Contrat d’engagement républicain : les conclusions du rapporteur public du Conseil d’Etat

Des conclusions éclairantes sur un texte vivement critiqué par les associations, syndicats et ONG.

Au début de l’année 2022, plusieurs recours – dont un était défendu par notre associé Clément Capdebos, pour le compte de vingt-cinq associations de protection de l’environnement et de lutte contre la corruption* – avaient été introduits devant le Conseil d’Etat, à l’encontre du décret du 31 décembre 2021 relatif au Contrat d’engagement républicain (CER), prévu par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

Au cours de l’audience publique, qui s’est tenue le 19 juin dernier, et dont Mediapart propose un compte rendu, le rapporteur public, Monsieur Laurent DOMINGO, a admis la fragilité de deux points de ce texte, vivement critiqué par un collectif d’associations, de syndicats et d’ONG, et proposé l’annulation partielle du contrat d’engagement républicain.

Pour rappel l’octroi des agréments et des subventions publiques aux associations et fondations est soumis à la souscription du CER, dont le contenu et les conditions ont été définis par le décret contesté.

S’agissant du contenu du CER ce décret détermine sept engagements auxquels les associations et fondations bénéficiant de subventions publiques ou d’un agrément de l’État doivent souscrire : « respect des lois de la république », « liberté de conscience », « liberté des membres de l’association », « égalité et non-discrimination », « fraternité et prévention de la violence », « respect de la dignité de la personne humaine » et « respect des symboles de la République ». Il fixe également les modalités de souscription du contrat, et précise les conditions de retrait des subventions publiques en cas de manquement à ces engagements.

Dans ce cadre, le décret interdit, notamment, aux associations et fondations bénéficiant de subventions publiques ou d’agréments de l’Etat de mener toute « action manifestement contraire à la loi » (engagement n°1 du CER), et prévoit qu’elles « s’engage(nt) à agir dans un esprit de fraternité et de civisme » (engagement n°5 du CER).

Or, après avoir pointé l’imprécision de ces engagements, et souligné qu’ils conféraient à l’administration une marge d’appréciation trop importante, et non suffisamment encadrée, le rapporteur public a proposé au Conseil d’Etat d’annuler ces deux mentions.

Pour ce faire, il a notamment relevé que le décret n’apportait pas de précision quant au degré de gravité de l’atteinte à la loi susceptible de justifier le retrait d’une subvention ou d’un agrément, et constaté que les notions d' »esprit« , de « civisme » et de « fraternité » demeuraient elles-mêmes assez floues. Dès lors, le rapporteur public a considéré qu’il n’était pas possible d’appréhender, avec suffisamment de précision, le contenu de ces engagements.

 

En ce sens, le recours introduit par Clément Capdebos* relevait également que :

« Alors que la loi impose uniquement aux associations de ne pas mener d’action susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public, le « contrat d’engagement républicain » annexé au décret contesté interdit, plus largement, aux associations et fondations de mener toute « action manifestement contraire à la loi », sans considération de l’existence ou non d’une atteinte portée à l’ordre public, laquelle n’est envisagée que de façon alternative – ainsi qu’en témoigne l’emploi de la conjonction « ou ».

Ce qui pourrait conduire à priver les associations bénéficiant d’agréments ou de subventions publiques de la possibilité de mener des actions, même pacifiques, de désobéissance civile, quand bien même de telles actions s’inscriraient dans le champ d’intervention de l’association concernée, et n’excèderaient pas les limites du droit à la libre expression.

De même, l’obligation d’« agir dans un esprit de fraternité et de civisme », particulièrement imprécise, excède le simple respect des « principes de liberté, d’égalité, de fraternité » prévu par la loi. 

Or, compte tenu de leur imprécision et de leur caractère particulièrement englobant, ces obligations, non prévues par la loi mais imposées aux associations par le pouvoir réglementaire, tendent à conférer un large pouvoir d’appréciation à l’administration et sont, à ce titre, susceptibles d’entraver l’exercice de la liberté d’association. »

Ce dossier s’inscrit dans le climat actuel de défiance entre le monde associatif et les autorités publiques, les associations dénonçant des détournements récurrents du CER pour exercer des pressions sur des structures jugées trop radicales ou critiques vis-à-vis du gouvernement. 

La décision du Conseil d’Etat, qui n’est pas tenue de suivre les conclusions de son rapporteur, est attendue dans les prochains jours.

*Recours pour le compte de vingt-cinq associations de protection de l’environnement et de lutte contre la corruption dont Greenpeace, France Nature Environnement, Les Amis de la Terre ou encore Notre affaire à tous.

Clément Capdebos est associé de GAA-Eos, la filiale de GAA dédiée aux acteurs de la protection de l’environnement et de la solidarité. 

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