Comment s’apprécie l’intérêt à agir d’un Syndicat de copropriétaires d’une résidence immédiatement voisine d’un projet de construction ? Ce syndicat est-il dans une situation particulière ?
Le Conseil d’Etat vient, dans une décision du 24 février 2021 (CE 24 février 2021, Syndicat des copropriétaires de la résidence Dauphune, 432096), d’apporter d’utiles précisions.
Dans cette affaire, le maire d’Aix-en-Provence a accordé un permis de construire trois immeubles, représentant 74 logements sur un terrain d’assiette situé en bordure d’une résidence. Le syndicat de copropriétaires de cette résidence, opposé au projet, a formé un recours gracieux en mairie puis le syndicat, ainsi que plusieurs propriétaires occupants de la résidence, ont saisi le Tribunal administratif de Marseille d’une requête en annulation.
La requête a toutefois été rejetée comme tardive en ce qui concerne les propriétaires occupants et irrecevable s’agissant du syndicat de copropriétaire. En effet, les premiers Juges ont estimé que le recours gracieux ayant été formé uniquement par le syndicat, les conclusions des propriétaires occupants intervenues au-delà du délai de deux mois suivant l’affichage du permis de construire (délai imparti pour introduire un recours contentieux, cf. article R. 600-2 du Code de l’urbanisme) étaient irrecevables. Et par ailleurs, les juges du fond ont retenu que le syndicat de copropriétaires ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire.
Le syndicat et les propriétaires requérants se sont alors pourvus en cassation.
Deux questions se posaient à la Haute assemblée :
- Le recours gracieux initié par un syndicat de copropriétaires vaut-il recours pour le compte des propriétaires, pris individuellement ?
- Le syndicat de copropriétaires d’une résidence située sur la parcelle jouxtant le terrain d’assiette du projet autorisé par le permis de construire contesté justifie-t-il d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ?
D’abord, en réponse à la première question (qui n’était pas inédite et qui ne justifie pas la mention de la décision aux Tables du Recueil), la Haute juridiction a entendu rappeler que « lorsque, sur décision de son assemblée générale, un syndicat de copropriétaires agit en justice, il le fait pour le compte de la collectivité des copropriétaires et non des copropriétaires pris individuellement, en vue de défendre les droits afférents à l’immeuble dans son ensemble. Dès lors, le tribunal n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en ne déduisant pas de ces dispositions que le syndicat des copropriétaires devait être regardé comme ayant disposé d’un mandat de MM. F…, H…, J… et L…, copropriétaires, en vue de défendre leurs intérêts personnels » (considérant 4).
Autrement posé, le recours d’un syndicat de copropriétaires vaut pour « la collectivité des copropriétaires« . De sorte que le recours gracieux formé par un syndicat de copropriétaires n’a pas pour effet de proroger le délai de recours contentieux des co-propriétaires, pris individuellement.
Ensuite, et c’est sur ce point que la décision est fichée, le Conseil d’Etat a décliné sa grille d’analyse des dispositions de l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme, posée dans sa décision Bartolomei (CE 13 avril 2016, n° 389798), au syndicat de copropriétaires d’un immeuble immédiatement voisin du projet autorisé par un permis de construire.
Ainsi a-t-il rappelé que :
« Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction ».
pour y ajouter qu’ « il en va de même lorsque le requérant est un syndicat de copropriétaires » (considérant 6).
En d’autres termes, le syndicat des copropriétaires d’un immeuble situé sur la parcelle jouxtant le terrain d’assiette d’un projet de construction ayant donné lieu à permis de construire, qui fait notamment état, pour justifier de son intérêt à demander l’annulation de ce permis, de l’importance du projet, justifie d’un intérêt pour agir.
En l’espèce, l’importance du projet se déduisant des 74 logements en vis-à-vis de la résidence, au triplement de la surface bâtie existante sur la parcelle du terrain d’assiette du projet ainsi qu’à la création de 124 places de stationnement.
Pour le Conseil d’Etat, ces éléments suffisaient à justifier de l’intérêt pour agir du syndicat requérant.