Paiement des loyers et des redevances, durée des contrats, délivrance des congés, pénalités et sanctions, résiliation, expulsion des occupants sans titre : Sophie Banel et Jérémie Sadoun analysent les impacts de la crise sanitaire sur la gestion du patrimoine des personnes publiques.
1°) Le paiement des loyers et des redevances directement impacté
La crise sanitaire liée à la propagation du covid-19 que nous vivons actuellement s’accompagne d’une crise économique majeure causant à de nombreux commerçants et exploitants dont le commerce ou l’activité a cessé brutalement d’importantes difficultés pour payer leur loyer ou redevance domaniale.
L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a donc habilité le gouvernement à adopter, par voie d’ordonnances, toute mesure permettant « de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises » (cf. ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020) et « d’adapter les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet » (cf. ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020).
En tant que gestionnaires des biens publics, qu’ils relèvent du domaine privé (locaux commerciaux, locaux affectés à des professionnels de santé, locaux à usage d’habitation…) ou du domaine public (mise à disposition de salles de spectacle, d’équipements sportifs ou de dépendances du domaine public routier), les collectivités territoriales sont donc directement confrontées, en tant que bailleurs, à la défaillance de leurs occupants.
Il est donc nécessaire de maîtriser le champ d’application et le régime juridique des mesures applicables aux loyers commerciaux et aux contrats publics, tels que les conventions d’occupation domaniale et les baux emphytéotiques administratifs.
D’abord, il est important d’avoir à l’esprit que le bénéfice des mesures adoptées par l’ordonnance n° 2020-316 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférent aux locaux professionnels n’est réservé, d’une part, qu’aux entreprises soumises à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire et, d’autre part, qu’aux personnes physiques et morales susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 (art. 1er de l’ordonnance n°2020-316). En l’état, le champ d’application du dispositif est donc relativement limité puisqu’en se référant aux conditions d’éligibilité au fonds de solidarité, il ne concerne que les très petites entreprises, réalisant moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires, les indépendants et les micro-entrepreneurs qui, par ailleurs, doivent avoir fait l’objet d’une interdiction administrative d’accueil du public entre le 1er et le 31 mars 2020, ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires supérieure à 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 comparée à celle comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019 (art. 1 et 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020).
Ceci posé, le régime mis en place permet aux entreprises concernées d’échapper aux sanctions inhérentes à un défaut de paiement de loyers ou de charges locatives, que les délais conditionnant le déclenchement de ces sanctions soient échus ou non (cf. ordonnance n° 2020-306) pendant la période juridiquement protégée s’étalant entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, aujourd’hui fixée au 24 mai (art. 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, susceptible de modification). En d’autres termes, il ne constitue pas une suspension du paiement des loyers, ni plus encore une franchise de loyers. Le loyer commercial demeure donc exigible aux échéances prévues au bail, ainsi que le confirme d’ailleurs, dans les termes suivants, la circulaire de présentation des dispositions du titre I de l’ordonnance n° 2020- 306 du 25 mars 2020 : « Les échéances contractuelles doivent toujours être respectées ».
En pratique toutefois, la personne publique bailleresse ne pourra exiger aucune pénalité ou appliquer aucune sanction dans le cas où le preneur suspendrait le paiement de ses loyers pendant la période d’urgence sanitaire, augmentée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée (ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020).
Concrètement, si un preneur s’est abstenu de régler son loyer le 1er avril 2020, alors que le bail exigeait le règlement des échéances le 1er de chaque mois, et qu’une clause résolutoire prévoit, qu’à défaut de paiement à son échéance exacte d’un seul terme de loyer, et un mois après délivrance d’un commandement de payer resté sans effet, le bail sera résilié de plein droit, les effets de la clause résolutoire seront reportés d’une durée égale au temps écoulé entre le 1er avril et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la délivrance du commandement, ce délai courant à compter de la fin de la période juridiquement protégée (soit le 24 juin 2020 à ce jour).
