue par le Code de l’expropriation. L’enjeu n’est pas mince, dès lors que le juge de l’expropriation ne peut statuer sur le montant des indemnités, s’il n’est pas démontré par l’expropriant que l’offre a valablement été notifiée ou signifiée à l’intéressé (5).
6) Savoir dans quelle mesure l’autorité expropriante est liée par son offre
L’offre ne liant l’autorité expropriante qu’à compter de son acceptation, celle-ci demeure libre de la modifier, avant ou après la saisine du juge de l’expropriation, à condition que le montant révisé n’excède pas l’évaluation domaniale. En effet, la notification d’une offre supérieure à l’estimation des Domaines doit nécessairement intervenir au terme d’une procédure, dont les rouages sont décrits à l’article R. 1211-6 du Code général de la propriété des personnes publiques. A grands traits, la décision motivée de passer outre relève de la compétence du préfet, lorsque le montant du projet ne dépasse pas la somme de 300.000 euros, et de celle du ministre responsable de l’opération ou de l’autorité de tutelle de l’établissement public, dans le cas contraire. S’il est donc permis à l’autorité expropriante de conclure un accord amiable à tout moment, il lui est également loisible d’abandonner un projet déclaré d’utilité publique, après la notification de l’offre, dans le cas où aucune ordonnance d’expropriation, ni transfert amiable de propriété, n’est intervenu (6).
7) Saisir le juge de l’expropriation en cas de refus de l’offre
A défaut d’accord sur le montant des indemnités, l’autorité expropriante n’a d’autre choix que de saisir la juridiction de l’expropriation à l’expiration du délai d’un mois à compter de la notification des offres. Il est, à ce propos utile de rappeler, tant cette situation est fréquente en pratique, qu’une contestation afférente à la régularité de la phase administrative de la procédure d’expropriation portée devant le juge administratif, ne fait pas obstacle à la saisine du juge de l’expropriation (7). Le mémoire de saisine, adressé en double exemplaire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe de la juridiction du département dans lequel est situé le bien à exproprier, est alors simultanément notifié à la partie adverse. Il satisfait, par ailleurs, aux exigences de rédaction développées au point n°4 de cette fiche, en reproduisant les dispositions des articles R. 311-11, R. 311-12, du premier alinéa de l’article R. 311-13 et de l’article R. 311-22. Si l’exproprié s’est abstenu de répondre à l’offre et de produire un mémoire en réponse, le juge fixera une indemnité qui ne saurait excéder le montant de l’offre formulée par l’autorité expropriante. En cas d’absence de saisine du juge et d’inertie des parties ensuite de la notification de l’ordonnance d’expropriation, il semble que l’expropriant puisse invoquer le bénéfice de la prescription quadriennale prévue par la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968, pour faire obstacle à la demande de fixation des indemnités d’expropriation présentée tardivement par l’exproprié (8).
(1) Cass., 3ème civ., 19 décembre 2007, n°02-70.124
(2) Cass., 3ème civ., 7 décembre 1976, n° 75-12.553
(3) Cass., 3ème civ., 1er juin 1977, n° 76-70.188
(4) Cass., 3ème civ., 7 décembre 1976, n°75-12.553
(5) Cass., 3ème civ., 23 septembre 2014, n°13-20.249
(6) Cass. 3ème Civ., 3 mars 1999, n° 97-70.194
(7) Cass., 3ème Civ., 22 octobre 2008, n°07-17249
(8) Cass. 3e civ., 13 mai 1987, n° 85-70.336