Retour sur la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 (1ère partie)

TextesAnalyse 14 mai 2020

Entrée en vigueur le jour même de sa promulgation, la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 vient, comme l’indique son intitulé, d’une part proroger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus (article 1er) – et non jusqu’au 23 juillet comme cela avait été initialement envisagé – et d’autre part compléter et actualiser les dispositions de ce régime exorbitant introduit par le titre 1er de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Ce régime va donc continuer de s’appliquer et de servir de base légale à l’ensemble des mesures prises sur son fondement jusqu’au 10 juillet 2020 sauf à ce que l’exécutif décide d’y mettre fin, de façon anticipée, « après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 » du Code de la santé publique (article 2).

Cette loi vise – avec le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, présenté dans un précédent article – à asseoir la seconde phase de la lutte contre l’épidémie qui succède à la phase initiale reposant sur un confinement général et indifférencié de la population, qui a, elle, pris fin le 11 mai 2020.

Déférée au contrôle du Conseil constitutionnel, la présente loi a fait l’objet de censures ponctuelles portant pour l’essentiel sur les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières peuvent, dans le cadre d’un système d’information, être traitées et partagées par certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination (article 11). Les juges constitutionnels ont, par ailleurs, assorti leur décision de trois réserves d’interprétation.

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La validation du nouvel article L. 3136-2 du Code de la santé publique sur les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des «  décideurs » publics ou privés en cas de catastrophe sanitaire

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Le II de l’article 1er de loi examinée insère, au terme de débats houleux, un article L. 3136-2 dans le Code de la santé publique (CSP) afin de fournir une grille d’interprétation de l’article 121-3 du Code pénal relatif aux fautes pénales non intentionnelles, en insistant sur la prise en compte de la situation d’état d’urgence sanitaire à l’occasion de l’appréciation de l’engagement de la responsabilité pénale de décideurs publics ou privés.

Ce nouvel article dispose en effet que :

« L’article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur ».

Ces dispositions ont été critiquées notamment en ce qu’elles pourraient avoir pour effet d’exonérer certains décideurs de toute responsabilité pénale et porteraient, par suite, atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi pénale.

Le Conseil constitutionnel s’est cependant refusé à censurer l’article L. 3136-2 du CSP nouvellement créé qui s’apparentait fortement à un « neutron législatif » après avoir considéré que :

« Les dispositions contestées ne diffèrent […] pas de celles de droit commun et s’appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire. Dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la loi pénale. Elles ne sont pas non plus entachées d’incompétence négative. Dans la mesure où elles ne contreviennent à aucune autre exigence constitutionnelle, elles sont donc conformes à la Constitution ».

En d’autres termes la « précision » de la loi et le « rappel » de la jurisprudence [1] par le truchement d’un article à vocation interprétative n’a pas eu l’effet escompté au début de la discussion parlementaire: à savoir, la reconnaissance d’un régime de responsabilité pénale amoindrie au profit des décideurs agissant dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire.

Cela s’explique sans doute par le fait que le cadre législatif posé aux alinéas 3 et 4 de l’article 121-3 du Code pénal permet – et même, impose – d’ores et déjà de porter une appréciation in concreto sur la faute intentionnelle reprochée à la personne poursuivie ; de sorte que la situation d’urgence sanitaire aurait implicitement mais nécessairement été prise en compte dans le cadre d’un tel examen.

 

Conseil constitutionnel, décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020

Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions

[1] Le vœu formé par le Premier ministre lors de son allocution du 4 mai 2020 au Sénat semble ainsi s’être exaucé : « Nos concitoyens veulent que les maires agissent sans blocage, mais ils ne veulent pas que les décideurs publics ou privés s’exonèrent de leurs responsabilités. Préciser la loi et rappeler la jurisprudence oui. Atténuer la responsabilité je suis nettement plus réservé ».

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