Application de la jurisprudence Czabaj en matière de référé précontractuel (TA La Réunion, 19 octobre 2016, Société Réunionnaise de Bureautique, req. n° 1601022)

Textes 10 janvier 2017

Le délai raisonnable pour introduire un recours devant le juge administratif s’applique également en matière de référé précontractuel selon le juge des référés du Tribunal administratif de La Réunion.

En l’espèce, le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de La Réunion avait lancé une procédure de dialogue compétitif pour attribuer un marché de mise en place et maintenance de solutions d’impression. Cette procédure nécessitait que le pouvoir adjudicateur procède à la sélection des candidatures avant d’analyser les offres reçues.

Candidate à l’attribution dudit marché, la société réunionnaise de bureautique (SRB) a été évincée au stade de la sélection des candidatures en avril 2016. En effet, bien qu’ayant introduit un référé précontractuel en septembre 2016 avant la signature du contrat, la société a vu son recours rejeté par le juge du référé précontractuel sur le fondement du délai raisonnable pour introduire un recours issu de la jurisprudence Czabaj (CE, Ass., 13 juillet 2016, req. n° 387763, Publié au Recueil).

Pour rappel, selon cette décision du Conseil d’Etat, le « principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ; »

L’ordonnance du 19 octobre 2016 apporte deux précisions concernant l’applicabilité de ce nouveau principe contentieux. D’une part, le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de la Réunion reconnaît, après avoir repris le considérant cité, l’application de cette décision à la procédure de référé. D’autre part, le juge procède à une modulation de la durée du délai raisonnable afin de le rendre cohérent avec les spécificités de la procédure de référé. Ainsi, « le délai raisonnable de saisine du juge ne saurait excéder trois mois à compter de la date à laquelle il a eu pleinement connaissance de la décision d’éviction », alors que les juges du Palais Royal avaient fixé la date butoir d’une année à compter de la notification ou de la connaissance de la décision objet du recours.

Appliquant cette solution à l’espèce, le juge relève que la SRB avait été informée le 18 avril 2016 de son éviction de la procédure, soit au stade de la sélection des candidatures. Par conséquent, il estime « qu’en laissant s’écouler un délais de plus de trois mois avant de saisir le tribunal, à la date du 19 septembre 2016, d’un référé précontractuel tendant à ce que soit constatée la prétendue irrégularité de son éviction et à ce que soit en conséquence annulée la procédure de passation de marché public, en voie d’achèvement à la date de cette saisine, la société SRB doit se voir imputer, outre un comportement inapproprié au regard du principe de sécurité juridique, une méconnaissance caractérisée du délai raisonnable qui lui était applicable en l’absence de circonstance particulières ».

Il convient de relever, d’une part, que cette décision apparaît opportune uniquement dans les procédures « restreintes », nécessitant une sélection des candidatures préalablement à l’analyse des offres. D’autre part, reste à savoir si le délai raisonnable de trois mois pour introduire un recours en matière de référé précontractuel obtiendra l’aval du Conseil d’Etat…

Bastien DAVID – Avocat collaborateur

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