L’ordonnance n° 2020-319 applicable aux contrats soumis au Code de la commande publique et aux contrats publics qui n’en relèvent pas tels que les conventions d’occupation domaniale et les baux emphytéotique – ainsi que l’a précisé la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances, dans sa fiche technique du 6 avril dernier – n’ouvre pas précisément à l’occupant du domaine public la faculté de s’exonérer de l’obligation de s’acquitter du paiement de la redevance domaniale. Tout au plus l’article 6, 2° interdit il de sanctionner ou d’appliquer des pénalités contractuelles au titulaire d’un contrat, empêché d’honorer ses obligations par la crise sanitaire. Depuis le 23 avril 2020, il est clairement admis que la dégradation des conditions de l’exploitation de l’occupant dans des proportions manifestement excessives au regard de sa situation financière, justifie une suspension du paiement de la redevance domaniale, pendant une durée qui ne saurait excéder la période devant s’achever deux mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 juillet 2020 (cf. article 20 de l’ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020).
2°) Quels sont les effets de la crise sanitaire sur la durée des contrats ?
Au-delà des mesures concernant le paiement des loyers ou des redevances, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a également habilité le gouvernement à adopter, par voie d’ordonnances, des mesures destinées à simplifier l’action de l’administration (cf. article 11 2° a) et à préserver les intérêts des justiciables (cf. article 11 2° b). C’est dans ce cadre qu’a été adoptée l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Ces mesures ne sont pas sans incidence sur la gestion des baux et des conventions d’occupation domaniales consentis par les personnes publiques.
L’article 5 de ladite ordonnance permet, en matière de baux commerciaux, une prorogation des délais de délivrance du congé : « Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période ».
Concrètement, cette ordonnance n’a pas pour effet de repousser les effets d’un congé délivré avant le 12 mars 2020, date à laquelle ont été rendues applicables les mesures prévues par ce texte, ni même de suspendre le contrat. Tout au plus ce texte prolonge t-il de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, les délais de résiliation ou de dénonciation, lorsque ceux-ci arrivent à échéance durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, aujourd’hui fixée au 24 mai 2020.
Concernant l’échéance du bail, aucun texte n’a en revanche prévu sa prolongation. On peut donc logiquement supposer que le point de départ du délai de préavis de six mois commencera à courir à compter de la date effective de notification du congé.
Le sort des conventions d’occupation domaniales est, quant à lui, réglé par l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-319, qui laisse aux parties la faculté de prolonger les contrats arrivés à terme pendant la période d’urgence sanitaire augmentée de deux mois lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre. Sont ici concernées les autorisations d’occupation du domaine public qui permettent à leur titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, désormais soumises à une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester (art. L. 2122-1-1 du CG3P). La prolongation de la durée de la convention ne peut en tout état excéder celle nécessaire à l’organisation de la procédure de mise en concurrence imposée. Ne seraient ici visées que les autorisations d’occupation du domaine soumises à une procédure de sélection préalable.
Au reste on pourrait se demander si les autorisations d’occupation unilatérale (permissions de voirie, permis de stationnement), ne seraient pas automatiquement prorogées jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire, en application de l’article 3 de l’ordonnance 2020-306, qui proroge de plein droit « les mesures administratives », telles que les « autorisations », arrivées à échéance pendant la période d’urgence sanitaire.
Enfin, l’article 6 de cette même ordonnance ouvre au cocontractant de l’administration qui démontre être dans l’impossibilité de respecter le délai d’exécution contractuellement prévu ou que l’exécution dans ce délai entrainerait pour lui un surcoût manifestement excessif, le droit d’en demander la prolongation, pour une durée au moins égale à celle de l’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois.
3°) Les théories de la force majeure ou de l’imprévision permettraient-elles au locataire d’aller plus loin ?
Au regard de l’intensité et de l’ampleur des évènements actuels, il n’est pas exclu que les locataires commerciaux et exploitants d’activités économiques sur le domaine public qui ne peuvent bénéficier des mesures d’aide adoptées par le gouvernement tentent d’invoquer la force majeure ou l’imprévision pour demander l’assouplissement de leurs obligations contractuelles.
Il est donc utile, en l’état, de rappeler ce que recouvrent ces notions juridiques.
