Les recours formés par plusieurs associations étudiantes devant le Conseil d’État à l’encontre de l’arrêté interministériel du 19 avril 2019 fixant les droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur ont permis – d’enfin – clarifier le champ d’application et la portée du principe de gratuité de l’enseignement s’agissant de l’enseignement supérieur.
La décision de rejet rendue le 1er juillet dernier par la Haute Juridiction (CE, 4e et 1ère ch. réunies, 1er juillet 2020, Association UNEDESEP et autres, n° 430121, 430266, 431133, 431510, 431688, publié au rec.) – objet du présent article – parachève l’oeuvre de clarification engagée par le Conseil constitutionnel à l’occasion du traitement de la question prioritaire de constitutionnalité posée par les requérantes (Décision n° 2019-809 QPC du 11 oct. 2019, UNEDESEP). Il sera immédiatement précisé, dans un souci de parfaite transparence, que le cabinet est intervenu dans cette affaire dans l’intérêt de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) et de la Conférence des Directeurs des Ecoles françaises d’Ingénieurs (CDEFI), intervenants volontaires en défense.
L’arrêté défendu prévoyait pour les étudiants étrangers « en mobilité internationale » un montant différent de celui payé par les étudiants français, européens ou déjà résidents en France. Les requérantes ont fait valoir à son encontre deux moyens principaux, tirés de la méconnaissance du principe de gratuité de l’enseignement supérieur et de l’égal accès à l’instruction.
A l’appui du premier de ces moyens était invoquée, par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’inconstitutionnalité du troisième alinéa de l’article 48 de la loi du 24 mai 1951 prévoyant que sont fixés par arrêté « Les taux et modalités de perception des droits d’inscription, de scolarité, d’examen, de concours et de diplôme dans les établissements de l’État ».
A l’occasion de sa décision n°2019-809 QPC du 11 octobre 2019 déclarant constitutionnelle la disposition légale fondant l’arrêté défendu, le Conseil constitutionnel avait déjà : (i) mentionné expressément, pour la première fois, « l’exigence constitutionnelle de gratuité » , (ii) consacré son application à l’enseignement supérieur public – alors que la question apparaissait jusqu’alors ouverte – , (iii) et précisé la portée de cette exigence constitutionnelle en jugeant qu’elle « ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants » (paragr. 6).
Il restait alors au Conseil d’Etat à déterminer si le montant des droits d’inscriptions en cause avait été fixé « dans le respect des exigences de gratuité de l’enseignement public et d’égal accès à l’instruction » (paragr. 7).
On retiendra plus précisément de cette décision les apports essentiels suivants :
- le Conseil d’Etat précise, plus encore que le Conseil constitutionnel, le champ d’application du principe d’égal accès à l’instruction et de l’exigence constitutionnelle de gratuité : ils « s’appliquent à l’enseignement supérieur public en ce qu’il a pour objet la préparation et la délivrance de diplômes nationaux et non celle des diplômes propres délivrés en application de l’article L. 613-2 du code de l’éducation ou des titres d’ingénieur diplômé. »;
- le Conseil d’Etat donne en outre des indications sur les critères d’appréciation du caractère modique des frais d’inscription : « le caractère modique des frais d’inscription (…) doit être apprécié, au regard du coût de ces formations, compte tenu de l’ensemble des dispositions en vertu desquelles les usagers peuvent être exonérés du paiement de ces droits et percevoir des aides, de telle sorte que de ces frais ne fassent pas obstacle, par eux-mêmes, à l’égal accès à l’instruction.»
- le Conseil d’Etat considère enfin que des étudiants « en mobilité internationale », venus en France spécialement pour s’y former, ne sont pas dans la même situation que des étudiants ayant, quelle que soit leur origine géographique, vocation à être durablement établis sur le territoire national. Il valide donc la possibilité de prévoir pour ceux-ci des frais d’inscription différents.