Déréférencement de données personnelles et procédures pénales : quand la CNIL doit faire droit à la demande

Dans un arrêt du 20 avril 2023 le Conseil d’Etat rappelle que la CNIL doit faire droit à la demande déréférencement des données personnelles relatives à des procédures pénales, sauf à ce que l’information soit strictement nécessaire à l'information du public.

Jurisprudence 22 mai 2023

Dans un arrêt du 20 avril 2023 (n°463497), à mentionner aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat rappelle que la CNIL doit faire droit à la demande déréférencement s’agissant de données personnelles relatives à des procédures pénales, sauf à ce que l’information soit strictement nécessaire à l’information du public.

En l’espèce, le requérant a été condamné par le tribunal correctionnel, à 3 ans de prison dont 18 mois avec sursis, 2 ans de mise à l’épreuve et une interdiction de gérer une entreprise pendant 15 ans, pour des faits d’escroquerie, de banqueroute, de faux et usage de faux, d’abus de confiance et d’exécution de travail dissimulé.

Cette affaire a été relatée dans un journal, qui a repris le déroulement du procès ainsi que le contenu du jugement. L’article est encore aujourd’hui en ligne sur le site internet du journal et est référencé par Google.

Toutefois, en appel la condamnation du requérant a été réduite à 2 ans de prison avec sursis, 2 ans de mise à l’épreuve et 10 ans d’interdiction de gérer une entreprise. Cette fois, le journal n’a relaté ni le procès ni le jugement.

Le requérant a adressé à la société Google une demande, qui ne pouvait qu’être rejetée car elle tendait non pas à la modification des résultats du moteur de recherche, mais à la suppression de l’article, ce qui ne relève pas des pouvoirs de Google.

Celui-ci a alors saisi la CNIL de ce refus, réclamant de nouveau la suppression de l’article par la société Google. Ainsi saisi, la CNIL a considéré la demande comme tendant en réalité au déréférencement des résultats concernant sa condamnation pénale, mais a finalement prononcé la clôture de cette réclamation.

Le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de l’arrêt du 24 septembre 2019 rendu par la CJUE (C-136/17) que “lorsque des liens accessibles depuis un moteur de recherche mènent vers des pages web contenant des données à caractère personnel relatives à des procédures pénales visées à l’article 10 du RGPD, l’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel de la personne concernée est susceptible d’être particulièrement grave en raison de la sensibilité de ces données”.

Dès lors, “il appartient en principe à la CNIL, saisie d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers de telles pages web, publiées par des tiers et contenant de telles données, de faire droit à cette demande.”

Il ne peut en aller autrement que “s’il apparaît, compte tenu du droit à la liberté d’information, que l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne concernée est strictement nécessaire à l’information du public”.

Pour apprécier s’il peut être ainsi fait échec au droit au déréférencement, la CNIL doit notamment tenir compte “d’une part, de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise en ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée et, d’autre part, de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société”.

Elle doit également prendre en compte “la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée”.

En l’espèce, le caractère factuel de l’article, l’absence de notoriété particulière de l’intéressé, l’inexactitude de l’article au regard de la réduction de la condamnation du requérant en appel et l’impossibilité d’accéder à celui-ci autrement qu’avec le nom de l’intéressé font que l’article de presse litigieux ne peut être regardé comme strictement nécessaire à l’information du public.

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