Pour être caractérisée la force majeure doit, d’une part, être imprévisible et, d’autre part, rendre l’exécution des obligations absolument impossible (art. 1218 du Code civil). La jurisprudence se montre assez sévère dans l’appréciation du respect de ces conditions, puisqu’elle estime, par exemple, que la difficulté d’exécuter ne suffit pas à caractériser la force majeure (pour des illustrations, voir : Cass. 3ème civ., 24 juin 1971, n°70.12.017 ; Cass. 3ème civ., 12 mai 2010, n°09-13.707), quand bien même l’exécution serait rendue beaucoup plus onéreuse (pour une illustration, voir : Cass. com., 12 novembre 1969, Bull. civ. 1969, n°327).
Cette conception restrictive de l’irrésistibilité a été confirmée en matière d’épidémies. La Cour d’appel de Basse-Terre a ainsi jugé qu’une épidémie a priori non létale ne constituait pas un cas de force majeure (CA Basse-Terre, 17 décembre 2018, n° 17/00739). Dans le même sens, la Cour d’appel de Toulouse a estimé que l’épidémie de grippe aviaire et les mesures de confinement qui en ont résulté ne présentaient pas un caractère irrésistible susceptible de caractériser un cas de force majeure, justifiant le non-paiement de loyers (CA Toulouse, 3 octobre 2019, n°19/01579 ; CA Nancy, 22 novembre 2010, n° 09/00003). Il est à noter, en revanche, que la Cour d’appel de Douai a très récemment qualifié l’épidémie de covid-19 de cas de force majeure (CA Douai 4, mars 2020, n°20/00395 ; dans le même sens, voir : CA Colmar, 12 mars 2020, n° 20/01098). Sans doute ces solutions ont t-elle été dictées par la létalité et la vitesse de propagation du virus qui, il est vrai, semblent très supérieures à celles du chikungunya et du H5N1.
Enfin, on rappellera que la jurisprudence exige traditionnellement que la force majeure soit extérieure à la personne elle-même, quoique cette condition ne ressorte plus expressément des dispositions de l’article 1218 du Code civil (voir, en ce sens : Cass. 3ème civ., 14 mai 1969, Bull. civ. 1969, n°387 ; Cass. 1ère civ., 26 mai 1994, n°92-21.602).
Même si l’examen de la jurisprudence récente révèle que les caractères de la force majeure sont rarement remplis, en matière de paiement d’une somme d’argent notamment (voir, en ce sens : Cass., Com., 16 septembre 2014, n°13-20.306), il est permis de penser que les évènements actuels liés à la propagation de l’épidémie de covid-19, tout à fait inédits par leur ampleur et leur intensité, susciteront un contentieux abondant dont pourrait résulter une inflexion jurisprudentielle du principe selon lequel le débiteur d’une obligation contractuelle d’une somme d’argent ne peut s’en exonérer en invoquant un cas de force majeure. De même, la force majeure pourrait vraisemblablement être invoquée par le preneur pour repousser la date de libération du bien donné à bail. Mais il appartiendra alors preneur désireux de se maintenir dans les lieux au-delà de la date d’effet du congé, de démontrer une impossibilité absolue de libérer l’immeuble.
Si le juge administratif ne se réfère pas expressément à l’article 1218, il s’inspire très largement des principes résultant du Code civil et exige donc également la réunion des conditions d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité pour caractériser la force majeure (CE, 29 janvier 1909, Compagnie des messageries maritimes, n°17614). En pareille hypothèse, le cocontractant de l’administration se trouve totalement ou partiellement libéré de ses obligations contractuelles, sans pouvoir être sanctionné. De même, contrairement au locataire privé, il est raisonnable de penser que le titulaire d’une convention domaniale devrait pouvoir plus facilement obtenir du juge administratif la reconnaissance d’un cas de force majeure lui permettant de se soustraire à ses obligations financières, dès lors que le Conseil d’Etat ne semble pas avoir fermé au débiteur d’une somme d’argent, la faculté d’invoquer une telle cause exonératoire (CE, 29 octobre 2003, Consorts Sénéchal, n°232250). En ce sens d’ailleurs, la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie et des finances aux acteurs publics recommande « de ne pas hésiter à reconnaître que les difficultés rencontrées par leur cocontractants sont imputables à un cas de force majeure » (fiche relative à la passation et l’exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire).
La théorie de l’imprévision, quant à elle, résulte du nouvel article 1195 du Code civil issu de la réforme du droit des contrats privés, instaurée par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui dispose que « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent demander d’un commun accord au Juge de procéder à l’adaptation du contrat. À défaut, une partie peut demander au Juge d’y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».
