Le Conseil d’Etat s’est prononcé dans un arrêt du 22 décembre 2022 à mentionner aux tables du recueil Lebon (req. n°447100) sur la légalité de l’exercice du droit de préemption par une collectivité territoriale pour la réalisation d’un équipement collectif à vocation cultuelle.
En l’espèce, par une décision du 25 janvier 2017 le maire de Montreuil a exercé le droit de préemption urbain sur une parcelle appartenant aux consorts A en vue de permettre “la réalisation d’un équipement collectif d’intérêt général à vocation cultuelle consistant en une extension du centre socio culturel et de ses aires de stationnement”.
Le Tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 1er février 2018, annulé cette décision. La commune de Montreuil se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 1er octobre 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement.
Ainsi saisi, le Conseil d’Etat commence par rappeler les termes des articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme et juge “il résulte [de ces articles] que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d’une part, justifier, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit répondre à un intérêt général suffisant”.
Puis reprenant les dispositions de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, le Conseil d’Etat juge que “les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte.
Les collectivités publiques ne peuvent donc, aux termes de ces dispositions, apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels”.
Pour autant la Haute juridiction considère que “le principe constitutionnel de laïcité ne fait pas obstacle à ce qu’une décision de préemption soit prise, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, en vue de permettre la réalisation d’un équipement collectif à vocation cultuelle.
Une telle décision n’est pas par elle-même constitutive d’une aide à l’exercice d’un culte prohibée par les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat”.
Toutefois, “ces dispositions impliquent, sauf à ce que la collectivité se fonde sur des dispositions législatives dérogeant aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905, que la mise en oeuvre d’un tel projet soit effectuée dans des conditions qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide directe ou indirecte à un culte”.
Le Conseil d’Etat juge en l’espèce que la Cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant que la décision de préemption en litige était par elle-même constitutive d’une dépense illégale en faveur de l’exercice d’un culte contraire à la loi du 9 décembre 1905.