Covid-19, ordonnance du 25 mars 2020 et concessions

Textes 1 avril 2020

L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19, comporte des mesures visant à l’assouplissement des règles applicables à l’exécution des contrats publics, compromise par l’épidémie.

Quels sont spécialement les impacts de ce texte sur l’exécution des contrats de concession ?

Socle minimal.

Les mesures prévues par l’ordonnance constituent un « socle minimal », destiné à protéger les opérateurs économiques contre les conséquences de l’épidémie de Covid-19, tout en permettant d’assurer la continuité des concessions en cours.

Elles s’appliquent à l’ensemble des contrats de concession, sauf stipulations contractuelles plus favorables au concessionnaire.

Enfin, en dehors des hypothèses mentionnées par l’ordonnance, les stipulations contractuelles s’appliquent et, dans le silence du contrat, les conditions d’indemnisation sont celles issues de la jurisprudence.

Prolongation du contrat (art. 4).

Les contrats de concessions arrivant à terme pendant la période allant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire – fixée, à ce jour, au 24 mai 2020 –, augmentée d’une durée de deux mois, peuvent être prolongées par avenant au-delà de la durée prévue, lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre.

Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l’article L. 3114-8 du Code de la commande publique, la prolongation d’un contrat de concession dans le domaine de l’eau potable, des ordures ménagères et autres déchets, au-delà de la durée de vingt ans, est dispensée de l’examen préalable par l’autorité compétente de l’Etat.

En tout état de cause, la durée de cette prolongation ne peut excéder celle de la période de la crise sanitaire – c’est-à-dire de la période allant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, augmentée d’une durée de deux mois –, augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de son expiration.

Délais d’exécution des prestations (art. 6, 1°).

Lorsque le concessionnaire ne peut pas respecter le délai d’exécution d’une ou plusieurs obligations du contrat de concession, ou que leur exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive, l’ordonnance prévoit que ce délai est prolongé d’une durée au moins équivalente à celle de la crise sanitaire – soit, environ, quatre mois et demi.

Cette mesure devrait notamment trouver à s’appliquer pour les concessions de travaux, lesquelles imposent, bien souvent, le respect de dates « jalons ».

Ceci posé, cette prolongation ne peut intervenir que sur demande du concessionnaire, présentée avant l’expiration du délai contractuel considéré.

Pour en bénéficier, il appartient au concessionnaire d’établir que les conséquences de l’épidémie de covid-19 rendent impossible le respect des délais fixés par le contrat, ou nécessitent la mobilisation de moyens qui feraient peser sur lui un surcoût manifestement excessif. Autrement dit, il doit démontrer, soit qu’il n’a plus les moyens – humains, financiers ou matériels – d’exécuter ses prestations dans les délais fixés par le contrat du fait de l’épidémie et des mesures adoptées par le gouvernement, soit que la mobilisation de moyens supplémentaires – adaptation des conditions de travail, appel à des personnels extérieurs, recherche d’autres fournisseurs, etc. – porterait gravement atteinte à ses intérêts et sa stabilité financière.

Sanctions (art. 6, 2° a).

Lorsque le concessionnaire est dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie du contrat, il est prévu qu’il ne puisse pas être sanctionné, ni se voir appliquer les pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif.

Pour bénéficier de cette mesure, le concessionnaire doit démontrer qu’il ne dispose plus, à raison de la situation sanitaire et des mesures de confinement imposées par le gouvernement, des moyens – humains, techniques, matériels ou financiers – suffisants pour remplir ses obligations, ou que leur mobilisation fait peser sur lui une charge manifestement excessive.

Soutien financier (art. 6, 5°).

En cas de suspension du contrat de concession, le versement des sommes dues par le concessionnaire à l’autorité concédante – redevances, loyers, etc. – est suspendu.

En outre, lorsque la situation du concessionnaire le justifie, une avance sur le versement des sommes qui lui sont dues par le concédant – prix (article L. 1121-1 du Code de la commande publique), subventions, etc. – peut lui être versée, à hauteur de ses besoins.

Indemnité (art. 6, 6°).

Lorsque la concession n’est pas suspendue, mais que ses modalités d’exécution sont significativement modifiées par l’autorité concédante – afin, notamment, d’assurer la continuité du service public concerné –, le concessionnaire a droit au versement d’une indemnité destinée à compenser le surcoût qui résulte de l’exécution, même partielle, du service ou des travaux.

Pour ce faire, le concessionnaire doit établir que la poursuite de l’exécution impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui, non prévus au contrat initial, représentent une charge manifestement excessive au regard de sa situation financière.

Il s’agit là d’une adaptation de la théorie de l’imprévision consacrée par l’article L. 6, 3° du Code de la commande publique, qui prévoit que, « lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité ». Dans le cadre de l’ordonnance du 25 mars 2020, il n’est toutefois pas nécessaire de démontrer un bouleversement de l’économie du contrat ; il suffit que la poursuite de l’exécution du contrat représente, pour le concessionnaire, une charge manifestement excessive au regard de sa situation financière.

En pratique toutefois, cette condition pourrait soulever des difficultés d’interprétation, et donner lieu à des contestations. En effet, s’il appartiendra au concessionnaire de démontrer le caractère manifestement excessif du surcout que représenterait la mise en œuvre de moyens supplémentaires, le versement de l’indemnité compensatrice dépendra, pour une large part, de l’interprétation retenue par l’autorité concédante…

Enfin, aucune indemnité n’est prévue lorsque le concessionnaire doit simplement adapter le contrat, sans que cela ne représente véritablement, pour lui, une charge manifestement excessive. Pour autant, rien ne permet d’affirmer que toute indemnisation serait, dans cette hypothèse, exclue : cela dépendra, là encore, de l’interprétation retenue par l’autorité concédante, mais également des stipulations du contrat.

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