Le texte, qui ne s’applique qu’aux baux signés ou renouvelés après le 1er octobre 2016, comporte trois conditions cumulatives.
La première condition du « changement de circonstances imprévisibles » au moment de la formation du contrat lié à la survenance de l’épidémie de Covid-19 pourrait résulter pour le locataire de la baisse de sa clientèle en raison des mesures de confinement. La deuxième condition est la conséquence directe de la première, puisqu’elle doit rendre l’exécution du contrat « excessivement onéreuse », ce qui laisse une grande place à l’appréciation et à l’interprétation. Une simple exécution plus difficile ne devrait pas suffire : l’exécution du contrat doit conduire le preneur à la ruine, sans pour autant être impossible. Enfin, s’agissant de la troisième condition, la victime ne doit pas en avoir accepté le risque. Autrement dit, le contrat ne doit pas comporter de clause selon laquelle le preneur accepterait le risque d’un tel événement (une épidémie ou pandémie par exemple).
Au final, et schématiquement, la force majeure pourrait être invoquée par le locataire dès lors que son commerce est totalement fermé, tandis que l’imprévision serait plus adaptée pour les commerces qui restent ouverts pendant l’épidémie mais à la condition que la pandémie de covid-19 rende l’exécution de leur contrat « excessivement onéreuse ».
En pratique, les conséquences de la situation actuelle pourront se régler dans le cadre d’une renégociation du contrat entre la personne publique bailleresse et le locataire, qui devra fournir des justificatifs comptables et financiers établissant la baisse de son chiffre d’affaires et le fait que la poursuite du contrat initial est « excessivement onéreuse ». Lors de cette renégociation, le locataire devra impérativement continuer à payer son loyer courant. A défaut d’accord sur la modification du contrat, les parties pourront alors saisir le juge afin de réviser le bail ou y mettre fin, à la date et aux conditions que le juge fixera.
Les contentieux risquent d’être nombreux en la matière.
4°) La situation des occupants sans titre des bâtiments ou terrains publics
Les personnes occupant sans titre une dépendance du domaine public ou des immeubles relevant du domaine privé des collectivités (que leur bail ou convention d’occupation ait expiré ou soit parvenu à échéance avant la période d’urgence sanitaire, ou qu’aucun titre ne leur ait jamais été délivré) sont en principe susceptibles d’expulsion, soit devant le juge judiciaire (lorsque le bien occupé relève du domaine privé ou constitue une dépendance du domaine public routier), soit devant le juge administratif (lorsque le bien occupé relève du domaine public), saisi au fond ou en référé.
La période actuelle n’est assurément pas propice à l’engagement d’une telle procédure, du fait d’abord du fonctionnement très ralenti des juridictions judiciaire et administrative, qui se concentrent, pour l’heure, sur le traitement des référés et « contentieux essentiels », dont ne relèvent sans doute pas les procédures d’expulsion, sauf péril ou trouble manifeste à l’ordre public.
Au reste, si les huissiers de justice de Paris ont indiqué s’être organisés individuellement et collectivement pour continuer à assurer toute prestation qu’imposent les règles de droit et qu’autorise la situation, les évènements actuels rendent délicats l’établissement de constats, souvent nécessaires à l’engagement d’une procédure d’expulsion, notamment en matière d’occupation irrégulière du domaine public ou simplement la délivrance d’actes introductifs d’instance.
L’exécution des mesures d’expulsion est également impactée par la crise sanitaire actuelle.
D’abord, l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale a reporté du 31 mars au 31 mai 2020 la date de fin du sursis à toute mesure d’expulsion locative non exécutée, à moins que le relogement des intéressés ne soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille, de sorte, qu’aucune expulsion ne peut, a priori, être envisagée avant cette date.
En outre, et en pratique, la Chambre nationale des commissaires de justice, section huissiers de justice a fait savoir, dans un communiqué, qu’il n’était pas possible, pour des raisons sanitaires évidentes, de procéder aux mesures d’exécution forcée au domicile du débiteur, ni à celles qui exigent une décision préalable des juridictions.
Sophie Banel, avocat associé, Cabinet GOUTAL, ALIBERT & Associés
Jérémie Sadoun, avocat, Cabinet GOUTAL, ALIBERT & Associés