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La validation de certaines prérogatives reconnues au Premier ministre en matière de transports et déplacements, établissements recevant du public, lieux de réunion et enfin de réquisition (art. L. 3131-15 du CSP)
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La loi du 11 mai 2020 est venue préciser et compléter la rédaction de certaines catégories de mesures, prévues par le titre 1er de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, que le Premier ministre est, en application de l’article L. 3131-15 du CSP, habilité à prendre « aux seules fin de garantir la santé publique » dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire a été déclaré.
Les prérogatives énumérées ci-après, reconnues à l’autorité gouvernementale, ont été contestées au motif qu’elles seraient susceptibles de porter atteinte notamment à la liberté personnelle, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée ou encore à la liberté d’entreprendre :
- réglementation ou interdiction de la circulation des personnes et des véhicules et réglementation de l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage [apport de la loi du 11 mai 2020] (article L. 3131-15 I 1°) ;
- fermeture provisoire et réglementation de l’ouverture, y compris des conditions d’accès et de présence [apport de la loi du 11 mai 2020], d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité (article L. 3131-15 I 5°) ;
- réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire [reformulation par la loi du 11 mai 2020] (article L. 3131-15 I 7°).
Si le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositifs portaient effectivement atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis, il a toutefois considéré que le législateur, en adoptant de telles dispositions, a opéré une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, d’une part, et le respect des droits et libertés des personnes résidant sur le territoire de la République, d’autre part.
Pour ce faire, la Haute juridiction constitutionnelle a énoncé les garanties encadrant le recours, non seulement aux catégories de mesure susmentionnées, mais très vraisemblablement à l’ensemble des mesures prises sur le fondement de l’article L. 3131-15, à savoir que de telles mesures :
1°/ ne peuvent être prononcées que lorsque l’état d’urgence sanitaire a été déclaré – celui-ci ne pouvait l’être, aux termes de l’article L. 3131-12 du CSP, qu’« en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population » ;
2°/ cessent d’avoir effet au plus tard en même temps que prend fin l’état d’urgence sanitaire – étant, en outre, rappelé que ce régime déclaré par décret en Conseil des ministres, doit, au-delà d’un délai d’un mois, être prorogé par une loi qui en fixe la durée, après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 ;
3°/ ne peuvent, conformément à l’article L. 3131-15 être prises qu’aux seules fins de garantir la santé publique et doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu, de sorte qu’il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
A cet égard, le Conseil constitutionnel rappelle encore que le juge administratif est chargé de s’assurer que ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu’elles poursuivent.
Le Conseil relève, en outre, que :
- les mesures pesant sur les établissements recevant du public et les lieux de réunion, qui ne s’étendent pas aux locaux à usage d’habitation – nous précise le Conseil –, doivent se concilier avec la préservation de l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ;
- quant aux mesures relatives aux réquisitions, elles doivent être « nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire », et donner, en principe, lieu à indemnisation.
Ainsi, la validation par le juge constitutionnel de certaines des prérogatives dévolues au Premier ministre a permis d’affermir la base légale de telles mesures déclinées à travers le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, lequel habilite à son tour l’autorité préfectorale à prendre des mesures d’application – le cas échéant plus restrictives (article 27 du décret).
En tout état, il convient de rappeler que l’ensemble des mesures prises en application de l’état d’urgence sanitaire pourront faire l’objet de recours devant la juridiction administrative, à l’exception toutefois des mesures de mise en quarantaine et de placement/maintien en isolement, lesquelles relèvent du juge judiciaire (article L. 3131-18).
Conseil constitutionnel, décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020
Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions